8/10Lascars

/ Critique - écrit par riffhifi, le 03/07/2009
Notre verdict : 8/10 - Lascarface (Fiche technique)

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La version 1h30 d'une série originellement conçue au format 1 minute fonctionne incroyablement bien, et devrait faire se poiler un public beaucoup plus large que celui qu'il semble viser.

Il y a plus de dix ans que l'aventure Lascars a commencé : le dessin animé est créé par Boris ‘Eldiablo' Dolivet en 1998 sous forme de 30 épisodes de 60 secondes, diffusés sur Canal+ en 2000 et suivis tardivement d'une seconde saison en 2007. Une bande dessinée sort chez Urban Jungle en 2008, tandis que les auteurs s'acharnent à faire convaincre des producteurs de financer un long métrage : le succès quasiment culte de la série (qui tourne sans relâche sur Internet), la participation vocale de pointures bankables comme Vincent Cassel, Omar & Fred ou encore Gilles Lellouche, et la supervision (probablement symbolique) des sbires de Michaël Youn François Desagnat et Thomas Sorriaux achèvent de convaincre les investisseurs qu'ils retrouveront leurs billes dans l'opération. Le résultat leur donne à moitié raison : le succès en salles n'est pas
véritablement fracassant, mais le film s'est vu présenter à la Semaine de la Critique au festival de Cannes, et a suscité l'enthousiasme de ladite critique, pourtant peu encline à faire un triomphe aux longs métrages dérivés de séries animées (parce que bon, Razmoket le film...). Snobisme ? Pas vraiment : Lascars est juste une excellente comédie, pleine d'audace formelle et de vitalité, accessible à tous malgré son ancrage dans la culture hip-hop/graffiti qui ne date finalement pas d'hier.

José Frelate et Tony Merguez aimeraient partir au soleil comme leurs potes Sammy et Narbé, mais le pognon se fait rare... Qu'à cela ne tienne, Tony s'en va vendre de l'herbe pour le caïd local Zoran, tandis que José préfère accepter un job chez le juge Santiepi (la voix impitoyable de François Levantal) dans l'espoir de draguer sa fille Clémence. Les deux potes, membres exclusifs de l'autoproclamée « dream-team du ghetto », vont progressivement sombrer dans l'enfer à coups de revers sentimentaux et "professionnels"...

Les ressorts sont connus, et répondent à la dynamique les plus élémentaires de la comédie : le duo principal est composé de deux caractères antinomiques et complémentaires (José est noir, grand et calme tandis que Tony est un petit excité blanc), le suspense repose sur une course contre la montre haletante (Tony doit du pognon au terrifiant Zoran), et le rythme va crescendo jusqu'à un final apocalyptique et salvateur, précédé d'une petite baisse de régime qui le met d'autant plus en valeur. L'humour fonctionne sur la quantité de poisse collée aux deux héros, victimisés aussi bien par l'ordre moral (les flics, le juge) que par les
gros bras de la cité (Zoran, les petites frappes), et découvrant à leurs dépens que les nanas ne sont pas forcément à l'image des clichés machistes dans lesquels ils se complaisent. Leur lose permanente trouve un écho dans le duo Sammy-Narbé (les voix d'Omar & Fred), dont le souci essentiel est de ne pas perdre la face.

L'âge des personnages reste indéterminé, il n'est même pas évident qu'ils soient particulièrement jeunes. Après tout, leur créateur Eldiablo a 38 ans et quatre enfants, il a conscience que l'éternelle ado attitude a quelque chose de ridicule, et s'évertue à filer des coups de pompe dans le train de leur apathie. Le résultat est réjouissant, aussi bien sur le plan du rythme et de l'humour que sur celui de la réalisation, confiée à Emmanuel Klotz et Albert Pereira-Lazaro. Talentueux, ils respectent l'imagerie tordue de la série et truffent l'image de clins d'œil et d'idées dans une série de décors rotoscopés (basés sur des prises de vues réelles) du plus bel effet.

Pas tellement vulgaire mais jamais consensuel, Lascars ne renie pas sa fraîcheur d'origine et fonctionne au poil dans un format long. Une suite verrait-elle le jour ? Avec des héros devenus père de famille mais incapable d'assumer la perte de leur rebellitude ?...