7/10Frontière( s )

/ Critique - écrit par Lestat, le 23/01/2008
Notre verdict : 7/10 - 'Dans ton cul sale nazi !' (Fiche technique)

Une bande de voyous fuit une France dominée par l'extrême-droite. Non loin de la frontière, une auberge où ils auraient mieux fait de ne pas mettre les pieds...

Par un concours de circonstances devant tout au marketing, le deuxième long métrage de Xavier Gens, Hitman, a trouvé le chemin des salles obscures avant Frontière(s), son premier. Les spectateurs ayant suivi le début de carrière du français dans cet ordre ont donc peut être eu la surprise de trouver dans Frontière(s) un film sans doute plus réussi qu'Hitman, mais paradoxalement moins maîtrisé. Car Frontière(s) est une oeuvre patchwork, un peu irréfléchie, somme d'influences plus ou moins bien digérées par un jeune réalisateur qui a voulu trop bien faire. Et pour dire la vérité, cette oeuvre de sale môme, aussi imparfaite soit-elle, est diablement sympathique.

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Pas de doigts, pas de chocolat

"Le corps humain est un royaume où chaque organe veut être le roi
Il y a chez l'homme trois leaders qui essayent d'imposer leur loi
Cette lutte permanente est la plus grosse source d'embrouilles
Elle oppose depuis toujours la tête, le coeur et les couilles"

- Grand Corps Malade

Frontière(s) est le fruit de la tête, du coeur et des couilles de Xavier Gens. Comme dans le morceau, ça ne fait pas vraiment bon ménage. La tête de Gens lui dicte une intrigue un tantinet politisé (une bande de voyous fuit une France conquise par l'extrême droite), son coeur le pousse à accumuler des références dissonantes et ses couilles à asperger l'écran de saleté et d'hémoglobine. De fait, Frontière(s) est généreux, humble, touchant parfois dans sa volonté à rester premier degré malgré le ridicule de certaines scènes. Frontière(s) est aussi foutraque, caricatural, contradictoire dans sa démarche, et souvent maladroit. Frontière(s) propose un contexte politico-social fort qu'il abandonne aussitôt. Frontière(s) souhaite miser sur un certain réalisme et propose une impayable galerie de nazis de carnaval. Frontière(s) a pour lui des personnages bien construits par une sous-intrigue touchante et un Samuel le Bihan en roue libre dont le rôle consiste à beugler. Frontière(s) privilégie une approche frontale, nous gratifie de quelques scènes superbes et gâche parfois toute l'action dans l'utilisation bancale d'une caméra tremblante, notamment lors d'un prologue proprement irregardable.

Entre sa tête, son coeur et ses couilles, Xavier Gens a semble-t-il eu du mal à faire la part des choses. Son film semble fait de bric et de broc. Pourtant il tient, vaille que vaille et il y a une chose qu'on ne peut pas enlever à Xavier Gens : sa sincérité. Il y a dans Frontière(s) une volonté farouche d'aller au fond des choses et tant pis si ça rate. Il se dégage du film une énergie communicative, alors que les interprètes se donnent sans compter, que le sang gicle avec un sérieux imperturbable ou que l'épilogue nous gratifie d'un gunfight efficace bien qu'hors de propos. Cette salade russe nous laisse un peu ballonné d'un mélange trop riche, mais finalement heureux de voir qu'il se passe enfin quelque chose en France. Derrière les images de Frontière(s), on devine le film sombre, voire alarmiste (plan final glaçant) et ultraviolent qu'à souhaité faire Gens. Sans rater son but, Frontière(s) se perd en fonçant tête baissée dans une direction ou une autre qui n'était pas forcément la plus appropriée.

Un excès d'enthousiasme et d'idées somme toute rassurant, qui compense les réels défauts de Xavier Gens, à qui il manque peut être un style plus personnel, tant Frontière(s) rappelle le cinéma de Rob Zombie. De là à se dire que c’est une mauvaise chose…