Invasion - Dossier

/ Dossier - écrit par riffhifi, le 23/10/2007

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Dossier sur les quatre versions de Body Snatchers

A l'origine, il y a un roman de Jack Finney publié sous formé d'épisodes dans un magazine bon marché. Intitulé The Body Snatchers, il vient d'être adapté pour la quatrième fois au cinéma... La paranoïa fait recette à toutes les époques !

L'invasion des profanateurs de sépulture

1956
1956
Le premier film, tourné en noir et blanc par Don Siegel (futur réalisateur, entre autres, de L'inspecteur Harry), traite déjà le sujet sans fioritures : une entité extraterrestre investit le corps des humains, puis crée des cocons dans lesquels leurs clones sont générés. Ces clones sans émotion remplacent alors les humains à l'insu de leurs proches, créant ainsi une communauté grandissante d'individus désincarnés. Le Dr Bennell (Kevin McCarthy) et sa fiancée Becky Driscoll prennent conscience de l'invasion, mais peuvent-ils vraiment l'arrêter ?
A l'époque, la menace extraterrestre est couramment interprétée comme une métaphore du communisme, une lecture évidente pour cette histoire de course à la vie communautaire. Si l'allusion est peu fine, le film n'en reste pas moins un bon suspense de science-fiction, certes un peu daté et timoré, mais assez dérangeant pour son époque.
Pour la petite histoire, l'acteur principal Kevin McCarthy, qui fait une courte apparition dans le remake de 1978, est aujourd'hui âgé de 93 ans et a encore deux projets de films pour 2008...

L'invasion des profanateurs

1978
1978
Cette deuxième version, avec son ambiance seventies, ses effets spéciaux percutants et son casting savoureux (Donald Sutherland, Leonard Nimoy, Veronica Cartwright et un tout jeune Jeff Goldblum), reste peut-être la plus réussie. Les mouvements de caméra nauséeux et invasifs (eh oui), les tons rouges de l'image et l'aspect culte de ses scènes d'horreur en font un spectacle d'épouvante bien plus efficace que le premier que le premier film.
Quant au sous-texte du film, il n'est plus question d'y voir une quelconque peur du communisme ; on y trouverait plutôt une dénonciation de la société contemporaine, où l'appartenance à la société, au monde professionnel et à la norme prend le pas sur les émotions et l'humanité.
Côté clin d'œil au film de 1956, outre Kevin McCarthy, on trouve Don Siegel dans le furtif rôle d'un chauffeur de taxi.

Body Snatchers

1993
1993
Changement de ton, c'est Abel Ferrara qui réalise. Si l'ensemble est plus rock'n'roll, années 90 oblige, et s'attache plus aux personnages, l'histoire peine cependant à démarrer malgré une durée totale inférieure à 1h30. On a le plaisir de trouver dans des rôles secondaires des acteurs comme Forest Whitaker ou R. Lee Ermey (l'éternel sergent-instructeur de Full Metal Jacket, à nouveau en militaire).
L'histoire s'écarte significativement de celle du livre et des autres adaptations : située à proximité d'une base militaire, elle ne comporte aucun des personnages du livre et met en scène des aliens plus graphiques, équipés de tentacules dégoûtants. L'influence de la saga d'Ellen Ripley est évidente à l'écran... Ainsi que celle de la version 1978, dont plusieurs éléments sont repris, notamment le cri inhumain que poussent les clones pour désigner les humains. Malgré ces références, le film de Ferrara garde un style assez personnel, bien glauque et parfois franchement mystique, et comporte une ou deux scènes vraiment marquantes. La nécessité de revisiter cette histoire commence cependant déjà à se faire douteuse...

Invasion

2007
2007
Alors pourquoi cette nouvelle version ? Pour montrer comment le "virus" est arrivé sur Terre ? Très franchement, on s'en cogne. Pour inverser le rôle de l'homme et de la femme, donnant ainsi la vedette à Nicole Kidman ? Pur exercice de style, si ce n'est de la simple démagogie. Pour se livrer à une surenchère de suspense, d'action, d'effets spéciaux ? Vous allez rire, c'est sans doute le film le plus mou et le plus dénué d'effets spéciaux depuis l'original de 1956 ; même le concept de clonage a disparu, au profit d'une petite incubation interne très peu graphique. Alors quoi, le but est-il simplement de proposer une nouvelle lecture du thème, adaptée aux années 2000 ? Si ce n'est que pour assener une vague réflexion sur le fait qu'une humanité pacifiée serait une humanité morte, n'importe lequel des trois films précédents s'en chargeait à peu près aussi bien. Si le climat de paranoïa qui flotte autour du virus est supposé évoquer le SIDA, il manque un réel parallèle, et le sujet ne s'y prête pas franchement. Inutile donc de réaliser ce qui ressemble étrangement à un épisode double de la série Au-delà du réel (la voix off finale et le générique qui la suit renforcent cette impression), une version guindée, cheap et assez terne dans laquelle seul Daniel Craig tire son épingle du jeu. On y trouve même une variante du fameux sketch de Jean-Marie Bigard « on va faire deux groupes de un... »
En soi, le film est loin d'être exécrable, mais quand on passe après trois réussites, on ne peut pas se permettre d'être médiocre. Pour un premier film hollywoodien, Oliver Hirschbiegel (réalisateur de La chute) se prend une belle peau de banane, d'autant que la sortie du film est repoussée depuis deux ans, et qu'une partie des scènes a été retournée par James McTeigue (V pour Vendetta).

A force de refuser de donner dans la surenchère, la quatrième version de Body Snatchers ne donne plus dans rien. Préférez la cuvée 1978.