7/10Gerry

/ Critique - écrit par nazonfly, le 12/05/2011
Notre verdict : 7/10 - Gerry, mais ce n'était pas drôle (Fiche technique)

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Rares sont les films dans lesquels il ne se passe rien. Mais rien du tout. Gerry est de ceux-là : en conséquence, il laisse toute latitude au spectateur de lancer ses propres réflexions.

L'histoire est simple. Deux jeunes hommes, joués par Casey Affleck et Matt Damon et prénommés tous les deux Gerry, se perdent dans le désert. Raconter n'importe quoi d'autre sur le film ne serait qu'en fait dévoiler les rares moments où il se passe quelque chose.

Car, oui, il ne se passe pas grand chose dans Gerry. On pourrait donner
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comme exemple les premières minutes du film pendant lesquelles on suit une voiture longuement, puis la caméra change de vue et se pose sur la capot pour dévisager les personnages, et enfin elle se retourne ne filmant plus que la route qui défile devant elle, le tout durant une bonne dizaine de minutes.
Gus Van Sant se pose comme le contraire de David Lynch (autant dans Elephant que dans Gerry). Là où Lynch truffe son film de détails, de pistes de réflexions, Van Sant ne nous donne rien, ne nous fournit rien. Au final, le résultat est le même : le spectateur est complètement perdu dans un film qui ne lui indique aucune voie et le laisse se débrouiller tout seul avec ce qu'il a.
Van Sant prend aussi le contrepied des films dit hollywoodiens qui balancent des tonnes d'effets spéciaux, des émotions à ne plus savoir qu'en faire, des explosions qui finalement abrutissent le spectateur. Il choisit de laisser libre notre esprit de tout. La quasi absence de dialogues, de personnages et de musique, la couleur unie du désert laissent nos sens quasi inactivés, et le cerveau a désormais tout le loisir de réfléchir et de trouver sa propre voie dans la signification du film.

En ce qui concerne la réalisation, elle est à l'image du film : lente. Les
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premières paroles échangées dans le film surviennent à plus d'un quart d'heure du début, la caméra s'attarde longuement sur les beaux paysages du désert de la Vallée de la Mort (et aussi de l'Argentine), elle peut aussi tourner se permettre de ne filmer que le visage de Casey Affleck pendant cinq minutes. Dans ces conditions, le jeu des acteurs est agréable, mais à vrai dire ils n'ont pas réellement de poids à donner à leur personnage tant l'histoire est minimaliste. D'ailleurs ce minimalisme va évidemment rebuter la quasi-totalité du public, la première heure est du reste terrible (même en gardant l'esprit très très ouvert), à la limite de l'ennui. Mais étrangement au bout de ce long tunnel morne, lent et immobile, le cerveau se met à marcher tout seul, à réfléchir, et la fin est là, achevant un film que l'on pourrait qualifier du terme trop galvaudé d'OVNI.

Si vous n'avez pas aimé Elephant, Last days, je n'aurais qu'un seul conseil : fuyez ce film qui comporte encore moins d'action que ces deux derniers exemples. Par contre, si vous aimez les films où le spectateur fait la majorité du boulot (pour ne pas dire la totalité), les films qui n'apportent pas leur solution avec eux, alors Gerry est pour vous.

Pour ceux que ça intéresse et qui auraient déjà vu le film, voilà les fruits de ma réflexion à l'époque de la vision de ce film. Nul doute qu'une autre vision, un autre contexte sauront amener d'autres conclusions sur ce film complètement différent de ce que l'on voit généralement.

Certains vont trouver que Gerry est un hymne à l'amitié indéfectible de Gerry et Gerry, une amitié qui ira jusqu'à son paroxysme avec un Gerry libérant l'autre de la mort lente par la soif.
Pour ma part, j'ai tout de suite été interpelé par le fait que les deux prénoms sont les mêmes. Puis je me suis rappelé des critiques d'Elephant, démontrant que les films de Van Sant concernaient l'adolescence. La lumière m'est donc apparue, et pour moi Gerry représente justement aussi l'adolescence, le long désert que traversent ces gens ni hommes, ni enfants. Affleck représente dans ce cas l'enfant, chétif, qui monte sur un rocher sans savoir en redescendre tandis que Damon, plus costaud, est l'homme dans toute sa splendeur. Et la réflexion que j'ai eue au milieu du film (l'homme ne peut survivre que s'il tue l'enfant) s'est trouvée vérifiée à la fin.