7/10La Princesse et la Grenouille

/ Critique - écrit par riffhifi, le 15/01/2010
Notre verdict : 7/10 - Disney remonte son frog (Fiche technique)

Un retour aux sources graphique pour Disney, au service d'une histoire qui pimente son classicisme assez strict de quelques révolutions mineures (l'héroïne est noire !). Un bon cru.

Depuis quelques années, Disney s'évertuait à quitter les rivages de l'animation traditionnelle pour aller taquiner la 3D façon Pixar : Bienvenue chez les Robinson et Volt témoignaient d'une volonté d'en mettre plein la vue à un public biberonné à Shrek. Le mot d'ordre était d'oublier la guimauve, et de tout miser sur le rire et l'action. Mais le rachat de Pixar par Disney en 2006 finit par faire apparaître l'évidence suivante : il y a de la place pour tout le monde. C'est donc John Lasseter lui-même qui produit ce nouveau dessin animé, réalisé à la main pour la première fois depuis La ferme se rebelle (2004). Et La princesse et la grenouille lorgne ostensiblement bien plus vers ses glorieux aînés que vers les récentes comédies azimutées ; la tâche a été confiée à Ron Clements et John Musker, deux
zèbres responsables de quelques éclatants succès des décennies précédentes : Basil détective privé, La petite Sirène, Aladdin... Leur dernière mission s'appelait La planète au Trésor, et datait d'il y a déjà sept ans !

Domestique la nuit et serveuse le jour, Tiana (qui n'est pas une princesse malgré son nom et le titre) rêve d'ouvrir un restaurant où elle préparera le gumbo qu'aimait tant son défunt père. En revanche, son amie Charlotte ne songe qu'à une chose : mettre le grappin sur un prince charmant, avec qui elle pourra vivre heureuse et avoir beaucoup d'enfants. Lorsque ledit prince débarque en ville, bohême et désargenté, avec son valet jaloux, le destin veut que le vaudou se mêle de la partie...

Dans le monde ultra-balisé des films Disney, il y a des histoires de garçons (basées sur l'aventure) et des histoires de filles (avec romantisme à gogo) : nous sommes ici dans la deuxième catégorie. De la même manière, il y a des histoires humaines et des histoires animalières : cette fois, difficile de trancher puisqu'il est question d'humains changés en grenouilles... Il s'agit bien entendu d'une variante sur le célèbre conte de Grimm, dans lequel une jeune fille doit rouler une pelle à un batracien pour le changer en beau prince. Ici, la donne est subtilement changée, à l'image du casting et du décor : pour la première fois, Disney donne la vedette à une héroïne noire (raisonnement savamment pesé : si Obama a été élu,
les spectateurs devraient être au rendez-vous), et l'action se déroule à la Nouvelle-Orléans, au son du jazz et du swing des cajuns. Le décalage entre les normes habituelles et les mini-excentricités du jour se fait sans heurt, d'autant que les auteurs évitent habilement la carte de la parodie rentre-dedans. On note avec amusement les clins d'œil à Cendrillon, Peter Pan et autres classiques, mais le film se construit gentiment sa propre identité, quelque part entre la douceur des vieilles productions et le rythme soutenu que l'on attend d'un dessin animé destiné aux enfants (malgré une mise en place un peu longue).

Si le titre peut faire penser directement à La Belle et la Bête, déjà soumis au traitement disneyen il y a une dizaine d'années, il faut souligner son peu de rapport avec le récit, qui aurait plutôt dû s'intituler La princesse EST la grenouille (la nouvelle dont est tirée le scénario s'appelait d'ailleurs The Frog Princess). La fable est convenue mais attendrissante, les personnages secondaires sont attachants et drôles (le crocrodile ! la uciole !), et il manque tout juste un peu de mordant aux deux méchants, qui se contentent d'être de mini-clones de Samuel L. Jackson et Timothy Spall (non, ce ne sont pas les acteurs de doublage, bien que le deuxième ait tenu un rôle assez comparable il y a deux ans dans Il était une fois). Au final, le spectacle est agréable et coloré, conçu pour réconcilier les cultures et les générations, et ne présente qu'un seul défaut majeur : de ne sortir qu'après les fêtes de Noël.