7/10Sin Nombre

/ Critique - écrit par nazonfly, le 24/11/2009
Notre verdict : 7/10 - Traintrain quotidien (Fiche technique)

Tags : film sin nombre fukunaga cary cancion melina

Sur des images splendides, Sin nombre nous conte cette Amérique du Sud tentant de vivre entre misère et espoir.

Casper le Mexicain est membre d'une des plus redoutables maras d'Amérique du Sud, ces gangs qui font régner la terreur, une vie violente difficilement conciliable avec celle qu'il essaie de construire avec sa petite amie. Sayra, elle, est hondurienne et rêve des Etats-Unis. Quand son père, émigré et reconduit à la frontière, vient la chercher pour entreprendre le voyage, elle hésite un peu mais, sac au dos, elle quitte le Honduras pour rejoindre le Mexique et la frontière. Deux destins a priori différents, deux destins qui vont se croiser sur un toit de train. Sin nombre en s'appuyant sur ces deux exemples nous parle de ces sans-nom sudaméricains.

Casper

Casper n'est pas un fantôme
Casper n'est pas un fantôme
Le monde dans lequel vit Casper est effrayant. Son quotidien est la guerre urbaine pour défendre son quartier contre les autres gangs. Dans cette vie-là, il s'agit tout d'abord de se montrer un homme, notamment pour faire la fierté de ses potes. C'est ainsi que se développent les maras, des gangs construits comme une famille ou une société secrète, mais toujours dans la violence. Car l'entrée dans le gang se manifeste par une mise à tabac : les membres tabassent à tour de rôle le futur membre liant ainsi les hommes et les enfants, ces derniers sont en effet les plus facilement attirés par la vie de gang. Mais le postulant n'est pleinement intégré que s'il tue un ennemi : il reçoit ainsi son premier tatouage, identification de l'appartenance à la vie, à la mort à son gang. Surtout à la mort. Comme Casper l'apprendra à ses dépens, il est impossible de quitter sa mara. Impossible même de vivre une vie en dehors du gang. Il n'y a aucun moyen de s'en sortir, si ce n'est la mort.

Sayra

Ah Sayra Sayra
Ah Sayra Sayra
Le monde dans lequel vit Sayra est effrayant. Car il n'y a plus d'espoir pour elle dans son pays dont la pauvreté et la misère représentent le seul horizon. La seule solution valable est de s'expatrier, de rejoindre les Etats-Unis, terrible monarque qui règne sur l'Amérique du Sud mais aussi Eldorado fantasmé pour une population miséreuse. Accompagnée de son père et son oncle, elle va donc quitter ce pays qui l'a vue grandir. D'abord à pied puis sur le toit d'un train bondé de clandestins, elle va passer par toutes les souffrances pour réaliser son rêve : vol, viol jusqu'à la douloureuse séparation d'avec sa famille. Pour Sayra comme pour un Casper en rédemption, l'espoir de s'échapper est mince. La mort est ici aussi souvent au bout du voyage.

Entre gang et émigration

Rail movie
Rail movie
Avec Sin nombre, Fukunaga évoque le quotidien d'Amérique du Sud, ou en tout cas le quotidien d'un membre de gang et d'une émigrée. Sur fond de musique latino, parfois agrémentée de hip-hop pour le côté bad boy du gang, la vie n'est pas rose : la seule alternative à la misère est la mort. Quelques îlots de bonheur surgissent ici et là : un sourire échangé, un amour réel, l'aide de pauvres gens, mais la dure réalité vient toujours réclamer ses droits. Pour quitter ce sombre quotidien, il faut tout abandonner, tout laisser derrière. C'est à ce prix-là que se bâtit une nouvelle vie. Prix du Jury au Festival de Deauville, primé aussi à Sundance (meilleure réalisation et meilleure direction artistique), Sin nombre est pourtant un film sans grande originalité, sans même de grandes intentions mais ce railmovie est un bon moment de cinéma grâce notamment à la belle Sayra qui parvient à interpréter naïveté et force intérieure, et à Casper dont la gravité superbe orne le visage, ainsi qu'à des images splendides.