6/10Stargate / Independence day / Godzilla

/ Critique - écrit par riffhifi, le 23/03/2008
Notre verdict : 6/10 - Stargate (Fiche technique)

Tags : emmerich roland film films day stargate independence

Roland Emmerich, né au pays de la choucroute, n'a jamais brillé par sa finesse. Sa trilogie des années 90, placée sous le signe du bourrinage, stigmatise bien la cohérence de sa démarche filmique.

En 1994, Roland Emmerich n'est connu que d'un public amateur de séries C, pour son Universal Soldier sorti deux ans plus tôt avec Jean-Claude Van Damme et Dolph Lundgren. Aidé d'un casting moins ciblé (Kurt ‘John Carpenter' Russell et James ‘Sexe mensonges et vidéo' Spader), il va se creuser un nid douillet à Hollywood à l'aide de Stargate. Pourtant, aujourd'hui, le film est plus connu pour avoir généré une série télévisée à succès que pour ses qualités intrinsèques.

Le projet partait d'un postulat plutôt alléchant : et si les dieux de l'Egypte Antique étaient des extra-terrestres ? L'idée n'est pas neuve (on en trouve la trace, entre autres, dans la série animée de Star trek au début des années 70), mais elle ouvre la possibilité d'un scénario moins primaire que celui du blockbuster américain de Stargate (1994)
Stargate (1994)
base. Sauf que Roland Emmerich et son coscénariste Dean Devlin ne courent pas après la subtilité. Leur objectif, décliné à l'envi au cours de leur filmographie subséquente, est clairement la mise en œuvre du bourrinage le plus intensif possible, déployé par un nombre maximum de militaires armés jusqu'aux dents. Dans Stargate, le scientifique interprété par James Spader passe au second plan derrière le béret de Kurt Russell et de ses hommes adeptes de la plaisanterie testostéronée. Notre Kurt interroge ainsi le dieu Anubis à brûle-pourpoint d'un « ça va ma poule ? » avant de lui... brûler le pourpoint ! Plus tard, il règlera son compte à un autre dieu en lui assenant un « Mes respects à Toutankhamon, ducon ! ». On s'en doute, la version française insiste sur le côté croustillant de ces dialogues nanardeux. Assumant presque complètement son statut de série B malgré son budget pharaonique (ahah, pardon, j'ai pas résisté), Stargate se clôt sur un « The end » bien kitschouille qui a au moins l'honnêteté d'afficher que le film ne se prend pas au sérieux. De cette espèce de blague, on tirera pourtant une série télé de 10 saisons, suivie d'un spin-off qui attaque actuellement sa cinquième saison...

En 1996, fort de son succès avec Stargate, Emmerich récidivera dans la science-fiction rétro déguisée en film des années 90. Le nouveau chef-d'œuvre s'appelle Independence day (1996)
Independence day (1996)
Independence day, et raconte l'invasion de la Terre par (bâillement) les extraterrestres. L'histoire est narrée au premier degré à travers les points de vue d'un scientifique (Jeff Goldblum), d'une famille de bouseux, d'un pilote de l'armée (Will Smith) du Président des USA (Bill Pullman), etc. Totalement dénué d'humour et d'intelligence, le film repose uniquement sur son impact visuel à base d'effets spéciaux poids lourds. Bilan : quelques mois après sa sortie, il était déjà démodé. Aujourd'hui, Independence day est devenu une blague, le mètre-étalon du film-catastrophe bas du front et consensuel, et les cinéphiles pleurent de rire à la simple évocation du Président des Etats-Unis venant à bout des envahisseurs dans son avion de chasse personnel. On s'amusera d'ailleurs de constater que malgré ses origines allemandes, Roland Emmerich est un des réalisateurs les plus violemment pro-américains des quinze dernières années.

En 1998, c'est la bérézina, la honte, la vautre : Roland Emmerich ne remplit même pas les salles avec son nouveau film, malgré son titre célèbre depuis les années 50 : Godzilla. Rappelons que le premier Gojira, sorti en 1954, est l'instigateur de la mode des Kaiju Eiga (films de grands monstres) au Japon, et que outre les Rodan ou autre Gamera qui l'ont suivi, il a généré ses propres suites par paquets de 10 : King Kong contre Godzilla, Le fils de Godzilla, Godzilla contre MechaGodzilla, etc. Godzilla (1998)
Godzilla (1998)
Mais le malheureux Emmerich, au lieu de s'engouffrer dans la partie fun du mythe, choisit de piller les deux récents Jurassic Park de Spielberg, livrant au final une histoire de T-Rex dans New York d'autant plus faible qu'elle sent le réchauffé. Le scénario est d'une rare bêtise, et trouve le moyen de prendre totalement à contre-pied l'œuvre originale. Jugez plutôt : dans la version de 1954, le monstre était réveillé par le bombardement effectué sur Hiroshima à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, et les diverses attaques militaires menées contre lui ne donnaient aucun résultat ; la victoire était due à l'intervention du héros scientifique. Dans la version de 1998, Godzilla est né d'une mutation causée par les essais nucléaires français dans le Pacifique, et sa destruction finale est causée par l'acharnement bête et méchant de la soldatesque américaine. D'un premier film anti-américain et antimilitariste, on passe donc à un remake anti-français (d'ailleurs les seuls morts de l'histoire sont les quatre Français Jean-Luc, Jean-Claude, Jean-Philippe et Jean-Pierre !) et pro-militariste. On appréciera au moins la cohérence de l'œuvre de Roland Emmerich...

Après cette trilogie dantesque à la qualité généreusement décroissante, Emmerich continuera dans le blockbuster facile et lourdingue avec The patriot (quel titre !), Le jour d'après et plus récemment le préhistorique 10 000. Quel artiste.