Frankenstein : un siècle de créations

/ Dossier - écrit par riffhifi, le 05/05/2010

Tags : frankenstein monstre shelley mary roman histoire victor

Près de 200 ans après sa naissance sous la plume de Mary Shelley, le mythe de Frankenstein perdure. Riche d'une filmographie directe ou indirecte d'une bonne centaine de titres, il continue à inspirer de multiples créations bizarroïdes. N'est-ce pas là son essence même ?

Au départ, il y a un roman pondu en 1816 par la future femme du poète Percy Shelley, une certaine Mary Godwin alors âgée de 19 ans. C'est souvent ainsi que l'on décrit Frankenstein ou le Prométhée moderne, une œuvre séminale et essentielle, qui constitue par ailleurs l'un des premiers écrits d'une écrivain qui fut aussi prolifique que son mari, et contribua paradoxalement à le faire reconnaître comme une personnalité plus importante que la sienne. L'étincelle qui donne Mary Shelley
Mary Shelley
naissance à Frankenstein est un cauchemar que fait Mary après avoir perdu son enfant prématuré ; réunie à Genève avec Percy, lord Byron et le docteur Polidori, elle saisit l'opportunité d'un pari pour commencer à coucher sur le papier son histoire : un étudiant passionné de sciences donne la vie à une créature qu'il crée de ses propres mains...

Edité en 1818, le roman remporte très vite un succès inattendu, sans doute aidé par le scandale qu'il suscite auprès des esprits conservateurs. Mal écrit, trop violent, dit-on... Le temps s'est chargé de balayer ces critiques, et d'ériger le bouquin au rang des classiques de la littérature fantastique gothique. Et même (au diable l'avarice) de la littérature en général.

Adapté au théâtre dès 1823, Frankenstein connaît une quinzaine d'adaptations au cours du XIXème siècle. Inévitablement, le cinématographe lui tend les bras peu de temps après son invention...

Période muette (1910-1921) - Universal Studios (1931-1952)
Hammer Films (1957-1973) - Les sérieux
Les foufous - Les combos - Les sexuels - Les simples allusions

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Période muette

1910
1910
En réalité, il faut attendre 1910 pour voir le premier film de Frankenstein. Produite par le pionnier Thomas Edison, la bobine dure 12 minutes et montre une créature elephant-manesque née d'un chaudron à grand renfort de fumée ; l'adaptation est sommaire, mais le résultat est historique et conserve le parfum de magie et de poésie que partagent beaucoup d'œuvres muettes. On peut le retrouver en bonus sur le DVD de La fille de Frankenstein édité par Bach Films, mais aussi sur Youtube ou Dailymotion (il est aujourd'hui libre de droits).

En 1915, l'adaptation officieuse Life without Soul reprend librement la trame de l'histoire, et en 1921, c'est l'Italie qui s'empare du sujet pour offrir Il mostro di Frankenstein, aujourd'hui introuvable. Manifestement, Frankenstein a besoin du format long-métrage et de l'usage de la parole pour s'épanouir ; encore que, la parole...

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Universal Studios

Suite au succès revigorant du Dracula interprété par Bela Lugosi en 1930, Universal Studios décide d'adapter Frankenstein pour continuer à explorer le filon ; Lugosi est contacté pour tenir la vedette, et le projet est confié à Robert Florey. Mais les propositions de ce dernier ne plaisent pas aux producteurs, et Lugosi passe son temps à exiger le rôle du savant alors qu'il est prévu pour celui du monstre. Bilan : Florey est remplacé par James Whale, et le casting accueille Colin Clive en Frankenstein et Boris Karloff en créature. Le scénario ne se base 1931
1931
pas directement sur le livre de Mary Shelley, mais sur la pièce de Peggy Webling, qui diffère sur bien des points (entre autres : Frankenstein est prénommé Henry au lieu de Victor, le monstre est violent à cause de son cerveau de tueur, etc.) et élude bon nombre de thèmes du roman. De cette version simplifiée, Whale tire un film puissant et stylé, qui reste aujourd'hui un jalon du cinéma d'horreur. Avec sa photographie noir et blanc torturée, ses décors iconiques, et surtout le maquillage du monstre (signé Jack Pierce), Frankenstein version 1931 pose l'imagerie qui sert encore aujourd'hui de référence lorsqu'on évoque le nom. Pour Boris Karloff (qui n'est pas plus russe que ses camarades, puisqu'il s'appelle en réalité William Henry Pratt), c'est la fin d'un long anonymat et le début d'une carrière de star intimement liée au cinéma horrifique. Le mythe est cristallisé sur pellicule, et comme dirait l'autre, « It's alive ! It's alive ! It's alive ! » (oui, il se répète un peu).

Courtisé durant plusieurs années par Universal pour réaliser une suite, James Whale se fait désirer, et finit par accepter de réaliser La fiancée de Frankenstein La fiancée de Frankenstein (1935)
La fiancée de Frankenstein (1935)
(The Bride of Frankenstein) à la seule condition d'avoir le champ libre pour modifier le ton du premier film, et le pimenter d'humour noir et de fantaisie. Réunissant alors le casting d'origine, il lui adjoint Ernest Thesiger dans le rôle du Dr Pretorius, savant illuminé qui veut pousser Frankenstein à créer un deuxième être pour compléter le premier... Notoriété oblige, le rôle de Karloff est étendu, et il se voit doué cette fois de parole ; cet ajout, qui va pourtant dans le sens du roman de Shelley (ainsi que la création d'une femme, et la scène de l'ermite aveugle), n'est pas du goût de l'acteur, qui préfère son personnage muet et désarticulé. Sorti en 1935, le film fait un tabac, et reste considéré par beaucoup comme supérieur à son prédécesseur.

Pour le troisième volet, James Whale et Colin Clive quittent le navire. Universal s'en moque : Le fils de Frankenstein (Son of Frankenstein, 1939) bénéficiera du ticket gagnant Karloff-Lugosi, le premier incarnant le monstre pour la troisième fois, tandis que le second donne forme au bossu malfaisant Ygor (on note au passage que le premier bossu de la saga, dans le film de 1931, s'appelait Fritz). Dans le rôle de Wolf von Frankenstein, l'élégant Basil Rathbone vient prouver qu'il 1939
1939
peut jouer autre chose que les adversaires d'Errol Flynn (Capitaine Blood, Robin des Bois) ; peu de temps après, il héritera de la défroque de Sherlock Holmes, qui lui collera longtemps à la peau. Le film est nettement moins bon que les précédents, et souffre d'un paquet d'incohérences flagrantes, mais reste un semi-classique grâce à ses décors impressionnants et sa superbe photographie ; le monstre redevient muet et enfile une peau de mouton par coquetterie.

En 1942, pendant que l'Europe est en guerre, le cinéma d'horreur a la cote aux USA. La saga de Frankenstein devient industrielle, il en sortira un épisode par an pendant quatre ans. En premier lieu, Le spectre de Frankenstein (The ghost of Frankenstein), qui reprend les grandes lignes du précédent avec un nouveau casting : la créature est jouée par Lon Chaney Jr., délaissant provisoirement les poils du loup-garou, et le savant est un autre fils de Frankenstein (allons bon) appelé Ludwig. Le budget accuse une baisse sensible, mais le résultat conserve une certaine dignité.

En 1943, un pas est franchi : les monstres issus des différents succès d'Universal sont jetés les uns sur les autres pour se castagner. Pour ouvrir le bal, Roy William Neill réalise Frankenstein rencontre le loup-garou (Frankenstein meets the Wolf Man) ; cette fois, c'est Bela Lugosi qui joue la créature, tandis que Lon Chaney Jr. reprend le rôle de loup-garou qu'il a créé deux ans plus tôt. Le tout sous l'œil de la 1943
1943
petite-fille du Dr Frankenstein, une bavaroise blonde. Malgré tout, le film n'est pas mauvais, contrairement à ses deux successeurs interchangeables : La maison de Frankenstein (House of Frankenstein, 1944) et La maison de Dracula (House of Dracula, 1945). Dans les deux cas, un scénario sans scrupule empile Dracula, le loup-garou, la créature de Frankenstein, un savant fou et un valet bossu pour le plaisir candide de remplir 1h15 de pellicule. Dans le premier cas, le savant est joué par un Boris Karloff moustachu, ce qui a le mérite de satisfaire les fans de la première heure. Les monstres sont joués par le même trio dans les deux : l'incontournable Lon Chaney Jr. en loup-garou, John Carradine en Dracula et Glenn Strange en créature de Frankenstein, dont le rôle est réduit au strict minimum (dormir, grogner).

En 1948, Universal achève de saborder le peu de sérieux que leurs monstres pouvaient conserver, en infligeant à un public innocent la comédie Deux nigauds contre Frankenstein (Abbott & Costello meet Frankenstein), dans laquelle les Laurel et Hardy du pauvre sont opposés aux monstres du répertoire (voir ci-dessus, en remplaçant Carradine par Lugosi). En quelques années, Bud Abbott et Lou Costello ont également rencontré la momie, Mr Hyde et l'homme invisible. Aucun des films n'était drôle, mais c'était un moyen comme un autre d'amortir les costumes.

En 1952, Universal propose un épisode consacré à Frankenstein dans la série TV Tales of Tomorrow. Le rôle du monstre est tenu Lon Chaney Jr. tient le rôle. Complètement bourré, l'acteur ne réalisait pas que l'épisode était en train d'être diffusé en direct et agissait comme au cours d'une répétition. Cette lamentable vautre est visible gratuitement ici.

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Hammer Films

Frankenstein s'est échappé (1957)
Frankenstein s'est échappé (1957)
En 1957, la compagnie de production anglaise Hammer Films peine à joindre les deux bouts. Après le petit succès du film de science-fiction The Quatermass Experiment, Hammer décide de proposer une nouvelle version de Frankenstein, profitant du fait que l'œuvre vient de tomber dans le domaine public. Universal ayant soigneusement copyrighté le maquillage et les scénarios de leurs films, il est indispensable de changer complètement de direction. Outre le ton parfaitement britannique du scénario et l'usage inédit (et goulu !) de la couleur, l'interprétation cynique et distinguée de Peter Cushing en baron Frankenstein fait la différence avec les opus précédents. Meurtre, chantage... les monstres ne sont pas toujours ceux que l'on croit dans Frankenstein s'est échappé (The Curse of Frankenstein) ; celui que le baron confectionne, justement, est incarné par le débutant Christopher Lee, qui accèdera à la gloire l'an suivant en jouant Dracula pour le même réalisateur Terence Fisher. On note que l'histoire est racontée pour la première fois du point de vue de Frankenstein, comme dans le roman de Mary Shelley.

Le succès du premier film fait de Hammer la firme de l'épouvante, et l'incite à relancer tous les thèmes de l'ère classique, Dracula en tête. Pas question d'abandonner Frankenstein en cours de route : le deuxième opus est mis en 1958
1958
production dès 1958 sous le titre La revanche de Frankenstein (The Revenge of Frankenstein) : Fisher dirige à nouveau Peter Cushing, sur un scénario qui pousse les audaces du précédent encore plus loin. Mi-boucher mi-philanthrope, le baron désormais dissimulé sous un nom d'emprunt a enfin trouvé le moyen de créer un être à la plastique irréprochable, destiné à accueillir le cerveau de son assistant difforme. On s'en doute, l'expérience va partir en berlingot...

La même année, le téléfilm Tales of Frankenstein est produit par Hammer dans l'espoir d'en tirer une série. L'atmosphère noir & blanc et le look du monstre renvoient à Universal (le réalisateur Curt Siodmak est un ancien scénariste du studio), mais le cynisme du baron et son costume sont directement empruntés aux versions Hammer. Le résultat est une variante intéressante mais cruellement brève (25 minutes), qui fait figure de curiosité.

En 1964, Hammer et Universal sont parvenus à un accord sur l'utilisation des scénarios du deuxième. C'est donc en puisant dans l'esprit du Fils et du Spectre des années 40 que L'empreinte de Frankenstein (Evil of Frankenstein) est écrit : une créature décongelée pour servir la revanche d'un personnage malfaisant, un Frankenstein relativement inutile (pas de bol pour Peter Cushing, forcément sous-exploité)... Comble de la déception : pas de Terence Fisher derrière la caméra, il est remplacé par Freddie Francis, qui sera plus apprécié comme chef opérateur (pour David Lynch, notamment) que comme réalisateur. Le résultat est un peu fade mais offre de belles images.

Frankenstein créa la femme (1967)
Frankenstein créa la femme
(1967)
En 1967, le nouveau titre fait craindre une resucée de la Fiancée : pourtant, Frankenstein créa la femme (Frankenstein created woman) repose sur un scénario habile, dans lequel le baron côtoie une jeune fille défigurée (Susan Denberg, un modèle de Playboy qui se révèle bien plus habillée dans le film que sur les affiches) tandis qu'il travaille avec son assistant à la préservation de l'âme humaine après la mort. Un des plus originaux de la série, marquant le retour de Fisher à la réalisation, mais aussi l'un des plus éloignés du roman de Shelley.

Surenchère d'horreur : Le retour de Frankenstein (Frankenstein must be destroyed, 1969) montre un baron aigri, obsédé par ses recherches sur la greffe de cerveau au point de briser des vies autour de lui au nom de la science... Le film est nerveux et prenant, bénéficiant d'un scénario cruel et d'une très bonne interprétation, notamment de Freddie Jones. La plastique de la scream-queen Veronica Carlson ne gâte rien...

Décidant de "rebooter" la saga (preuve que cette tendance n'est pas l'apanage des années 2000), Hammer fait appel à Jimmy Sangster, scénariste des deux premiers, pour donner un coup de jeune au mythe dans Les horreurs de Frankenstein (Horror of Frankenstein, 1970). Bombardé à la réalisation, Sangster prend le parti d'offrir une version parodique et décalée de Frankenstein s'est échappé, en décuplant l'humour noir et les allusions grivoises. Au milieu de cette 1970
1970
débauche d'horreur moqueuse, Ralph Bates se tire plutôt bien de la tâche ingrate qui consiste à faire oublier Cushing, tandis que la créature est incarnée par l'immense (littéralement) Dave Prowse, qui prêtera sa stature à Dark Vador sept ans plus tard.

Les horreurs ayant écopé d'un sinistre bide, Peter Cushing et Terence Fisher sont appelés à la rescousse pour le septième et dernier film de Hammer consacré au sujet : Frankenstein et le monstre de l'enfer (Frankenstein and the monster from hell, 1973). On y retrouve des éléments issus des différents opus précédents (avec surdose d'organes en pièces détachées), et le monstre est interprété là aussi par Dave Prowse, camouflé sous un maquillage simiesque. Une conclusion adéquate pour une saga qui a su conserver plus de dignité sur la longueur que celle d'Universal.

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Les sérieux

A partir de la fin des années 50, Frankenstein s'est vu utilisé à toutes les sauces, les productions portant son nom n'hésitant pas à sombrer bien vite dans le n'importe quoi le plus ahurissant. Pourtant, une poignée de films peuvent être considérés comme suivant d'assez près (tout est relatif) la trame du roman d'origine.

1958
1958
Dès 1958, Boris Karloff est rappelé sur le front pour donner une légitimité au curieusement nommé Frankenstein 70. L'ex-star interprète le descendant du célèbre baron, obligé de louer son château à une équipe de cinéma pour compenser ses problèmes financiers. Le sinistre individu (défiguré par les nazis) en profite pour se mettre à bricoler un monstre comme son grand-papy...

En 1968, un court téléfilm en noir et blanc met en scène Ian Holm, qui joue à la fois le créateur et le monstre. A ranger dans le rayon "introuvable". En revanche, le téléfilm en deux parties produit cinq ans plus tard sous le titre Frankenstein, the True Story bénéficie d'un casting plus luxueux (Jane Seymour, James Mason, David McCallum, Agnes Moorehead, John Gielgud...) et d'une meilleure exposition ; malgré son titre, l'histoire n'est pas particulièrement fidèle à celle de Mary Shelley (et va jusqu'à inclure la présence du docteur Polidori, incarné par Mason), et l'ensemble s'avère trop lent et franchement guindé.

On pourrait débattre longuement de la présence de Frankenstein Junior (Young Frankenstein, 1974) dans la section des adaptations "sérieuses". Réalisé par Mel Brooks, ce pastiche des classiques d'Universal (essentiellement le premier et le troisième) est pourtant d'une sincérité et d'une élégance qui font défaut à bien d'autres versions plus officielles. Occasionnellement touchant, le film est aussi franchement drôle, usant des ficelles chères à Mel Brooks sans en abuser comme il le fera par la suite. La prestation du comique Marty Feldman en Igor bossu et Frankenstein Junior (1974)
Frankenstein Junior (1974)
caustique, celle du coscénariste Gene Wilder en Frederick Frankenstein exalté, ou de Peter Boyle en créature dégarnie mais douée d'un intense pouvoir sexuel sont restées dans les mémoires.

Après un film suédois jouissant d'une bonne réputation (Victor Frankenstein, 1977), un téléfilm avec Robert Vaughn modernisant l'intrigue (Doctor Franken, 1980) et un autre téléfilm vite oublié avec Robert Powell, Carrie Fisher et David Warner (Frankenstein, 1984), un projet étonnant voit le jour en 1985 sous le titre de The Bride (La Promise en français). Réalisé par Franc Roddam (Quadrophenia), le film fait plus ou moins suite à La fiancée de Frankenstein de 1935, considérant que les deux créatures ont survécu ; on y voit Sting en docteur Frankenstein, entouré de Cary Elwes, Clancy Brown, Timothy Spall et du nain David Rappaport.

En 1992, la chaîne TNT propose la première (!) adaptation réellement fidèle du livre, sous forme d'un téléfilm réalisé par David Wickes, qui venait de tourner un Jekyll & Hyde avec Michael Caine. C'est la première fois que l'intrigue de Frankenstein est montrée comme Shelley l'avait conçue : un récit fait par Victor au capitaine Walton, qui le recueille transi de froid au cours de son exploration du pôle. Si le budget "télévisé" impose quelques restrictions, l'histoire est racontée avec beaucoup de respect et de savoir-faire, tout en prenant quelques initiatives comme celle de montrer le lien Mary Shelley's Frankenstein (1994)
Mary Shelley's Frankenstein (1994)
qui unit le créateur à sa créature comme relevant d'une empathie surnaturelle.

Deux ans plus tard, Francis Ford Coppola sort les gros biftons pour produire une version cinématographique épique et romantique, dans la lignée de son Dracula. Kenneth Branagh est engagé pour réaliser et tenir le rôle de Victor, tandis que l'immense Robert De Niro est sollicité pour donner corps à la créature. On note également au casting la présence de Ian Holm, qui tenait les deux rôles principaux dans le téléfilm de 1968, celle de Helena Bonham Carter en fiancée malheureuse, et celle du Monty Python John Cleese en professeur bourru. Le résultat est académique, pas dénué d'intérêt mais encore une fois pas tout à fait fidèle aux écrits, malgré son titre anglais sans équivoque : Mary Shelley's Frankenstein.

Il faut attendre 2004 pour que sorte enfin une adaptation définitive du roman : il s'agit une nouvelle fois d'un téléfilm simplement appelé Frankenstein, doté d'un casting judicieux (l'interprète de Victor est suffisamment jeune) et parsemé de têtes connues : Donald Sutherland en capitaine Walton, Jean Rochefort en ermite aveugle, William Hurt en professeur Waldman, Julie Delpy en mère du héros. Sans doute pas la version la plus inspirée 2004
2004
ni artistique, mais un rendu fidèle et bien mis en scène de l'histoire écrite par Shelley.

Dès l'année suivante, le stakhanoviste du remâchage Marcus Nispel (qui vient de signer un remake de Massacre à la tronçonneuse, sans savoir qu'il réalisera aussi ceux de Vendredi 13 et Conan) propose une modernisation du mythe dans un téléfilm sans grand relief où l'on retrouve Vincent Perez. Téléfilm toujours, en 2007 : James Purefoy est le seul élément vaguement connu d'un casting qui entoure le personnage de Victoria Frankenstein (oui oui, vous avez bien lu).

Parmi les projets qui flottent actuellement dans les limbes du développement hollywoodien, on trouve deux Frankenstein prévus pour 2012, et un The Bride of Frankenstein programmé dès 2011 ; remake de la version 1935 ? allez savoir... En attendant, une modernisation hongroise appelée Tender Love (A Frankenstein-terv) s'apprête à être montrée au Festival de Cannes.

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Les foufous

A partir du moment où le roman est tombé dans le domaine public, rien n'a été épargné à Frenkenstein. En 1958, en parallèle de deux films sérieux (le deuxième de Hammer et celui avec Boris Karloff), deux productions de pure série B exploitèrent le nom : I was a teenage Frankenstein (sorti en Belgique sous le titre Des filles pour Frankenstein, mais resté inédit en France) et Frankenstein's Daughter (La fille de Frankenstein, désormais disponible en DVD français). Le premier marque une volonté de rebondir sur I was a Teenage Werewolf qui venait de 1965
1965
remporter un certain succès, et le second est un machin tourné en noir et blanc sans grande conviction, avec de longues séquences musicales pour allonger le métrage et un maquillage qui ne prend pas en compte le fait que le monstre soit une femme (il faut dire que l'acteur était un homme).

En 1965, Jesse James contre Frankenstein (Jesse James meets Frankenstein's daughter) est tourné dans la foulée de Billy the Kid vs. Dracula. On voit le topo : attirer à la fois les fans de westerns et les amateurs d'horreur. Le résultat n'est pas vilain et se révèle assez divertissant, même s'il sent le carton-pâte et ne jouit pas d'une interprétation haut de gamme. La même année, la science-fiction s'empare du nom avec Frankenstein meets the Space Monster, qui n'entretient pas réellement de lien avec le roman de Mary Shelley. Toujours la même année, les Japonais creusent le sillon de Godzilla et de ses potes géants avec Frankenstein conquers the World (Furankenshutain tai chitei kaijû Baragon), le premier ‘Kaiju Eiga' à bénéficier d'une coproduction américaine. Le scénario navrant tente de nous faire croire qu'un jeune garçon ayant ingéré le cerveau du célèbre monstre se met à grandir démesurément ; qu'importe la fiole, pourvu qu'on se bidonne : le géant affronte un dinosaure dans l'hilarité générale, et donne l'idée aux producteurs d'enchaîner sur La guerre des monstres (Furankenshutain no kaijû: Sanda tai Gaira / Frankenstein's monsters : Sanda vs Gailah) qui n'a de lien ni avec le film précédent, ni avec le roman.

En 1970, Flick (également connu sous le titre Frankenstein on campus), offre une version teenage vite oubliée, tandis qu'un Joseph Cotten vieillissant se commet dans l'italien Lady Frankenstein (La figlia di Frankenstein), qui n'est pas le plus beau fleuron du cinéma bis de l'époque.

1972
1972
En 1972, le plus célèbre des catcheurs mexicains tient la vedette de Santo contra la hija de Frankestein (notez le "n" manquant), qui n'a rien à voir avec le film précédent. On note que c'est la quatrième "fille de Frankenstein" que le cinéma met en scène en moins de quinze ans. En 1974, c'est avec son pote que Santo revient : Santo y Blue Demon contra el Doctor Frankenstein oppose les deux héros à un certain Dr Irwin Frankenstein, capable d'animer des golems dans le but inavouable de les balancer dans le museau des catcheurs.

En 1973, tandis que l'Italie offre le trashouille Frankenstein 80 (également appelé Les orgies de Frankenstein, Mosaico...) tourné à grand renfort de zooms frénétiques et de saletés perpétrées par un certain Otto Frankenstein, la blaxploitation s'empare du mythe pour en faire un très mauvais Blackenstein, un an après Blacula mais trois ans avant Dr Black & Mr Hyde. Allons donc !

Dans les années 70-80, les nanars rivalisent de folie et d'incohérence, brassant dans leurs castings quelques noms célèbres, beaucoup d'idées saugrenues et très peu d'argent : Le château de Frankenstein (Frankenstein's Castle of Freaks / Terror ! Il castello delle donne maledette, 1974) est nul dès sa première scène ; Plus moche que Frankenstein tu meurs (Frankenstein All'Italiana / Casanova Frankenstein, 1975) est un véhicule 'comique' pour Aldo Maccione, L'île de Frankenstein (Frankenstein Island, 1981) bénéficie du cabotinage de John 1984
1984
Carradine en fantôme du premier Frankenstein ; Frankenstein's Great Aunt Tillie (1984), malgré la présence de Donald Pleasence et Zsa-Zsa Gabor, jouit d'une sinistre réputation de sombre bouse ; et Frankenstein 90 (1984) réunit Jean Rochefort et Eddy Mitchell, respectivement en créateur et créature, dans une comédie finalement assez acceptable - on y croise Marc Lavoine, Fiona Gélin et Christian Charmetant.

Sortent du lot deux titres qui méritent une attention particulière : d'une part The Rocky Horror Picture Show (1975), adaptation kitsch d'une comédie musicale rock dans laquelle un Frank'n'Furter travesti crée un être parfait pour satisfaire ses désirs sexuels (le film et le culte qui l'entourent méritent un article entier) ; d'autre part Frankenweenie (1984), moyen métrage réalisé par le jeune Tim Burton, qui fera de cette histoire de chien ressuscité (hommage formel aux version d'Universal) un ticket d'entrée pour la carrière que l'on connaît.

En 1988, Frankenstein General Hospital fait office de parodie supra-cheap instantanément ringarde, avec son lot de gags nazes débonnaires et son manque de moyens flagrants ; le film est vendu en DVD français en combo avec Le retour des tomates tueuses, qui est du même acabit. L'année suivante, le mythique 1990
1990
producteur de nanars Roger Corman fait une de ses rares incursions dans la réalisation pour livrer La résurrection de Frankenstein (Frankenstein unbound) ; toutefois, le film n'est pas adapté du roman de Mary Shelley mais de celui de Brian Aldiss, dans lequel un voyageur du temps (John Hurt) rencontre le baron Frankenstein (Raul Julia) et... Mary Shelley (Bridget Fonda).

Le maboul Frank Henenlotter, déjà coupable de Basket Case, propose en 1990 un Frankenhooker pas piqué des hannetons, dans lequel la création d'un monstre femelle se fait à l'aide des corps de putes assassinées. Plus gentillet, Frankenstein le tombeur de la fac (Frankenstein : the college years) est réalisé par Tom Shadyac, qui dirigera plusieurs fois Jim Carrey par la suite ; le slogan sur la jaquette : « Il emballe comme un monstre »... la chose ressortira en DVD sous le titre Un amour de Frankenstein, prenez garde de ne pas acheter deux fois le même film (surtout celui-ci).

De 1994 à 1997, Gary et Wyatt sont les héros de la série Code Lisa (Weird Science) qui cite un extrait de La fiancée de Frankenstein dans son générique ; dans l'épisode d'ouverture de la saison 4, Searching for Boris Karloff, les deux nerds inventeurs de la femme parfaite (Lisa, donc) sont confrontés au "vrai" docteur Frankenstein et à sa créature. Dans les deux années qui suivent, on voit sortir un téléfilm pour teenagers appelé Frankenstein & me, une version juvénile signée Fred Olen Ray à propos de Billy Frankenstein, et un direct-to-video vite oublié titré Rock'n'roll Frankenstein.

1998
1998
Au début des années 2000, les plaisantins semblent moins en forme. On recense bien une comédie argentine en 2002 (La sangre de Frankenstein), mais il faut attendre 2005 pour entendre parler d'une production Asylum ultra-cheap appelée Frankenstein Reborn, tout juste distribuée en vidéo du bout des doigts. En 2006, c'est Frankenstein's Bloody Nightmare qui joue la surenchère de kitsh dès son titre ; pour une obscure raison, le personnage principal est renommé Victor Karlstein - pas bien grave, puisque le film est resté invisible en-dehors d'une pincée de festivals.

Après un obscur Frankenstein Rising en 2009, le mythe semble reprendre le chemin des écrans pour une sortie 2011 de I, Frankenstein par Patrick Tatopoulos, d'après un bouquin de Dean Koontz. Au même moment, on devrait se repaître de Bruce vs. Frankenstein, la suite de My Name is Bruce qui sera à nouveau réalisée par Bruce Campbell himself, interprète de son propre rôle... d'une certaine manière.

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Les combos

Universal ayant ouvert la voie dans les années 40, nombre de productions eurent recours à la présence de multiples monstres pour booster leur scénario et/ou leur succès... Les premières tentatives étaient des références directes aux efforts existants : How to make a monster (1958) parle d'un maquilleur de cinéma renvoyé par les exécutifs, dont il se venge en transformant deux acteurs en monstres (un loup-garou et une "créature de Frankenstein", qui n'en est donc pas vraiment 1970
1970
une) ; la comédie mexicaine Frankestein el vampiro y compañia (1962) se la joue "à la Abbott et Costello" ; et le curieux film de marionnettes Mad Monster Party (1967) fait appel à la voix de Boris Karloff en baron Boris von Frankenstein, entre autres créatures du répertoire classique. En revanche, le docteur Who britannique se distingue dès 1965 dans l'épisode Journey into Terror, en rencontrant à la fois Dracula, le monstre de Frankenstein et... les Daleks ; une journée bien remplie pour William Hartnell, le premier docteur.

Avant les deux films cités au chapitre précédent, Santo le catcheur mexicain avait déjà eu maille à partir en 1970 avec un "Franquestain" (ça ne s'invente pas) au beau milieu de Santo el enmascarado de plata y Blue Demon contra los monstruos, dans lequel se croisaient quelques vampires, une momie, un loup-garou, un zombie et un cyclope-zombie (!) ; heureusement que Santo et Blue Demon sont là pour faire le ménage (malgré la présence d'un double maléfique du deuxième).

En 1970, l'Espagnol Paul Naschy (bien connu pour son incarnation régulière du loup-garou Waldemar Daninsky) scénarise Los Monstruos del Terror (en France, on traduit par Reincarnator ou Dracula contre Frankenstein, selon la couleur des Dracula contre Frankenstein (1971)
Dracula contre Frankenstein (1971)
chaussettes de l'interlocuteur), qui tente de nous faire croire que les monstres du répertoire sont en réalité des extraterrestres ; suffisait d'y penser. Dès l'année suivante, on voit poindre un autre Dracula contre Frankenstein (ou Dracula à la recherche de Frankenstein), à ne pas confondre avec le précédent (ni avec celui de Jess Franco tourné en 1972, c'était un titre à la mode à l'époque !) ; celui dont il est question ici est un film gravement mauvais et ultra-cheap, avec Lon Chaney Jr. et John Carrol Naish en guests vieillissantes, piètres témoins du maquillage ridicule du monstre-bibendum qui se castagne avec Dracula façon Godzilla. En 1972, le Mexique revient sur le terrain avec la comédie fourre-tout Capulina contra Los Monstruos, aussi vite oubliée que le Son of Dracula tourné deux ans plus tard par le britannique Freddie Francis, dans lequel intervient un Frankenstein joué par Freddie Jones.

Il faut attendre plus de dix ans pour que le goût du combo revienne : heureusement, il revient toujours, comme le prouve l'ahurissant Transylvania 6-5000 (1985, sorti chez nous sous le titre Dracula, Frankenstein et les autres), un machin vaguement comique avec Jeff Goldblum jeunot et Geena Davis pulpeuse (ils se retrouveront deux ans plus tard dans La mouche de David Cronenberg). En 1987, The Monster Squad réunit une nouvelle fois les affreux règlementaires, opposés cette fois à une bande de jeunes façon Goonies ; avec le temps, un petit côté culte s'est emparé de Transylvania 6-5000 (1985)
Transylvania 6-5000 (1985)
l'œuvre, qui pourrait bien être remakée d'ici un à deux ans. En revanche, bide total pour la série familiale Teta (en France : La Tante de Frankenstein) de 1987, qui met en scène Hannah von Frankenstein et ses potes : le comte Dracula, un loup-garou... les usual suspects, en somme. Pour clore la décennie, Paul Naschy revient pour El aullido del diablo (Howl of the Devil, 1988), dans lequel il joue un acteur à la Lon Chaney capable d'incarner tous les monstres à grand renfort de maquillage ; entre autres, ce bon vieux Franky façon Karloff.

En 1992, Waxwork II ajoute la créature à sa collection de statues de cire animées ; comment, elle n'était pas dans le premier ?! Eh non. Plus intéressante, la mini-série L'antre de Frankenstein (House of Frankenstein, 1997) compile Frank avec ses compères Dracula et le loup-garou dans une intrigue semi-policière potable, où s'agite l'Adrian Pasdar de Profit et Heroes. La même année, un savant fou ressuscite les monstres classiques... sous forme de nains, dans The Creeps tourné par Charles Band avec un procédé 3D du pauvre (sorti chez nous en DVD quelques années plus tard).

En 2000, Frankenstein & the werewolf reborn trouve le moyen d'être distribué en vidéo chez nous (sous le titre Frankenstein et le loup-garou), alors qu'il s'agit d'une suite d'un Frankenstein reborn daté de 1998, resté inédit (à ne pas confondre avec le film de 2005 portant le même titre !).

Il faut attendre 2004 pour voir sortir une version hollywoodienne massive du maxi-crossover Franky-Dracula-loup-garou ; elle est signée Stephen Sommers, déjà Van Helsing (2004)
Van Helsing (2004)
auteur de deux Momies, et s'intitule Van Helsing. On y voit Hugh Jackman en chasseur de monstres (il ouvre le bal avec Mister Hyde) envoyé dans les Carpathes pour passer l'aspirateur ; Shuler Hensley, qui prête sa large silhouette au monstre de Frankenstein, l'interprètera à nouveau sur les planches en 2007, dans une mise en scène de Frankenstein junior. Malgré les mauvaises critiques qu'il récolte, Van Helsing restera plus dans les mémoires que le Frankenstein vs. the Creature from Blood Cove sorti l'an d'après en vidéo ; le genre de film si obscur qu'on n'est même pas vraiment sûr qu'il ait existé... Un peu comme House of the Wolf Man (2009), un hommage aux classiques d'Universal tourné "à la manière de" ; pour le coup, on espère bien en voir une édition vidéo prochainement.

C'est également en 2009 que sort le japonais Vampire Girl vs. Frankenstein Girl ; le résumé, surréaliste, fait état d'une fille qui devient vampire en mangeant du chocolat, et d'une autre qui se transforme en "Frankenstein Girl" (?)... Le tout est qualifié de "film d'action".

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Les sexuels

Contrairement à toute attente, le mythe de Frankenstein se prête davantage aux digressions érotico-pornographiques que ceux de Dracula ou du loup-garou 1973
1973
(pourtant beaucoup plus sensuels dans leurs prémices). En 1963, Le vampire érotique (House on Bare Mountain, également sorti en Belgique sous les titres Les monstres et les nues et La colline du désir) capitalise sur la double présence des monstres classiques et d'une galerie de filles nues ; un sous-sous-genre qui voit naître dès l'année suivante La vie sexuelle de Frankenstein (Kiss me quick, également appelé Dr Breedlove), que les éditeurs américains se font désormais un plaisir de distribuer en DVD sur le même disque que le film précédent.

Plus artistique mais toujours dépourvu de la moindre velléité narrative, Dracula prisonnier de Frankenstein (Dracula contra Frankenstein, 1972) est l'œuvre de l'enthousiaste Jess Franco, qui n'hésita pas à enchaîner sur la suite Les expériences érotiques de Frankenstein (La maldicion de Frankenstein) : un peu de sadomasochisme, des gros zooms, et le Franco ajoute deux entrées à sa pléthorique filmographie de cinéaste fou.

En 1973, Andy Warhol produit Chair pour Frankenstein (Flesh for Frankenstein), une version choc, trash, politisée et tournée en relief par Paul Morrissey, avec Udo Kier qui reviendra l'an suivant dans le non moins frappadingue Du sang pour Dracula ; dans les deux cas, difficile de déterminer si la surenchère de gore ou l'abondance de sexe est l'élément le plus déterminant.

En 1982, Funny Frankenstein n'est qu'un titre d'exploitation pour La bimba di Satana de Mario Bianchi, qui verse au moins autant dans l'horreur que dans la nudité, malgré une affiche clairement racoleuse.

1982
1982
Le porno pur et dur s'est évidemment emparé du genre : en 1987, la star du X Ron Jeremy écrit et réalise lui aussi un Flesh for Frankenstein, avec probablement moins de sang et plus de sexe que le précédent... et en 1993, Leena Meets Frankenstein reprend clairement le look du film de Warhol, tout en pastichant le scénario (!) d'Abbott et Costello contre Frankenstein. En 1994, jouant sur la sortie imminente du film de Kenneth Branagh, le scénariste-réalisateur-interprète porno Buck Adams livre un sobrement nommé Frankenstein, dans lequel il ressuscite sa femme pour la découvrir animée de pulsions nymphomanes. Deux ans plus tard, Frankenpenis voit le jour, adapté librement de l'histoire vraie d'ablation d'appendice de l'adultère John Bobbitt.

En 1998, l'incorrigible Jess Franco filme sa femme Lina Romay à poil dans Lust for Frankenstein, sans trop chercher à créer de lien entre son film et le titre ; ce serait du cinéma expérimental si ce n'était pas tout simplement pourri. En 2000, une version dénudée cheap utilise le titre encore inédit de Mistress Frankenstein, et en 2010, c'est Fred Olen Ray qui réalise un Bikini Frankenstein davantage tourné vers la comédie que vers l'érotisme.

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Les simples allusions

Le cinéma et la télévision se nourrissent régulièrement du thème de Frankenstein, de son simple nom ou de sa représentation. On perdrait la raison à vouloir recenser de façon exhaustive toutes les œuvres périphériques, plagiaires ou allusives, contentons-nous donc d'en citer une bonne poignée.

La représentation karloffienne du monstre est ancrée si rapidement dans les esprits qu'on la croise par exemple en 1941 dans Hellzapoppin', ainsi que sous la forme The Munsters (1964-66)
The Munsters (1964-66)
d'un malfrat à la haute stature dans Arsenic et vieilles dentelles (1944). On retrouve ce "look" frankensteinien dans deux séries TV lancées en 1964 : The Munsters, où le chef de famille arbore le célèbre boulon dans le cou, et La famille Addams, dont le serviteur Larch (Max en français) évoque immanquablement la célèbre silhouette (cette deuxième série connaîtra plusieurs résurrections, et deux films cinéma dans les années 90). On croise également une créature errante dans le James Bond parodique de 1967 Casino Royale ; sous le maquillage, on trouve... David Prowse, qui jouera bel et bien la créature à deux reprises dans les films de la Hammer.

En 1960, Orlak el Infernio de Frankenstein est une variation mexicaine sur la célèbre histoire, de même que l'un des sketches de Dr Terror's Gallery of Horrors (1967), un film dans lequel cohabitent John Carradine et Lon Chaney Jr., venus payer leurs factures.

Quand on lit Frankenstein's Bloody Terror, on aimerait croire que c'est un film de Frankenstein. mais non, c'est le titre anglais d'un film de loup-garou espagnol estampillé Paul Naschy (en v.o. : La marca del Hombre-lobo, 1968) ; en France, on appelle ça Les vampires du Dr Dracula, comme ça tout le monde est content.

En 1970, Scream and Scream again (en France : Lâchez les monstres ou Doctor Diabolic, selon la météo) montre Vincent Price jouant un savant fou occupé à créer des übermenschen... également au casting : Peter Cushing et Christopher Lee, qui se croisent fugitivement la même année dans la comédie One more time avec Jerry Lewis, où ils incarnent respectivement Frankenstein et Dracula.

C'est en 1972 que Mary Shelley fait l'objet d'un film (elle était cependant Course à la mort de l'an 2000 (1975)
Course à la mort de l'an 2000 (1975)
représentée dès La fiancée de Frankenstein, en compagnie de son mari et de Lord Byron), ou plutôt d'un téléfilm, sobrement titré Shelley ; Robert Powell y joue Percy Shelley, douze ans avant de jouer Victor dans un autre téléfilm, consacré cette fois à Frankenstein.

Horror Hospital (1973), rebaptisé La griffe de Frankenstein en France, est porté par Michael Gough dans le rôle du Dr Storm, un savant fou qui etc. Dans Course à la mort de l'an 2000 (Death Race 2000) produit par Roger Corman en 1975, le personnage de David Carradine, défiguré, se fait appeler Frankenstein ; on le retrouve rapidement dans le remake de 2008, et surtout dans la suite du remake (prévue pour 2011), qui portera comme sous-titre Frankenstein rising. Quant au nanar vendu sous le titre Les enfants de Frankenstein dans les années 80, il correspond en réalité à un certain Bébé Vampire de piètre qualité ; d'ailleurs, dans le générique, il est écrit "Frankestein", avec un "n" manquant.

Il serait tentant de classer Re-animator (1985) et ses suites (1990, 2003, peut-être 2011) dans le rayon des adaptations officieuses de Frankenstein, mais ce serait méconnaître leur origine affichée, puisqu'ils s'inspirent de la nouvelle Herbert West, réanimateur de H.P. Lovecraft. Le sujet est similaire : rendre la vie aux morts. Le choix d'appeler la suite Bride of Reanimator montre toutefois que les auteurs sont conscients de la proximité des sujets, et savent s'en amuser.

En 1986, le Vindicator du Canadien Jean-Claude Lord préfigure davantage le RoboCop qui sera tourné l'an d‘après par Verhoeven, que le roman de Mary 1988
1988
Shelley ; il sera cependant exploité sous les titres Frankenstein 88 et Frankenstein 2000 (pourtant, « Vindicator » est déjà un titre raisonnablement croquignolet, non ?).

Entre 1986 et 1988, trois films sont consacrés à Mary Shelley et à ses deux hommes : Gothic de Ken Russell (avec Gabriel Byrne et Natasha Richardson), qui revient sur les cauchemars à l'origine du roman, Haunted Summer (Un été en enfer) se concentre sur l'histoire du pari, et Remando al viento (Rowing in the Wind) arbore dans son casting un Hugh Grant bien jeune en Lord Byron, et une Elizabeth Hurley pimpante en Claire Clairmont (la belle-sœur de Mary). En 2003, le téléfilm Frankenstein : Birth of a Monster, malgré son titre trompeur, parle lui aussi de Mary Shelley et de l'écriture du bouquin.

Dans Le retour des tomates tueuses en 1988, un Frankenstein télévisé (faisant écho au personnage de savant fou incarné par John Astin) s'adresse directement au héros pour lui indiquer la marche à suivre. La même année, Dr Hackenstein détourne grossièrement le mythe (marrant : "hack" signifie "imposteur" en anglais). En 1990 et 1994, Tim Burton paie de nouveaux hommages à Frankenstein : dans Edward aux mains d'argent, où l'inventeur joué par Vincent Price crée dans son château un individu destiné à être mal-aimé ; et dans L'étrange Noël de M. Jack (The Nightmare before Christmas), où l'inquiétant docteur Finkelstein coud de ses mains une Sally amoureuse du squelettique héros.

L'étrange Noël de M. Jack (1994)
L'étrange Noël de M. Jack (1994)
Retour chez les Shelley : dans un épisode de la saison 5 de Highlander, Duncan McLeod leur rend visite et leur donne l'idée de l'histoire bien connue. Plus original : en 1998, Ni dieux ni démons (Gods and monsters) est un biopic du réalisateur James Whale, dont une grosse partie est évidemment consacrée à la conception de ses deux films de Frankenstein au début des années 30.

Dans la saison 5 de X-files, l'épisode Prométhée post-moderne (écrit et réalisé par le créateur Chris Carter lui-même) est un hommage direct à Frankenstein, depuis son titre jusqu'à la présence d'un savant appelé Polidori ; l'histoire tourne autour d'un monstre apparenté à Elephant Man et surnommé le Grand Mutato, aperçu dans un village de bouseux américain.

Dans la comédie super-héroïque Mystery Men (1998), le méchant incarné par Geoffrey Rush s'appelle Casanova Frankenstein (impossible néanmoins de savoir s'il s'agit d'une allusion délibérée à la comédie éponyme d'Aldo Maccione). Quant au Frankenfish réalisé en 2004 par Mark A.Z. Dippé (le mec qui a fait Spawn, folks !), il n'entretient pas de rapport avec Frankenstein autre qu'un titre apparenté et une nature de film d'horreur (l'affiche tire du côté de Lake Placid et Peur Bleue). En revanche, le film d'animation Igor (2008) constitue un pastiche de l'ensemble des films de Frankenstein, en offrant la vedette au traditionnel serviteur bossu. Gageons que les savants fous continueront à pulluler au cours des prochaines années, et que la plupart d'entre eux paieront un dû plus ou moins direct à l'increvable docteur Pierre-Franche et à son fiston...

Fréquence de présence à l'écran de Frankenstein, de 1957 à 2011
Fréquence de présence à l'écran de Frankenstein, de 1957 à 2011





 

Sélection :

Si vous cherchez un classique du cinéma, tournez-vous vers Frankenstein (1931), La fiancée de Frankenstein (1935), Frankenstein s'est échappé (1957) ou Frankenstein Junior (1974). Si vous cherchez une adaptation fidèle du roman, procurez-vous le téléfilm de 2004 réalisé par Kevin Connor. Si vous êtes porté sur les adaptations extrêmes, Chair pour Frankenstein (1973) est pour vous ; un peu daté, mais ça reste trash. Si c'est le kitsch qui vous branche, Jesse James contre Frankenstein (1965) et les deux opus de Jess Franco (Dracula à la recherche de Frankenstein et Les expériences érotiques de Frankenstein) méritent le détour. Si vous voulez un divertissement plein d'effets spéciaux des années 2000, Van Helsing (2004) est un bon choix. Si vous êtes fan de Tim Burton, ressortez votre DVD de L'étrange noël de M. Jack, et allez voir Frankenweenie qui se trouve dans les bonus.