9.5/10Persepolis

/ Critique - écrit par wqw..., le 25/06/2007
Notre verdict : 9.5/10 - Si Marjane m’était contée… (Fiche technique)

Tags : persepolis marjane satrapi film darius cinema colonnes

Marjane Satrapi, avec Vincent Paronnaud, adapte sans faute sa bd et réalise un film d'animation fort, enjoué et… terriblement vivant !

De 2000 à 2003, l’éditeur L’Association sortait en quatre tomes Persepolis. Cette
bande dessinée autobiographique de
Marjane Satrapi permettait de découvrir sous une plume au caractère assuré, non seulement une artiste déjà indispensable sur la scène de la nouvelle bd française mais également un regard personnel sur la révolution islamique puis la vie en Iran de 1978 à 1994, année où la dessinatrice quittera définitivement son pays d’origine.

Avec le succès de cette œuvre, les propositions d’adaptation se sont multipliées, notamment de l’autre côté de l’Atlantique. « C’était tout et n’importe quoi. » C’est en parlant avec Vincent Paronnaud, que les amateurs du neuvième art connaissent mieux sous le nom de Winshluss, que Satrapi voit l’occasion de travailler avec ce dernier et de pratiquer un nouvel exercice.

Mastroianni, Satrapi & Paronnaud (par Eugene Hernandez/indieWIRE)
Mastroianni, Satrapi & Paronnaud
(par Eugene Hernandez)
On retrouve ainsi de manière fidèle le trait Satrapi, sorte de réalisme stylisé en noir et blanc, qui permet une identification facile aux personnages, même si l’action se passe ailleurs (cf. synopsis ci-dessous). C’est l’Iran mais cela pourrait être le Chili, la Corée du Nord, l’Union soviétique, etc. ; une angoisse universelle face au totalitarisme, quel qu’il soit. L’animation entièrement réalisée sur papier donne alors une âme, une profondeur que la machine ne réussie pas (encore) à rendre. Le poids de l’exil se fait sentir, une certaine nostalgie qui devient rapidement notre.

Dans le même temps, ce nouveau support lui permet d’exploiter d’autres formes graphiques qui accentuent les côtés les plus poétiques de son œuvre. Ainsi les flash-back, les vieilles histoires, sont présentés sous la forme de marionnettes marquées par la magie des contes perses, rappelant d’ailleurs le travail de David B, l’un des fondateurs de l’Association, et qui ouvrent la porte à l'imaginaire et au fantasme. Ces effets sont accentués par des bruitages parfois décalés qui lui confèrent un peu de fantaisie.

Persepolis
Persepolis
En effet, si le propos est grave, il est contrebalancé par un humour certain, des pointes d’ironies qui permettent de relativiser aussi les évènements : il reste toujours de l’espoir… Si le lieu et le contexte historique ont leur importance c’est aussi une vision sur l’enfance, ses perceptions, ses rêves (Marjane a huit ans parle avec Dieu et veux devenir le dernier des prophètes…), l’adolescence avec ses doutes (et un premier exil en Autriche), la révolte intrinsèque qui va ici de pair avec une résistance au régime. Les drames aussi, la mort, la perte, la peur, la guerre et l’exil à nouveau comme bouée de sauvetage, comme résurrection.

La construction reste basée sur le même principe que la bd en chapitre, la musique d'Olivier Bernet liant alors les séquences et donnant une cohérence à l’ensemble. Les voix, enregistrées avant la réalisation des animations, rendent une meilleure synchronisation avec l’image. Pour rentrer un peu plus dans le détail, si le travail de Catherine Deneuve et Chiara Mastroianni restent assez neutres (voire un peu froid), on est par contre séduit par l’interprétation de Simon Abkarian dans le rôle du père et celui de Danielle Darrieux dans celui de la grand-mère au langage fleuri.

Marjane Satrapi au fil de ses anecdotes, ses chroniques familiales, dévoile l’histoire d’un monde en conflit, avec ses joies, ses peines, et qui malgré les menaces, le voile, voit la vie se poursuivre, s’adapter, jouer avec ces nouveaux paramètres. La jeune femme garde toujours un recul face à cet ensemble, elle ne juge pas, elle témoigne. Le résultat est fort, enjoué et avant tout… terriblement vivant !

Persepolis
Persepolis
synopsis

Téhéran 1978 : Marjane, huit ans, songe à l'avenir et se rêve en prophète sauvant le monde. Choyée par des parents modernes et cultivés, particulièrement liée à sa grand-mère, elle suit avec exaltation les évènements qui vont mener à la révolution et provoquer la chute du régime du Chah.

Avec l'instauration de la République islamique débute le temps des "commissaires de la révolution" qui contrôlent tenues et comportements. Marjane qui doit porter le voile, se rêve désormais en révolutionnaire. Bientôt, la guerre contre l'Irak entraîne bombardements, privations, et disparitions de proches. La répression intérieure devient chaque jour plus sévère.

Dans un contexte de plus en plus pénible, sa langue bien pendue et ses positions rebelles deviennent problématiques. Ses parents décident alors de l'envoyer en Autriche pour la protéger.

A Vienne, Marjane vit à quatorze ans sa deuxième révolution : l'adolescence, la liberté, les vertiges de l'amour mais aussi l'exil, la solitude et la différence.