Salem, de 79 à 2004, l'évolution du vampire

/ Dossier - écrit par nazonfly, le 25/08/2016

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Suite de nos pérégrinations au sein des adaptations de Stephen King. Aujourd'hui Salem.

D'après Otis, le Stephen King de Salem n'a « jamais été aussi proche de la perfection ». Je ne partage pas son point de vue mais il faut reconnaître que Salem, qui mélange ambiance gothique (cimetière, maison hantée), histoire de vampires et, comme toujours avec King, mœurs des petites villes américaines, bénéficie d'un potentiel certain pour une adaptation au cinéma, au bémol près qu'il y a une foultitude de personnes intéressants dans le film. C'est peut-être pour cette raison que Tobe Hooper en 79 (Massacre à la tronçonneuse) et Mikael Salomon en 2004 (aucune œuvre majeure à son actif) ont décidé de passer l'adaptation sur le petit écran en la scindant en deux épisodes pour une durée totale de plus de 3h, un classique finalement dans les adaptations de King. Si l'on veut être complet, comme dans Carrie, une « suite » a aussi été tournée : A return to Salem's lot, repris en français sous le nom de Les enfants de Salem. À ce titre, il faut signaler que Salem's lot, le titre original du bouquin, est aussi le titre des deux adaptations télévisées mais que le nom français est différent : Salem pour le livre et l'adaptation de 2004, Les vampires de Salem pour celle de 1979.


Salem en 79, Salem en 2004 et A return to Salem's lot en  87

Mais trêve de bavardages, passons aux choses sérieuses. Le point commun entre les deux adaptations principales est tout d'abord qu'elles réunissent une distribution prestigieuse : Ben Mears, l'écrivain à succès, héros du livre, est porté à l'écran par David « Hutch » Soul en 79 et Rob Lowe (que j'associerais toujours pour ma part à son rôle de Benjamin dans Wayne's world). Si leur qualité d'acteur n'est pas à remettre en question, ils sont plus ou moins crédibles dans celui de Ben Mears : Soul s'en sort plutôt bien mais Lowe ne colle pas vraiment au personnage, d'autant plus qu'on ne le voit jamais à côté d'un livre. Mais les deux sont quand même très loin de ce que l'on peut imaginer quand on lit le livre ! L'un des autres personnages importants du livre est, bien sûr, Richard Straker, le bras droit du vampire. Ici, ce sont deux monuments qui s'y collent : Donald Sutherland en 2004 et James Mason en 79, excusez du peu ! De fait, chacun donne à son rôle un éclairage particulier : James Mason est inquiétant par son quasi-mutisme, son regard particulièrement distant et néanmoins malveillant, Donald Sutherland est, lui, plus évidemment mauvais et particulièrement bon dans la scène de la maison.


Quel Straker préférez-vous ? Le fou ou l'inquiétant ?

 

La maison, justement, a un rôle central dans Salem : sur sa colline, elle surveille les agissements de la population, véritable dieu omnipotent qui juge ses ouailles mais aussi symbole de cette communauté dévoyée. Cette maison, inquiétante, imposante, est une présence constante des deux adaptations, plus même que dans le livre de King qui, d'une histoire de maison hantée, part rapidement sur une histoire de vampires. Cependant la maison de l'adaptation de Tobe Hooper manque cruellement de présence : elle est certes là mais elle ne touche pas le spectateur comme peut le faire celle de l'adaptation de Salomon. Dans celle-ci, la maison Marstens est une véritable bâtisse gothique dans l'esprit typique de la maison hantée. Une réussite !


DR. Je vous laisse deviner celle qui fout vraiment les jetons.

La maison Marstens est importante car elle représente, en réalité, les sombres recoins de l'âme humaine, notamment (et notoirement dans le cas des livres de King) rencontrés dans les petites villes. En parallèle à la maison, l'adaptation de 2004 va aussi plus loin dans la description des veuleries et autres secrets honteux des habitants de Jerusalem's lot : alcoolisme, adultère, voyeurisme… imprègnent chacun des actes de la communauté. Évidemment la suite de 87 passe complètement à côté de ce sujet pour se concentrer sur l'essentiel : les vampires.

Car, il faut bien le rappeler, Salem est une histoire de vampires. On peut noter que les vampires de 2004 sont terriblement humains : c'est bien dans l'homme que se cache l'horreur. En 79, le vampire a tout du Nosferatu de Murnau : crâne chauve, dents acérées et ongles interminablement pointus. Il y aurait sans doute beaucoup à dire entre les deux versions du vampire au cinéma : le monstre sans visage humain de Murnau à The Strain et le séducteur meurtrier de Entretien avec un vampire… L'aspect le plus intéressant du vampire dans Salem est développé dans la suite, A return to Salem's lot. Le héros, ici, n'est pas un écrivain à succès mais une sorte d'aventurier-ethnologue sans conscience : il débarque dans une ville infestée par les vampires qui ont développé une vraie communauté. Dans ce cadre, la question principale qui semble posée dans cette suite est celle de la normalité de l'homme : peut-on considérer une bande de vampires relativement pacifiques comme une autre forme de société ? On voit que le propos est loin, très loin de l'oeuvre de King et de ses adaptations. Au final, le seul lien entre Salem et A return to Salem's lot est le nom de la ville et la présence de vampires.


Il existe trois sortes de vampires  : le monstre, le beau gosse et le vampire des années 80

À des degrés divers, les trois propositions restent intéressantes à regarder : du Salem de 79, on peut facilement garder le côté film d'horreur vampirique, du Salem de 87, on peut conserver la question de la normalité tandis que le Salem de 2004 est celui qui nous semble le plus fidèle à Stephen King. Quant à la série Salem diffusée actuellement aux USA, elle est basée sur l'histoire des Sorcières de Salem, ce qui n'a, bien entendu, rien à voir avec notre propos.