8/10Warriors - L'impossible mission

/ Critique - écrit par Filipe, le 06/11/2005
Notre verdict : 8/10 - Les dessous d'un conflit (Fiche technique)

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Peter Kosminsky est essentiellement connu pour ses documentaires (The Falklands War : The Untold Story, Afghantsi, New York : The Quiet Catastrophe) et ses téléfilms (No child of mine, Warriors). Dans Warriors, téléfilm produit par la BBC et diffusé pour la première fois en France en 2000 sur la chaîne ARTE, il dénonce ouvertement les atrocités du nettoyage ethnique et l'impuissance des casques bleus face aux horreurs perpétrées par la milice serbe en Ex-Yougoslavie. Il évoque le traumatisme subi par les populations locales et s'intéresse tout particulièrement aux réactions des soldats face à l'ampleur du désastre.

Liverpool, 1992. Quatre jeunes soldats anglais en permission vivent leurs derniers instants de détente et de liberté, entre leur passion pour le foot, la bière et les soirées en boîte. Du jour au lendemain, ils reçoivent leur ordre de mission pour la Yougoslavie. Ils font partie des premiers contingents envoyés par les Nations Unies, pour porter secours aux populations civiles à risque. Ils ne devront en aucun cas intervenir de façon armée dans le conflit... Au coeur de l'hiver, les soldats se retrouvent piégés dans une guerre terrible et fratricide, dans laquelle ils ne pourront accomplir leur mission sans en conserver de lourdes séquelles.

Cette guerre civile nous est ici présentée suivant trois phases chronologiques parfaitement distinctes : avant, pendant et après. Le train-train de l'Angleterre, l'intervention fantôme en Yougoslavie et le cauchemar du retour. Une poignée d'hommes sont donc chargés d'apporter une aide humanitaire aux victimes d'un conflit armé faisant rage à l'est de l'Europe. Les premières séquences nous les présentent dans leur environnement naturel. Une manière assez simple d'en faire des hommes ordinaires, s'adonnant aux mêmes passions que vous et moi, et d'encourager les identifications. Une fois sur place, ils reçoivent également l'ordre de ne jamais prendre parti au coeur du conflit. Leur seul objectif est de porter secours. Leurs armes ne leur seront d'aucune utilité, excepté en cas d'agression adverse. Ce choix de la neutralité aura une incidence très particulière sur le terrain. Il donnera un goût particulièrement amer à cette mission. En effet, les casques bleus ne pourront en aucun cas déplacer ou évacuer des populations en danger, sous peine d'être perçus comme des acteurs de la purification ethnique menée par les hommes de Milosevic. Ce qui les forcera à abandonner derrière eux des familles entières en les sachant condamnées à mort.

Peter Kosminsky s'attache davantage à nous dévoiler l'impact de cette impuissance sur le moral des troupes qu'à construire une intrigue émaillée de rebondissements. Dans Warriors, il n'y a pas de héros. Il n'y a que des êtres fragiles, qui doutent du bien-fondé de leurs actions et qui souffrent profondément des actes de barbarie dont ils sont les témoins privilégiés. Le documentariste suit ses acteurs au plus près, quitte à négliger les alentours. De toute manière, l'image est bien trop terne pour qu'il puisse représenter l'horizon croate à sa juste valeur. Il opte parfois pour une caméra à l'épaule, à l'image de ces journalistes qui couvrent habituellement ce type d'événement, bien qu'il ne s'inscrive pas dans leur course à l'audience. Il ne fait que suggérer les épisodes les plus sanglants, mais le film n'en demeure pas moins d'une grande dureté. Son dernier acte est à coup sûr le plus déroutant d'entre tous. Il illustre les difficultés rencontrées par cette poignée de soldats britanniques pour reprendre une activité normale auprès des leurs, une fois leur mission achevée. Au moyen de courtes séquences filmées illustrant leur quotidien, le réalisateur fait état de l'intensité du traumatisme subi. Même si le téléfilm est un peu long, cette dernière demi-heure me semble indispensable au vu de son ensemble. On ne peut raisonnablement l'accuser de laxisme, ou d'une quelconque complaisance.

Globalement, Warriors démontre sans effet outrancier le caractère absurde de cette mission attribuée aux casques bleus. Leur impuissance sur le terrain est le reflet de celle de l'ONU face à d'autres organismes et au bon vouloir de certains gouvernements. Depuis que la paix est rétablie, de nombreux livres sont parus pour évoquer ses déficiences (J'accuse l'ONU, de Zlatko Dizdarevic et Gigi Riva, La Croisade des Fous - Yougoslavie, première guerre de la mondialisation, de Diana Johnstone). Des déficiences qui seraient en partie responsables de la situation actuelle et de la mise au ban de tout un peuple.