7/10The Mist

/ Critique - écrit par Lestat, le 03/03/2008
Notre verdict : 7/10 - Day of tentacle (Fiche technique)

Un brouillard mystérieux envahit une petite ville. Adaptation de Brume, de Stephen King.

Il n'y a que deux réalisateurs à avoir vraiment compris et assimilé l'univers simple et pourtant si personnel de Stephen King : Rob Reiner (Stand By Me, Misery) et Frank Darabont (Les Evadés, La Ligne Verte). Les autres adaptations allant de l'excellente inspiration, où le récit sert de base de travail (le poignant Simetierre), au ratage plus ou moins sympathique (Dreamcatcher) en passant par l'exercice de style insipide (Shining). En adaptant Brume, tirée du recueil éponyme, Frank Darabont prenait un risque, celui de caler un pitch filiforme et aujourd'hui hors d'âge sur le rythme d'un long métrage, qui avait de fait tout pour virer à la série Z. Brume, sans être un sommet de l'oeuvre de King -dont on est en droit de préférer d'autres nouvelles-, est un récit assez classique, puisant chez Lovecraft et dans un certain cinéma américain de Drive In, les thématiques kingiennes et le talent de conteur de l'intéressé cimentant le tout. Si l'histoire est parfaitement adaptée au format littéraire, plus propice à la construction de personnages et d'un certain axe psychologique, les choses se compliquent lorsqu'il s'agit de changer de médium, The Mist devant, outre impressionner un public du XXIème siècle pas forcément friand d'archaïsme, passer après LA référence incontournable du film de brouillard tueur : Fog, de John Carpenter.

Car même avec la meilleure volonté du monde, il est difficile de ne pas comparer les deux films. Et The Mist ne sort pas grandi de la comparaison, se perdant en longueurs et en bavardages là où Fog avait le mérite de la concision. Une durée plus sage d'1h30 aurait sans doute été plus appropriée à The Mist, qui aurait par la même occasion gagné ses galons de solide série B. Darabont est un réalisateur à l'ancienne. Les effets spéciaux ne semblent pas vraiment l'intéresser face à la construction d'un joli plan, d'une ambiance ou d'un portrait. Sorti de trucages assez laids, The Mist a l'étoffe et la patine délavée d'une bon vieux film d'horreur du samedi soir, dont il hérite un sérieux imperturbable -contrebalancé par de l'humour vraiment drôle- et un climat épais, propice à une étrangeté permanente et des scènes graphiques du meilleur effet. Une note d'intention en concordance avec l'esprit de King, avec sa petite ville, sa menace trouble et ses rednecks cloisonnés dans une supérette. On en viendrait presque à se demander pourquoi le film n'est pas en noir et blanc. Voilà qui tombe bien, il apparaîtrait que Darabont en ait tourné une version monochrome...

 -possibles spoilers-

Si The Mist fait aujourd'hui figure d'anachronisme, il n'en est pas moins un film adulte et lucide, refusant de se sacrifier sur l'autel de la nostalgie. Si le film développe tant bien que mal une dénonciation de l'extrémisme religieux à la subtilité éléphantesque, c'est finalement son regard sur l'humanité que l'on retiendra. Dans sa version de La Guerre des Mondes, Spielberg nous décrivait les pires noirceurs de l'âme humaine, dans la scène controversée dite de la cave, avant de nous montrer, dans un plan magnifique, un monde remis à neuf, vierge de toute vie et civilisation. Un monde qui a changé de main et qui a franchement parler n'a pas l'air de s'en porter plus mal. Le regard de Darabont est le même dans The Mist, captant ici et là la peur, la lâcheté, la folie, le désespoir avant de nous assener la scène paisible de quelque mastodonte d'un autre monde évoluant tranquillement dans la brume lui servant de giron. Quelques secondes suffisantes pour se demander s'il n'est pas temps pour la race des hommes de s'éteindre. D'un nihilisme absolu, l'épilogue incite à son tour à se poser la question...