8/10Royal Affair, enfin un bon film historique

/ Critique - écrit par Hugo Ruher, le 27/11/2012
Notre verdict : 8/10 - C'est bien, c'est beau, c'est danois. (Fiche technique)

Tags : film royal films affair danemark histoire struensee

Ça vous tente un film danois se déroulant à la fin du XVIIIème siècle dans la cour du roi du Danemark ? Avec en prime un triangle amoureux impliquant le couple royal ? Et pas de guerres épiques ni de conquêtes  grandioses ? Non ? Moi non plus. Autant dire qu’avec une telle entrée en matière je n’étais pas spécialement tenté par Royal Affair, même avec la présence de Mads Mikkelsen, le génial « Chiffre » de James Bond. Mais pourtant, chers Krinautes, vous avez certainement remarqué la note de 8 sur 10 à gauche de l’écran et votre visage se tord probablement dans un profond : « Gné ? ». On va y venir.

Le film commence sur une voix off, celle de la toute nouvelle reine du Danemark qui doit quitter sa Grande-Bretagne natale pour rencontrer son mari royal qu’on lui a soigneusement choisi dans des contrées nordiques. On suit la lecture de la lettre qu’elle écrit à propos d'un certain Johann, et on s’attend bien évidemment à une romance plus ou moins sirupeuse avec des jolies robes et des beaux palais, et ce jusqu’à la fameuse rencontre avec le roi.


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Des personnages captivants

Bien éloigné des canons habituels du film d’époque, le roi Christian VII apparaît puéril, obsédé et mentalement dérangé. Ce qui vaut de nombreux moments drôles ou gênants, que ce soit pour la reine ou le spectateur. Ce personnage à la folie schizophrénique fluctuante permet d’apporter au film une dimension psychologique beaucoup plus profonde que celle d’un simple drame historique.

A cela s’ajoute Mads Mikkelsen qui joue Johann, un médecin secrètement porté davantage sur Voltaire que sur la monarchie autoritaire. Johann devient le médecin du roi et s’attache peu à peu à ce souverain bien moins détestable que tous les cadres qui gouvernent réellement le royaume. La relation entre les deux hommes est très développée, et si Johann aurait pu, dans un autre contexte, manipuler très facilement chaque geste de Christian, l’amitié qui les lie rend ces rapports beaucoup plus subtils et en demi-teinte. Le médecin profite tout de même de l’instabilité et de la faiblesse d’esprit du roi pour gouverner à sa place mais Christian n’est jamais dénigré par son ami, ce qui instaure un rapport très fort et réaliste.

Dans un tel cadre, le personnage de la reine tombée amoureuse du médecin pourrait être en retrait mais il n’en est rien. Si, au départ, son statut peut laisser penser qu’elle ne fait que suivre les opportunités, elle se révèle peu à peu aussi forte que les hommes qui l’entourent, et beaucoup plus décidée à payer de sa personne pour faire changer les choses.

Dans les histoires de triangle amoureux, il est souvent difficile d’accorder un soin équivalent à chaque relation, mais ici chaque personnage s’inscrit parfaitement dans l’ensemble. On souffre pour la reine, obligée de supporter un roi instable et déchainé, mais aussi pour ce souverain, obligé de s’abriter derrière ce mur pour fuir les responsabilités. On comprend aussi Johann, engagé pour ses valeurs mais aussi lié à son protégé et ami. Tout se lie sans fausse note dans un scénario construit et captivant.


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Une mise en scène fluide et soignée

Cela n’aurait pas pu avoir lieu avec une réalisation grossière et un montage à la hache. Et Nicolaj Arcel s’en sort à merveille en reprenant l’esthétique des films d’époque mais en la magnifiant à chaque instant. On retrouve un peu de Barry Lyndon, mais en plus intimiste et chaleureux, notamment dans la superbe scène du bal. Vous devez connaitre ce vieux cliché consistant à faire tourner la caméra autour d’un couple dans un bal. Petit à petit la caméra se resserre, les mouvements ralentissent et la musique disparaît. C’est usé jusqu’à la corde mais dans Royal Affair il y a une telle justesse, une telle subtilité et tellement de sens dans les regards que ça passe quand même.

Bien sûr, les costumes et les décors sont impeccables, mais le film évite de trop s’attarder sur les couloirs somptueux du château et les finesses des coutures pour davantage dégager une esthétique générale tantôt bucolique, tantôt inquiétante, jusqu’à un final à la fois fort mais mesuré, comme le reste du film.

 

Pour terminer, on peut dire sans hésiter que Royal Affair n’a rien à envier à la référence du genre, Barry Lyndon et que même si on peut regretter un manque de lyrisme et d’envolées, ce que l’on voit souvent dans les films historiques, c’est un choix qui se défend et que le réalisateur réussit à tenir de bout en bout sans faillir. Et au fait, ne vous fiez pas à la bande-annonce disponible sur le net, elle n’est en rien fidèle à la réalité du film.