8/10L'ennemi intime

/ Critique - écrit par riffhifi, le 04/10/2007
Notre verdict : 8/10 - La torture et le tort tuent (Fiche technique)

La torture et le tort tuent

La guerre d'Algérie, c'était cool. Tellement cool qu'on en parle fièrement dans les livres scolaires, et que les films sur le sujet abondent depuis quarante ans. La France est fière de cette tranche de son histoire, et il y a de quoi.
Aujourd'hui, Florent-Emilio Siri signe un nouveau film sur cette période glorieuse.

Le lieutenant Terrien (Benoît Magimel) se porte volontaire pour remplacer un officier mort bêtement à la suite d'un quiproquo. Idéaliste et inexpérimenté, il se retrouve à la tête d'une compagnie menée par le sergent Dougnac (Albert Dupontel), un militaire rompu au terrain mais brisé par ce qu'il a vu. Terrien réalise bien vite que les méthodes employées par les deux camps sont bien crades, et que les Français ne sont pas les derniers à employer la torture pour parvenir à leurs fins...

J'ai le dernier Nokia, ça t'épate hein ?
J'ai le dernier Nokia, ça t'épate hein ?
Ce qui frappe dans la première partie du film (et ce que certains critiques n'ont pas manqué d'épingler, accusant le réalisateur d'américanisme après son passage outre-Atlantique avec Otage), c'est son côté curieusement western. Le chapeau de cow-boy vissé sur la tête, la ceinture savamment de travers, les hommes foulent le sable du désert d'un air viril que John Wayne ne renierait pas. La musique morriconienne et certains plans leoniens, sans parler de la scène directement reprise du Bon, la brute et le truand achèvent de donner cette impression. La guerre d'Algérie, cependant, ne saurait être un simple décor comme la guerre de Sécession, tout simplement parce que la France se sent légitimement morveuse de son action de l'époque. Il a même fallu attendre 1999 pour que le gouvernement français reconnaisse qu'il y avait eu une "guerre" en Algérie ! L'aventure se teinte donc rapidement d'une conscience pour les personnages : si le manichéisme semble prévaloir au début, on touche bien vite du doigt les paradoxes que vivent certains : Saïd (Lounès Tazairt) par exemple, ancien combattant de 39-45, se retrouve à lutter du côté français contre les fellaghas...

Ecrit par le documentariste Patrick Rotman, le film trahit parfois, au-delà de la véracité historique, une volonté de trop expliquer les choses (voir à ce sujet la discussion entre Magimel et le capitaine Berthaut joué par Marc Barbé, où le premier expose une vision de la guerre très progressiste pour l'époque). On peut même lui reprocher quelques facilités scénaristiques : une scène de suspense prévisible ici, un peu de sentimentalisme vers la fin... Reste qu'à certains moments, la brutalité des actes et le parallèle immédiat avec ce qui se pratique encore aujourd'hui en Irak fait méchamment froid dans le dos. Soutenu de bout en bout par des acteurs impeccables (Dupontel est impérial comme d'habitude, Magimel est impressionnant et parvient à faire oublier son rôle fadasse de La fille coupée en deux), le film parvient curieusement à basculer petit à petit d'un statut de quasi-divertissement à celui de film-choc, aux scènes implacables et à l'impact émotionnel sidérant.

On passera donc sur les faiblesses occasionnelles du scénario pour retenir la force du film, et sa capacité à réinventer puissamment le thème pourtant connu de « la guerre, quelle connerie... »