7.5/10Gothika

/ Critique - écrit par Lestat, le 09/01/2004
Notre verdict : 7.5/10 - Kasso en Amérique : jusque là, tout va bien... (Fiche technique)

Tags : film gothika films berry halle robert cinema

A ma droite, Dark Castle. Jeune compagnie fondée par Joel Silver et Robert Zemeckis, le duo s'étant mis en tête de fournir chaque année, pour Halloween, un film d'horreur capable de satisfaire les bas instincts des fétards. Résultats : La Maison de l'Horreur, 13 Fantômes, Le Vaisseau de l'Angoisse et Terreur.Com, chacun de ces films dépoussiérant un vieux concept du cinéma de genre pour le remettre au goût du jour avec plus ou moins de bonheur. Difficile de faire des chefs-d'oeuvre avec de tels parti pris...

A ma gauche, Matthieu Kassovitz. A son actif, nous pouvons citer Métisse, jolie comédie antiraciste, La Haine, drame dans l'univers de la banlieue, Assassin(s) drame également (sa violence value à Kasso une volée de bois vert. Voilà, c'est dit, refermons la parenthèse) et les Rivières Pourpres, adaptation honnête du roman éponyme de Jean-Christophe Grangé. La suite de l'histoire, on commence à la connaître : comme beaucoup de ses compatriotes (Besson, Jeunet, Pitof), Kassovitz émigre de l'autre côté de l'Atlantique. Là, les scénarii d'Arrête moi si tu peux (qui finira chez Spielberg) ou encore Alien Resurection (pour Jeunet) lui passent sous le nez sans qu'il n'y touche. Jusqu'à Dark Castle, il n'y aura qu'un pas : ça sera Gothika...

Gothika est ce qu'on appelle un film de commande dont Kassovitz n'avait plus qu'à tourner les plans. L'idée avait de quoi faire frémir, surtout à la vue des précédentes productions Dark Castle. Il faut pourtant être honnête, le film tient fort bien la route.

Psychologue au pénitencier psychiatrique de Woodward, le docteur Miranda Grey (Halle Berry ) reprend conscience dans l'une de ces cellules où elle rencontra tant de patients autrefois. Internée pour le meurtre sauvage de son mari, dont elle n'a aucun souvenir, Miranda tentera de prouver qu'elle est saine d'esprit et innocente de surcroît. Mais cela ne sera pas chose facile, surtout lorsque l'on voit des fantômes dans les couloirs...

Les dés sont jetés et le verdict est le suivant : Gothika est un authentique film de trouille ! Que ce soit dans la lugubre structure de l'asile ou la claustrophobie des cellules confinées, le film distille une ambiance glauque et très prenante, préparant le terrain aux souvent terrifiantes apparitions dont est sujette Miranda. Plutôt que de jouer sur une peur minime mais effroyablement constante, comme nous y habituent les productions asiatiques telles Dark Water, Gothika joue sur la surprise, sur le sursaut, la soudaine déchirure du réel qui dure le temps d'un bond sur son siège. Un système moins facile qu'il n'y paraît et souvent mollement exploité. Et c'est ici que l'on constate que oui, Kassovitz était un bon choix pour tenir la caméra. Plus déchaîné que jamais, Kassovitz explose les limites de son scenario un brin convenu avec une mise en scène nerveuse, intelligente et incroyablement efficace dans les scènes d'horreur pures, rendant certaines de celles-ci littéralement traumatisantes. Ainsi un passage du dernier tiers du film, où Miranda revient chez elle, lieu de son supposé crime, où le spectateur est lâché impuissant, face à des séquences cauchemardesques dignes d'Event Horizon.
En bon fan du genre, Kassovitz sait aussi se montrer plus fin et nous gratifie d'un joli clin d'oeil à l'Antre de la Folie, de
John Carpenter. Kassovitz par sa seule réalisation arrive à sublimer son film. Cette même personne au scénario, Gothika aurait aisément pu figurer sans rougir aux côtés des grand classiques. Hélas, mille fois hélas, Gothika est avant tout une production Dark Castle.
Tout d'abord, le film est truffé de gros clichés, de raccourcis pas très heureux et de passages bêtes à manger du foin. Ainsi la fabuleuse scène que j'ai décrite précédemment se trouve littéralement flinguée par une conclusion qui en plus d'être hors de propos, donne dans un sentimental des plus insupportables après cette montée d'adrénaline !
Je passe volontairement sur quelques concessions commerciales, comme cette scène de douche (un grand classique du film de prison, surtout si il est féminin), je remercie au passage la costumière d'Halle Berry qui a pris soin de l'habiller avec un débardeur blanc avant de la faire plonger dans une piscine et j'aborde ce qui restera sans doute comme LE défaut le plus rageant de Gothika : sa fin. Pour rester poli et constructif, je dirai qu'incruster un dénouement pareil à un film qui avait si bien commencé relève du suicide pur et simple. Grosses ficelles, twist bancal, suspense au rabais... tout ce que Gothika avait réussi à éviter durant ses premiers trois quarts, il le lâche au dernier moment. Je ne vais pas vous révéler le fin mot pour autant, je vous dirai simplement que le terrifiant film de fantôme se métamorphose à ce moment en un bête thriller banal et mou du genou, un whodunit comme disent les initiés et voir ça, ça fait très mal.

Ne boudons pas notre plaisir, sans cette grosse fausse note, Gothika est réussi et Kassovitz a transformé son essai américain. Je n'ai pas parlé du casting : Halle Berry, toujours aussi belle et talentueuse, dont le regard tourmenté en fera chavirer plus d'un et les cris désespérés frémir plus encore. Penelope Cruz, dans un rôle un peu effacé (elle ne bénéficie que de quelques scènes) mais extraordinaire d'humanité et de réalisme. Finalement je commence à croire que c'est dans les petits rôles que l'on voit les grands acteurs et actrices. Enfin Robert Downey Jr, à la fois désabusé, profesionnel et amusant en amoureux évincé, qui nous livre également une belle prestation.

Gothika a ses références (6ème Sens et l'Antre de la Folie en tête), ses défauts mais d'énormes qualités. A défaut d'un chef-d'oeuvre, un agréable moment.