2.5/10Le jour où la Terre s'arrêta 1951 / 2008

/ Critique - écrit par riffhifi, le 11/12/2008
Notre verdict : 2.5/10 - 2008 : Michael Rennie would be ill (Fiche technique)

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L'original a beaucoup vieilli, mais le remake est mauvais dès le jour de sa sortie. La Terre ne va pas s'arrêter pour Keanu Reeves ni pour sa science-fiction écolo mal dégrossie.

« Klaatu barada nikto »

Les cinéphiles se souviennent de cette phrase, inventée pour sauver l'héroïne du classique de 1951 Le jour où la Terre s'arrêta, et surtout reprise avec un effet comique imparable dans L'armée des ténèbres (1993), où cet abruti de Ash était incapable de s'en souvenir au moment opportun. Reprise subrepticement dans la version 2008, l'incantation ne sauve pas le remake du naufrage, dans lequel Keanu Reeves pagaie stoïquement à la recherche du mot Exit.


Vu aujourd'hui, l'original de 1951 accuse méchamment son âge malgré la musique toujours agréable de Bernard Herrmann. Klaatu (Michael Rennie) débarque sur Terre dans son grand vaisseau pour inciter les humains à stopper la course à l'armement. Le bonhomme est non-violent, mais ce n'est pas une raison pour lui chercher des poux : il est escorté de Gort, un robot géant qui répond à la force par la force. Formellement, c'est une fable vieillotte filmée en noir et blanc, interprétée avec une certaine raideur et narrée avec une candeur désormais impensable. Replacé dans le contexte de l'époque, le film a le mérite de ne pas servir la propagande anti-communiste qui fait le bonheur de la plupart des autres séries B de SF. Une réplique amusante montre d'ailleurs un personnage exprimant sa méfiance envers l'extraterrestre, en le soupçonnant d'être un espion russe ; un autre lui répond alors « si c'était le cas, il serait venu en avion, pas en soucoupe volante ». Le message est plus universel, et se borne à prôner le pacifisme pour toutes les nations. Les moyens évoqués sont un peu douteux (les aliens se sont fait une police de robots si puissants qu'ils dissuadent de toute violence), mais les intentions sont là : Klaatu invite les Terriens à faire l'amour, pas la guerre. C'est mignon, et plutôt bien vu lorsque le héros se heurte à la bêtise et à l'étroitesse d'esprit de ses interlocuteurs. Comme l'écrit Jean-Pierre Putters dans son livre Ze craignos monsters, le retour : « A travers son film, Wise décrit ses contemporains volontiers stupides, intolérants, veules et irresponsables. Un beau pavé dans la mare cinématographique de l'époque où les scénaristes américains nous avaient habitués à davantage d'orgueil et d'auto-
"Salut les mecs, moi c'est Klaatu !"
proclamation. » La réalisation de Robert Wise (à qui on devra par la suite La maison du diable et West side story) mise sur la sobriété et les dialogues plutôt que sur l'action ou les effets spéciaux, qui se limitent à la seule présence de Gort. Il est amusant de constater que le marketing de l'époque jouait à fond sur ce robot pittoresque, alors que l'intérêt du film était ailleurs. En 2008 en revanche, l'affiche du remake cache presque totalement l'argument science-fictionnel, et même la bande-annonce se garde de montrer le robot... qui pourtant ressemble à son modèle que tout le monde connaît !

Le film est inversement proportionnel à l'épure de la promotion : pour étoffer le scénario considéré comme simpliste, il paraît nécessaire de garnir l'assiette de gadgets narratifs indigestes et inutiles, si possible en soulignant la coûteuse présence de la tête d'affiche prestigieuse : on se farcit donc les épisodes « Keanu Reeves joue à Terminator », « Keanu Reeves parle chinois », pendant que le département casting s'emploie à la fois à caser un échantillon de têtes connues (Jennifer Connelly, Kathy Bates, Kyle Chandler) et à faire évoluer les rôles d'origine pour coller à l'ère actuelle : plus de personnages noirs, plus de femmes, l'ajout d'une famille recomposée... Les principaux efforts d'actualisation résident dans l'introduction d'éléments purement SF qui détournent l'attention du propos sans l'étoffer pour autant. Que l'arrivée du vaisseau prenne vingt minutes contre cinq dans la version d'origine, pourquoi pas (le début possède même un petit air de Rencontres du troisième type) ; mais que Klaatu adopte son écorce humaine une fois sur Terre, justifiant ainsi le prologue poussif situé dans les années 20, très franchement, on s'en bat les flancs avec un fer à souder. D'ailleurs, le sursaut de crédibilité ajouté par cette idée ne permet pas pour autant d'expliquer comment le brave homme apprend instinctivement à faire des nœuds de cravate aussi parfaits. Le reste n'est qu'une longue vallée d'ennui et d'incohérence dénuée de la moindre
"Je reviendrai le jour où la pluie s'arrêtera."
parcelle d'humour (malgré la présence de John Cleese !), où Klaatu (franchement, ce genre de nom en 2008 ça fait farce) fait étalage de pouvoirs à la X-men sans qu'on puisse pour autant comprendre de façon claire ses intentions, ses motivations ou le pouvoir qui lui est imparti. Le rôle du gamin, qui dans la version originale était le premier personnage à faire confiance à Klaatu, est devenu un archétype de tête à claque sans cervelle, qui se méfie de l'étranger et souhaite s'abrutir de jeux vidéos ; que l'acteur en soit le talentueux rejeton de Will Smith ne change rien à la bêtise du personnage. Le tout s'achève dans une tornade d'effets spéciaux aussi inintéressants que bruyants, culminant dans une eau de boudin comparable à celle du premier film, à la différence près que le message anti-militariste a laissé place à de mornes considérations écologiques. Le seul atout de ce refaisage, contre toute attente, c'est le robot. Il ne porte plus de slip (pourquoi diable celui de 1951 en portait-il un ?), mais il a de la gueule. Mais bien sûr, 5-10 minutes de robot dans 103 minutes de navet, c'est un choix qui relève du masochisme.