7/10Sucker Punch : Zack aime Alice

/ Critique - écrit par riffhifi, le 25/03/2011
Notre verdict : 7/10 - Suck à malice (Fiche technique)

Tags : film sucker punch snyder zack cinema babydoll

Zack Snyder, avec ses défauts et qualités habituels, livre son premier scénario original. Candide mais plein d’énergie, Sucker Punch a le mérite d’être sincère et divertissant.

Après un détour par le film d’animation avec Le Royaume de Ga’Hoole, Zack Snyder revient à ce qu’il connaît le mieux : le film « que ses enfants n’ont pas encore le droit de regarder ». Mais pour la première fois, il signe un scénario original, afin de balayer l’accusation selon laquelle il ne serait capable que d’illustrer les idées des autres (Romero, Frank Miller, Alan Moore).

Sucker Punch : Zack aime Alice
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Décrit par son auteur comme « Alice au pays des merveilles avec des mitrailleuses », Sucker Punch se rapproche autant de son modèle initial que Darkman du Fantôme de l’opéra, Planète interdite de La Tempête, ou Underworld de Roméo et Juliette. L’histoire est celle d’une jeune fille que son beau-père fait interner en asile psychiatrique, et qui fuit la réalité en se réfugiant dans un monde fantasmé où ses codétenues sont des prostituées de luxe, au service d’un mafieux à l’effigie de l’infirmier-chef. Dans cette réalité-ci, la jeune fille se fait appeler Babydoll, et organise une évasion à l’aide d’un plan digne d’un conte de fées ou d’un jeu vidéo : il lui faut une carte, du feu, un couteau et une clé. Autant de missions qu’elle ne peut remplir qu’avec les autres filles… et l’aide d’un autre monde imaginaire !

Sucker Punch : Zack aime Alice
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Le principe de réalités multiples, imbriquées les unes dans les autres au point de donner le tournis, rebutait les spectateurs d’eXistenZ en 1999 ; depuis, MatriX et Inception sont passés par là, avec leurs concepts clairs et pseudo-scientifiques, et Sucker Punch devrait être plus facile à admettre pour le public de 2011. Pourtant, pas sûr que tout le monde adhère à ce tourbillon visuel décousu où se télescopent des influences visuelles et thématiques provenant de divers mangas, de Kill Bill, Brazil, du Seigneur des anneaux ou encore de L’armée des 12 singes. Deux Terry Gilliam ? Oui, et on pourrait même ajouter Bandits bandits, pour sa juxtaposition typiquement enfantine de figures héroïques ou iconiques : des cow-boys attaquant le Diable chez Gilliam, un gigantesque Mécha qui dérouille des Allemands zombies en 14-18 chez Snyder…

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La succession de scènes d’action prend parfois des allures de film à sketchs, comme si le scénario n’était qu’un prétexte à l’alignement de délires assourdissants remplis de monstres et de combats, de séquences purement rock’n’roll qui ne dépareraient pas dans une version live de Métal Hurlant (rien d’étonnant à ce que Snyder soit attaché au nouveau long métrage inspiré par le magazine culte). Il y a même fort à parier qu’une bonne partie des critiques vont laminer le réalisateur pour son usage décomplexé de ses marottes : le ralenti complaisant, le côté juke-box de la bande-son (on mange pas mal de standards réinterprétés, notamment Where is my mind ? des Pixies et Sweet Dreams are Made of This)… Pourtant, le sujet lui-même invite tous ces excès à trouver leur place naturellement : métaphore du cinéma, déclaration d’amour à toutes les formes d’imagination, d’esthétisation, de réinvention du réel, Sucker Punch affirme avec vigueur que fuir par la pensée n’est pas condamnable. Usant d’une métaphore filée selon laquelle la prison serait autour de nous, et la liberté à l’intérieur de notre tête, Zack Snyder livre une bonne tranche de cinéma pur, de spectacle imbibé d’émotion. Dommage que sur cette couche moelleuse de récit sensoriel, il décide (par frilosité ?) d’expliciter les enjeux de son intrigue, et de souligner certaines de ses intentions. Une bonne partie des dialogues gagneraient à être coupés, surtout dans la dernière partie : la longue séquence d’introduction montre que Snyder est un excellent conteur qui sait se passer de la parole sans problème. La dose de pathos et de mièvrerie "à la Spielberg" s’en trouverait plus tolérable…

Sucker Punch : Zack aime Alice
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Le casting de jeunes filles réuni pour les besoins du film, avec ses airs de fantasme kawaii (des écolières aux cuisses apparentes, armées jusqu’aux dents pour dézinguer orques et samouraïs géants), donne l’occasion entre autres à Vanessa Hudgens de s’extraire de l’image d’adolescente danseuse qui lui colle à la peau en raison de la trilogie High School Musical. Mais le trio d’actrices qui accapare l’attention est constitué d’Emily Browning (Babydoll, l’innocence rageuse), Abbie Cornish (Sweet Pea, la vedette menacée), et Jena Malone (Rocket, la petite sœur qui ne s’avoue pas vaincue), entourées des "vieux" que sont Carla Gugino (déjà présente dans Watchmen), Jon Hamm de Mad Men, et Scott Glenn (semi-sosie de David Carradine) ; quant à Oscar Isaac, qu'on a vu l'an dernier le Prince Jean dans Robin des Bois, il incarne à nouveau une belle pourriture.

Que le film remporte ou non le succès, il représente assurément un bol de sincérité et un énorme défouloir pour Snyder, avant de s’attaquer au film de commande par excellence : le nouveau Superman…

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