6/10Substitute, la Coupe du Monde vue de l'intérieur

/ Critique - écrit par nazonfly, le 13/07/2014
Notre verdict : 6/10 - Transversale du vide (Fiche technique)

Tags : monde coupe football france stade finale vikash

Ce soir, la Coupe du Monde de football va se terminer. L'occasion de rappeler l'étonnant film tourné par Vikash Dhorasoo et, dans une moindre mesure, Fred Poulet, lors de la Coupe du Monde 2006. Un film loin, très loin des paillettes et des flashs du starsystem du ballon rond.

Coupe du Monde 1998. Les caméras de Canal+ suivent les Bleus durant toute la compétition. Résultat : un documentaire assez magistral, Les yeux dans les bleus. Coupe du Monde 2006 : le temps a passé, les journalistes ne sont plus les bienvenus dans le groupe Équipe de France, surtout après la calamiteuse expérience de 2002. Fred Poulet, franchement méconnu par le grand public, contacte alors Vikash Dhorasoo, footballeur atypique de par son jeu et sa façon d'être, afin de réaliser un nouveau documentaire de la compétition. Le joueur du PSG accepte et Poulet lui remet deux caméras Super 8. Moins d'un an après le résultat sort sur quelques écrans sous le nom de Substitute, traduction de remplaçant mais aussi chanson de The Who. Comme quoi le football et la musique ne sont jamais loin (et vous pouvez parcourir notre dossier Football et Musique).

Substitute parce que, même si la France disputera la finale de la Coupe du Monde cette année-là, Vikash Dhorasoo ne jouera en tout et pour tout que 8 petites minutes (sans compter les arrêts de jeu) lors des deux premiers matchs. Évidemment, dans un environnement médiatico-sportif de plus en plus maîtrisé, les autres joueurs, l'entraîneur, n'accepteront pas d'apparaître dans le film. Il ne reste que Vikash, seul, désespérément seul avec pour seul contact le fameux Fred Poulet, support moral présent au long du film mais finalement toujours absent, toujours lointain.


DR.

L'expérience immersive dans le quotidien d'un joueur de la plus prestigieuse des compétitions de football prend alors une autre tournure : l'envers du décor des paillettes est effrayant car surtout constitué de vide. Cette sensation de vide tient en partie à l'utilisation de cette caméra Super 8 qui ne capte pas le son, qui, en délayant toutes les couleurs, désincarne l'image la rendant pratiquement hors du temps, presque onirique (et l'on sait ce qu'il advient des rêves lorsque l'on se réveille). Dans un sens, Substitute serait plus à ranger aux côtés de Gerry ou Last days de Van Sant, des films lents, aux paroles limitées, à l'ennui palpable.

Mais cette sensation tient surtout au mode de vie des footeux professionnels. Une fois les matchs et les entraînements mis hors-champ, il ne reste qu'un immense ennui, l'ennui d'une chambre d'hôtel vide et anonyme, remplacé par une autre chambre d'hôtel vide et anonyme, l'ennui de couloirs désertés aux éclairages tamisés, l'ennui de ces parcs luxueux coupés du monde où l'on ne peut croiser que quelques canards. Le footballeur moderne, dans sa bulle de verre, ne semble plus avoir de contacts avec l'extérieur à part de façon détournée par voix téléphonique.

Substitute n'est pas un film sur le football comme les autres, il va plus loin que son sujet puisque de foot on ne voit rien justement. Dhorasoo, quand il se filme, seul, le regard vide, devant son miroir, incarne parfaitement le désabusement de l'amuseur public qui, brusquement, n'est plus sous le feu des projecteurs, qui est relégué à l'arrière-plan, seul, toujours seul.