7.5/10Take shelter, le film miroir

/ Critique - écrit par Loïc Massaïa, le 18/01/2013
Notre verdict : 7.5/10 - Le mystère reste entier (Fiche technique)

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Curtis, ouvrier sérieux et taciturne, commence à avoir d’angoissants cauchemars où la vision d'une violente tornade l'obsède. Des hallucinations apocalyptiques envahissent peu à peu son quotidien. Son comportement inexplicable fragilise son couple, ses relations professionnelles et provoque l'incompréhension de ses proches. Rien ne peut en effet vaincre la terreur qui l'habite...

Michael Shannon dans l'introduction de Take shelter

Film étrange et fascinant, Take shelter étonne par sa sobriété. Tout en finesse, il dévoile progressivement l’impact que peut avoir une obsession sur la cohésion familiale. Petit à petit, Curtis se renferme sur lui-même, agit de façon excessive ou irrationnelle. Sa famille et ses amis ne le comprennent plus, et le fossé qui les sépare devient de plus en plus grand. Pourtant, et si ces visions étaient réellement prémonitoires ?


Les rêves de Curtis ( Michael Shannon ) sont particulièrement angoissants

Take shelter a ceci d'intéressant, c'est qu'il prend le genre fantastique à rebrousse-poil. Là où le classicisme voudrait qu'un univers réaliste soit de plus en plus "contaminé" par des éléments fantastiques, jusqu'à finir par y baigner totalement, Jeff Nichols fait tout l'inverse. Le film débute par un de ces rêves étranges où la pluie a une couleur de terre et les nuages un aspect surréaliste et menaçant, nous plongeant ainsi d'emblée dans une dimension fantastique. L'atmosphère du film, cotonneuse, moite et mystérieuse, continue à nous immerger dans l'étrange. Pourtant, petit à petit, on doute, car le fantastique se retrouve "contaminé" par le réalisme : le ton du film vire à la chronique sociale et familiale quand Curtis se révèle être psychologiquement instable et qu'on lui découvre un passif qui semble corroborer ce déséquilibre.
Pourtant, nous sommes au cinéma, et le spectateur peut douter, toujours. Tout ceci ne serait pas une vaste machination pour détourner notre attention d'une véritable dimension fantastique du récit ? Et même si la fin semble apporter une réponse à cette question, le doute est permis. Car le film reste suffisamment ouvert pour pouvoir en faire une interprétation plus personnelle.

Au-delà de cette dualité fantastique/réalisme, le film dépeint de façon touchante la déchéance d'un homme qui, finalement, risque de réaliser ce que ses rêves lui font le plus craindre : perdre ses proches. La tornade, c'est lui. Un homme pris entre deux vents, deux émotions, deux réalités, et qui détruit sans vraiment le vouloir tout ce qu'il approche.


Curtis ( Michael Shannon ) dans son abri anti-cyclone

On pourra reprocher au film sa lenteur, le peu de surprises et une certaine redondance dans les scènes, qui apportent généralement peu de choses par rapport aux précédentes. La volonté est certes de faire sentir une évolution, une immersion progressive, mais il faut avouer que parfois on est à la limite de l'ennui. Pourtant, la cohérence de l'ensemble, l'atmosphère unique et la beauté des images font de ce premier film un objet cinématographique à part, et rien que pour ça, ça vaut déjà le coup.