7.5/10Watchmen - Les gardiens

/ Critique - écrit par riffhifi, le 05/03/2009
Notre verdict : 7.5/10 - Montres de foire ? (Fiche technique)

Tags : watchmen film snyder gardiens heros rorschach cinema

Une adaptation ultra-fidèle mais purement décorative de la bande dessinée culte d'Alan Moore et Dave Gibbons. Zack Snyder est un formaliste, et son film est un morceau de pop-culture curieusement original et divertissant. Pari réussi ? Pas si sûr.

Le film aurait pu être réalisé par Terry Gilliam, Michael Bay, Paul Greengrass ou Darren Aronofsky. On aurait pu y voir Tom Cruise, Sigourney Weaver, Jude Law, Rorschach (Jackie Earle Haley)
Rorschach (Jackie Earle Haley)
Robin Williams, Kevin Costner, Daniel Craig, Joaquin Phoenix, Simon Pegg, Hillary Swank, Arnold Schwarzenegger, Ron Perlman ou encore John Cusack. Watchmen est une arlésienne dont Hollywood parle depuis plus de vingt ans, l'adaptation d'une bande dessinée déclarée inadaptable par son scénariste lui-même : Alan Moore est d'ailleurs plutôt fâché avec l'industrie cinématographique, et n'assume en aucun cas la paternité des films dérivés de ses autres œuvres From Hell, La ligue des gentlemen extraordinaires et V pour Vendetta. Il se refuse donc à participer à ce Watchmen, dont il assure encore aujourd'hui qu'il ne fera jamais l'effort d'en regarder la moindre seconde. L'adaptation de Zack Snyder, fraîchement couronné du succès de cet autre comic book film qu'est 300, mérite-t-elle ce dédain ?

Fidèle

Après plusieurs versions annoncées comme des trahisons, le scénario définitif s'avère incroyablement fidèle à celui de la bande dessinée ; au point que les évènements se déroulent à la même époque, dans un 1985 fictif où les USA ont gagné la guerre du Vietnam grâce à l'aide des super-héros, désormais tous mis à la retraite. L'agencement des séquences est globalement identique, la narration Le Comédien (Jeffrey Dean Morgan)
Le Comédien (Jeffrey Dean Morgan)
s'ouvre donc sur l'assassinat du Comédien, un des ex-justiciers masqués. D'emblée, on sait que le film sera à la fois fidèle (les plans sont parfois des transpositions exactes des cases de Gibbons) et boosté à la voracité visuelle de Snyder : la baston qui oppose Edward Blake à son agresseur dure plusieurs minutes, ponctuées de ralentis poseurs et d'excès quasiment gaguesques. Le reste du métrage est à l'image de cette ouverture : Watchmen possède un scénario en or, extrait directement de la bande dessinée dont on ne perd que quelques subtilités (l'histoire périphérique des pirates, la description du premier groupe de héros dans les années 40 - toutes sortes de choses que l'on retrouvera dans la version longue en vidéo), mais se contente de le présenter comme un spectacle épique, avec de jolies images et d'impressionnants effets spéciaux. Il convient donc de saluer le respect apporté à l'œuvre, dont personne ne pensait qu'elle pouvait tenir fidèlement dans un seul long-métrage (2h46 tout de même, et ce n'est que la version courte).

Vain

Zack Snyder n'a pas su éviter complètement les fautes de goût : les fausses bonnes idées que sont l'assassinat de Kennedy par le Comédien ou l'omniprésence de Nixon joué par un acteur affublé d'un faux nez ; le côté "juke-box" de la bande originale, qui s'emploie à déployer des standards musicaux avec une régularité de métronome ; l'animal en images de synthèse super-pourries à la fin du film... Mais le moins pardonnable, c'est l'absence totale d'initiative du Nite Owl (Patrick Wilson) et Silk Spectre (Malin Akerman)
Nite Owl (Patrick Wilson) et
Silk Spectre (Malin Akerman)
réalisateur et de ses scénaristes. Afin de s'approprier les fans, et d'éviter la boulette de passer à côté du sujet, Snyder recopie les dialogues avec application, en tirant la langue comme un écolier studieux, et se refuse à toute interprétation personnelle du propos. C'est à la fois la force et la faiblesse d'un film qui préfère refléter les préoccupations de 1985 plutôt que de tenter d'imaginer un équivalent pertinent en 2009. La fin offre même une vision quasiment optimiste, là où la bande dessinée laissait en bouche une amertume durable, malgré des évènements quasiment identiques. La "vision" du cinéaste est uniquement graphique, et consiste à enrober une très bonne histoire (dont il ne comprend peut-être pas un traître mot) dans un écrin technique si sophistiqué qu'il en devient un divertissement. Il suffit de confronter le cinémascope du film aux cases verticales et étouffantes du comic book pour se convaincre d'une évidence : la version papier est un drame intimiste, la version ciné est un spectacle pyrotechnique. Les deux racontent la même histoire, avec les mêmes images, mais procurent des sensations radicalement différentes.

Cool

Adaptation fidèle mais refusant de transcender le matériau d'origine, Watchmen offre tout de même au spectateur (et là on parle du néophyte, qui était absent du reste de la page) un excellent moment, une épopée de près de trois heures qui Dr. Manhattan (Billy Crudup)
Dr. Manhattan (Billy Crudup)
s'avale sans ciller et compte même quelques scènes très fortes (notamment grâce à l'excellent personnage de Rorschach). Les personnages sont complexes et leurs interprètes convaincants, tandis que leurs costumes parviennent à marcher sur la corde raide qui sépare la classe du "too much parodique" (Nite Owl n'est jamais loin du pseudo-Batman assumé, thème musical à l'appui). La version complète devrait être encore plus excitante, mais ni celle-ci ni la version cinéma ne remplacera la lecture de l'album, dont l'adaptation n'était sans doute pas indispensable. Réalisateur tape-à-l'œil et malin, pas forcément dénué de courage mais peu enclin à faire montre d'une réelle personnalité, Zack Snyder a surtout eu le bon goût de choisir des projets sur lesquels il ne pouvait pas réellement se planter du moment qu'il restait fidèle à un modèle en ne lui appliquant qu'un cocon d'enluminures. On attend de voir ce que donnera Sucker punch en 2011, tourné sur un scénario original coécrit par Snyder...