Dossier spécial: qu'attend-on du cinéma d'action

/ Dossier - écrit par Hugo Ruher, le 22/08/2013

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La sensation cinématographique de cet été montre des Godzillas qui se battent contre des robots géants. Classique comme blockbuster à succès me direz-vous quand on voit les résultats impressionnants des derniers Transformers, Iron Man ou encore Man of steel. Ces différents films promettent moult effets spéciaux pétaradants et explosions hénaurmes. Mais ils ne brillent pas particulièrement par leurs personnages ou leurs scénarios et au final on ne retient pas grand-chose d’autre que les explosions. Pourtant ça marche. Ce qui amène à se demander ce qu’on recherche aujourd’hui dans un film d’action.

Au risque de passer pour un vieux con complètement hermétique à la nouveauté, jetons un coup d’œil à plusieurs films d’actions un peu datés aujourd’hui devenus cultes. Ce qu’on remarque c’est qu’à chaque fois, ce qui est resté dans les mémoires ce ne sont pas tant des scènes en particulier mais bel et bien des personnages.

On peut prendre comme exemple le charme décontracté de Sean Connery dans les premiers James Bond. Ou encore le duo improbable composé de Mel Gibson et Danny Glover dans L’arme fatale. Ces films contiennent tous les scènes typiques qu’on retrouve dans chaque production du genre, à savoir des fusillades, des explosions, des courses-poursuites, des gonzesses inutiles, des muscles et j’en passe… Et des héros ! Des héros charismatiques qui ne sont pas toujours très originaux mais qui ont le mérite d’attirer l’attention.


Dommage qu'ils soient trop vieux pour ces conneries...

 

Quand le film repose sur les personnages

 Les personnages, même stéréotypés, étaient au centre de l’action, et le film reposait sur eux. Les astuces de James Bond, les échanges de Riggs et Murtaugh ou la dégaine de Belmondo, autant de caractéristiques qui sont restées en mémoire pour les spectateurs encore des dizaines d’années après. Je ne dis pas que ces films étaient avares en badaboums mais au final, si on y allait, c’était pour les protagonistes.

Le personnage principal était alors le vrai pilier du film d’action et un grand soin devait lui être apporté. L’exemple type est sans doute John McClane. Sans lui, la série des Die Hard aurait sans doute été oubliée depuis un moment. Un look décontracté, un humour noir et une fâcheuse tendance à chercher les ennuis, McClane est l’anti-héros sur qui repose tout le film. A tel point qu’à partir du quatrième volet, lorsque les scènes d’action commencent à prendre plus d’importance que John, le rythme et la qualité se voient revus à la baisse.

On le voit à travers ces exemples, regarder un film d’action apparaissait alors comme une distraction légère. Un moyen efficace de décompresser et de profiter d’un bon divertissement avec des personnages attachants et un happy end inéluctable. Autant de clichés que même les réalisateurs ont perçu comme John McTiernan par exemple, réalisateur des premiers Die Hard qui tourne le cinéma d’action en dérision avec Last Action Hero. Dans ce film, un héros de film d’action se retrouve dans le monde réel et s’étonne alors de voir qu’il peut prendre des balles et s’essouffler…

Si le personnage est délaissé au profit de l’action, il y a peu de chances que le film tienne la route. Sans héros à qui s’identifier il n’y a pas d’émotions et on peine à s’inquiéter des situations dans lesquelles les protagonistes peuvent bien se retrouver. Ce qui explique la pauvreté en termes de suspense et d’immersion de films comme Man of steel.

 

Pourquoi Schwarzy est-il plus fort que Shia LaBeouf ?

 

Je ne dis pas que dans les films d’action actuels on ne se préoccupe pas des personnages… mais quand même je peux le dire un peu ! Pour autant, les films des années 1980-1990 ont aussi leur lot de héros caricaturaux au possible, et ils n’en restent pas moins mémorables pour certains. Je pense notamment à des films de Schwarzy ou Stallone. Alors qu’est-ce qui fait qu’un film aussi ridicule et mal écrit que Commando procure un certain plaisir coupable tandis qu’on s’ennuie ferme devant Transformers 3 ? En d’autres termes, pourquoi Schwarzy explose Shia LaBeouf ?


Viens-là Shia... Peu importe comment ton nom se prononce.

 

Plus sérieusement, quand on regarde les films d’action d’il y a 15 ou 20 ans on se rend compte d’une chose. Aujourd’hui, il y a une tendance étrange à aller à la fois vers plus d’exubérance et plus de réalisme. Les techniques actuelles permettent de réaliser tous les fantasmes des réalisateurs et c’est tant mieux. Les explosions numériques n’ont jamais été aussi  maîtrisées et on n’hésite plus à montrer des vaisseaux grands comme des continents venir s’écraser sur San Francisco ou des robots de trente mètres exploser des villes entières pendant une lutte contre un monstre… C’est une bonne chose ! La créativité n’a plus de limite… A part le budget mais c’est déjà ça.

 

Un film d’action réaliste ?

 

Seulement, le public semble avoir besoin de réalisme dans tout ça. On accepte de plus en plus difficilement qu’un autrichien avec des épaules de gorille traverse un champ en se faisant tirer dessus par 200 types qui ne font que le rater. On accepte moins qu’au lieu de tuer le héros d’une balle, le méchant décide de le suspendre au-dessus d’une cuve à acide pour faire durer le suspense. On accepte moins que le héros s’abrite dans un frigo pour survivre à une explosion nucléaire. On accepte moins qu’il se fasse attaquer par une pyramide de fourmis rouges. On accepte moins que son fils dresse une armée de singes pour venir le sauver. Je vais m’arrêter là parce qu’on me signale dans l’oreillette que les trois derniers exemples viennent du même film


C'est malhonnête de ma part, j'ai même pas détesté ce film...

 

Il faut donc prendre tout ça en compte quand on fait un film et on aboutit à deux types de résultats. Soit, le réalisateur décide de faire à fond dans le réalisme et limite donc les prouesses du héros et la quantité d’explosions. C’est là qu’intervient Christopher Nolan avec des films plan-plan sans trop d’effets spéciaux… Ce qui malheureusement rend les bourdes scénaristiques plus visibles mais c’est une autre histoire. On obtient alors des films plus sombres, jugés parfois abusivement plus complexes. Le but est de rendre le film d’action « réaliste », une préoccupation qui passait largement au-dessus de la tête des réalisateurs des premiers James Bond…

 

Peut-on sortir du « cinéma du chaos » ?

 

Ou alors, deuxième solution, on décide de rendre tout plus confus pour que ça fasse plus vrai. C’est ce qu’un jeune réalisateur allemand a montré dans un essai vidéo très instructif que vous pouvez retrouver ici, Matthias Stork parle du « Cinéma du chaos ». C’est-à-dire, une tendance qu’ont les réalisateurs à utiliser abusivement la shaky-cam, avec des coupes toutes les demi-secondes, pour donner un effet de confusion. Ce qui servirait donc à immerger davantage le spectateur en lui donnant l’impression qu’il est au cœur de l’action.

Mais l’effet obtenu ne correspond pas tout à fait aux attentes. Au final, deux heures d’explosions intenses avec un montage à la hache et une caméra tenue par un épileptique… et bien ça fatigue. On sort de ce genre de film épuisé, sans avoir pris le moindre plaisir, même régressif, à voir des types se taper dessus dans une douce folie.


En attendant Star Wars VII, Jar Jar est le caméraman star d'Hollywood.

 

Certains films récents s’en sortent pourtant bien en essayant de jouer avec ces codes ou d’en sortir. Par exemple, Démineurs joue à fond la carte de l’immersion forcée du spectateur mais cette méthode a ici vraiment un sens. On ressent le stress des soldats, l’intensité de leur mission. Dans un autre style, Les fils de l’homme est un film très immersif mais beaucoup plus technique. Dans cette réalisation, Alfonso Cuarón utilise de nombreux plans-séquences pour rendre l’action plus immersive. C’est-à-dire que la totalité de la scène est tournée d’une traite, sans coupe. Une scène mémorable est par exemple lorsque la voiture des héros avance le long d’une route déserte et qu’au loin, on voit une voiture en flammes se diriger vers eux. Le spectateur la voit mais pas les héros et le tout est filmé depuis l’intérieur de la voiture.

Mais bien-sûr, le plan-séquence est une prouesse technique que seul un réalisateur expérimenté peut utiliser à bon escient. Ceci nécessite un vrai savoir-faire et implique de tout préparer méticuleusement tandis que d’après Matthias Stork, c’est aujourd’hui dans la salle de montage que se fait le film. C’est le monteur qui en coupant encore et encore de tout petits morceaux de scène pour simuler la confusion va faire la majeure partie du produit fini.

 

Mais malgré tout, ce qui semble revenir, ce sont les films d’antan. On voit ça à travers des monuments de nostalgie comme les Expendables, véritable hommage aux vieux briscards de l’action traditionnelle. Ou encore des films comme Le dernier rempart ou Du plomb dans la tête avec respectivement Schwarzenegger et Stallone, qui semblent tout droit sortis des années 1990. Un retour aux sources peut-être ?