7/10Gomorra

/ Critique - écrit par riffhifi, le 17/08/2008
Notre verdict : 7/10 - Sot d'homme (Fiche technique)

Tags : gomorra savastano saison genny ciro film mafia

Le Grand Prix du dernier festival de Cannes est un témoignage brut et démystificateur sur la mafia napolitaine. Edifiant, mais peut-être pas assez enjolivé pour être un bon moment de cinéma.

Gomorra, nom fictif donné à une banlieue de Naples (en réalité, le film a été tourné à Scampia), est à la fois un jeu de sonorité sur le mot camorra, employé pour désigner la mafia du sud de l'Italie, et une allusion à la ville détruite par Dieu en même temps que Sodome pour les péchés de ses habitants. Le film, adapté d'un livre à succès de Roberto Saviano, qui valut à son auteur de voir sa tête mise à prix et de devoir se placer sous protection policière, suit le quotidien de quelques individus dans ce milieu oppressant qui régit certaines régions d'Italie...

Don Ciro s'occupe de distribuer de l'argent aux femmes dont les maris sont en prison, ainsi qu'aux "retraités" ; peut-on se protéger de la violence en exerçant une activité inoffensive ? Toto est un gamin d'une douzaine d'années, qui livre leurs courses aux mammas de la cité ; combien de temps restera-t-il innocent ? Pasquale dirige un atelier de couture, mais a du mal à joindre les deux bouts ; acceptera-t-il d'arrondir ses fins de mois en travaillant avec les Chinois, malgré les risques que cela suppose ? Marco et Ciro sont deux jeunes blaireaux qui défient le clan local en
agissant de leur propre chef ; où les mènera ce jeu dangereux ? Franco est un "businessman" qui s'occupe de la gestion de déchets toxiques ; son nouvel assistant Roberto est-il taillé pour ce métier aux conséquences douteuses ?

Du livre de Saviano, le réalisateur Matteo Garrone ne choisit donc que certaines intrigues, qui recèlent néanmoins une quantité d'informations non négligeable pour un long métrage. On notera d'ailleurs que les 2h15 du film ne se font pas vraiment oublier, sans pour autant constituer un pensum. Le traitement quasi-documentaire de l'image et de la direction d'acteurs n'y est sans doute pas étranger non plus : une partie des comédiens sont des amateurs recrutés à Scampia, la caméra bringuebale sa photographie délibérément triviale d'un visage à un autre... La volonté d'éviter aussi bien la tentation esthétisante que la construction en forme de fiction peut dérouter, voire paumer les gens qui préfèrent évoluer dans un environnement balisé. Le scénario est exigeant, il ne donne pas la becquée au spectateur et ne s'appuie pas sur les ressorts hollywoodiens du violon, du flash-back ou de la voix off. La distance que cette approche implique sert sans doute le propos, mais ne permet quasiment aucune empathie avec les personnages, qui sont montrés comme un tas de médiocres, de ratés, de neuneus, piégés dans un système dont ils ne peuvent pas se dépatouiller.


Le message, en revanche, est clair : la camorra apparaît d'abord comme une architecture stricte, avec son économie, ses règles, son mode de fonctionnement imparable. Puis elle révèle progressivement ses rouages, à base de pressions et d'intimidation, et les conséquences du moindre écart, qui sont d'une violence inacceptable. On a beau avoir conscience de certaines réalités, les voir condensées dans un tel témoignage n'est pas inutile. Le film contribue du même coup à démystifier l'image glamour de la mafia véhiculée par des film comme
Les Affranchis, la trilogie du Parrain ou le Scarface de Brian De Palma (voir le remake que Marco et Ciro en font dans une maison abandonnée, construite par un parrain local à l'image de celle de Tony Montana !). Les chiffres annoncés dans la série de panneaux finaux, quant à eux, donnent le bourdon... Mais le film aurait-il été moins efficace en étant plus "cinématographique" ?...