Dossier - Bava, Argento, Fulci : les Maîtres italiens

/ Dossier - écrit par Lestat, le 03/09/2004

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Dossier sur Mario Bava, Dario Argento et Lucio Fulci, les maîtres du cinéma d'horreur italien

Italie, quelque part au début des années 60. En cette période faste où l'industrie cinématographique, jamais en retard d'une mode, bat comme de bien entendu son plein, la mode est au Péplum, qui tire ses dernières cartouches, et encore dans une moindre mesure, au fantastique gothique. Sous un soleil de plomb s'entrechoquent des fracas de muscles et d'aciers dans des décors grandioses. Qu'il soit biblique, mythologique ou tout simplement historique, le péplum, du nom de cette toge romaine, fait figure de gefnre à part entière, porté par la générosité et la grandiloquence qui a fait sa renommée. Passage quasi-obligé des réalisateurs populaires de l'époque (Sergio Leone lui même s'y essaya, avec Les Derniers Jours de Pompéi ou le Colosse de Rhodes, petits classiques du genre), le Péplum est à ce moment ce que sera le western post-Leone : une brèche qui connaît depuis les années 50 un nouvel âge d'or et ne se refermera qu'à la moitié des années 60, où chacun ou presque s'engouffre, et dans laquelle surnage des noms qui deviendront incontournables du B comme Antonio Margheretti. Au milieu de ces milliers de figurants, ces batailles titanesques, ces dieux en colère et ces monstres épouvantables se dresse un homme qui commence à se faire un nom : Mario Bava, le touche-à-tout, qui s'essaie dans un premier temps au deux domaines.


Né en 1914, Mario Bava commence très tôt à tâter de la caméra. De sa filmographie imposante (37 films au dernier recensement), nous retiendrons que plus qu'un bon faiseur de films, Bava était un excellent fournisseur de concept, doublé d'un éclectisme rare. En effet, sans lui, nous n'aurions peut-être jamais connu le giallo, voire le slasher movie et des réalisateurs aussi précieux que Dario Argento ne seraient probablement pas ce qu'ils sont devenus. Suivant les modes, en inventant parfois lui même, Bava fait tout, ose tout, livre une ribambelle de métrages qui se poseront en précurseurs dans leurs genres et devient peu à peu la référence incontournable de ses successeurs. Son premier film est un coup de maître : le Masque du démon, en 1960, grand classique du fantastique transalpin. Sans davantage de préambules, Bava se lançait avec un long métrage lorgnant vers les productions Hammer venues d'Angleterre et contribua grandement à l'essor d'un genre qui ne demandait alors qu'à s'envoler. Ne reculant devant rien, il tente une audacieuse expérience dès son deuxième film, mélangeant les deux genres en vogue pour accoucher d'un curieux Hercule contre les Vampires. S'en suivront thriller, polar, comédie (L'espion qui venait du surgelé, ça ne s'invente pas), adaptation de comics (le très kitsch Danger : Diabolik avec John Phillip Law), westerns et bien sûr, la Science-Fiction. Là encore, Bava pose des bases qui donneront vingt ans plus tard un film culte, qui lui-même engendra une tendance que l'on retrouve toujours aujourd'hui. Ce petit film, plutôt daté et ne devant son salut qu'à son charme très sixties, c'est la Planète des Vampires (1962). Dans cette histoire d'horreur/SF, hésitant entre deux univers, faisant la part belle aux fumigènes, aux petits effets sanglants et au carton pâte se dresse ni plus ni moins que le brouillon d'Alien de Ridley Scott. Une influence que ne reniera d'ailleurs pas Dan O'Bannon, le scénariste du premier épisode de cette saga vorace (et réalisateur par la suite de l'amusant et ultra-culte Retour des Morts Vivants). Dans la Planète des Vampires, l'équipage d'un vaisseau spatial reçoit un signal mystérieux provenant d'une planète inconnue. Sur place, ils se trouvent en proie à une étrange folie furieuse avant de se voir confrontés à une sorte d'entité prenant le contrôle de corps morts. Couleurs pétantes, loupiottes de toutes les couleurs, excellentes idées mal développées et imageries chères aux univers fantastiques forment ce mic-mac qui aujourd'hui se regarde avec davantage de sourires que de frissons. Reste une fin inattendue et plutôt pessimiste, à l'italienne, dont Ridley Scott n'osera pas reprendre tout l'esprit (et pourtant la fin d'Alien n'est pas la plus joyeuse de l'histoire du cinéma). La Planète des Vampires, improbable chaînon manquant entre la Nuit des Morts Vivants et Planète Interdite, représente tout le cinéma de Bava, souvent furieusement B, parfois bancal mais diablement innovant.

Mais si Bava eut une telle influence sur le cinéma actuel, c'est davantage par trois long-métrages qui en outre de créer un genre à part entière, connaissent toujours des héritiers : La Fille qui en savait trop, 6 Femmes pour l'Assassin (1964) et La Baie Sanglante (1971). La Fille qui en savait trop et 6 Femmes pour l'assassin sont des films majeurs dans l'histoire du cinéma italien, qui inventent tous les clichés de ce qui deviendra le giallo. Entre références à Hitchcock et tueurs gantés se mêlent esthétisme et tueries sauvages, où des meurtriers tout de noir vêtus s'en prennent à de jolies femmes. Respectivement premier giallo de l'histoire et aboutissement d'un genre en pleine naissance, ces deux films intronisent une bonne partie des éléments que l'on retrouvera par la suite chez des réalisateurs comme Sergio Martino, l'incontournable Dario Argento, Umberto Lenzi voire un temps Lucio Fulci, qui s'y essaieront à leurs tours, quitte à y consacrer leurs carrières. Cela jusque dans le titre, phrase étrange voire à rallonge comportant souvent un chiffre, tendance que l'on retrouvera dans une flopée de gialli post-Bava. Citons La dame en rouge tua 7 fois (Emilio Maraglia), Le Chat à 9 queue (Argento), 4 mouches de velours gris (Argento toujours), 7 Orchidées de sang (Lenzi), Ton vice est une porte fermée dont moi seul ai la clé (quel titre !) de Martino et ainsi de suite... Nouveau coup de buttoir, la Baie Sanglante (Ecologia del delitto), que les spécialistes s'accordent à placer en précurseur du slasher à l'américaine, bien avant que Tobe Hooper ne donne un coup de tronçonneuse dans la porte et lance officiellement le genre en explosant les clichés, suivi par John Carpenter qui le propulsa littéralement. La Baie sanglante intronise une sorte de dérivation du giallo, plus gore, plus sadique, un peu parodique, également. Par ailleurs, dépassé depuis par un nouveau venu du nom de Dario Argento, Bava tournait avec la Baie Sanglante l'un de ses derniers films et son dernier dans le genre qu'il inventa lui-même. Une belle révérence pour un film qui inspira grandement l'école américaine, au point que Sean Cunningham en repompa quelques scènes dans son célèbre -mais mal vieilli- Vendredi 13.

6 Femmes pour l'Assassin détermine donc les règles du giallo. Pourtant, les débuts du genre sont modestes, car accueillis assez mollement par les foules. Ils ne sont qu'une poignée, les réalisateurs à y tenter l'aventure. Jusqu'en 1970 qui voit débarquer sur les écrans un bien curieux animal : un oiseau au plumage de cristal. Ce premier film d'un scénariste pas bien connu explose en salle et cette fois, le genre gagne les faveurs du public, médusé par les méandres de cette histoire implacable. Un nouveau talent est né, nous l'avons déjà rencontré : il se nomme Dario Argento.


Journaliste, puis critique de cinéma, Dario Argento entre dans le cinéma par la petite porte, ouverte par Sergio Leone, qui lui propose de collaborer au scénario d'Il était une fois dans l'Ouest. On ne retrouve pas encore la touche Argento dans cette histoire de vengeance classique mais magnifiée par l'osmose entre un réalisateur devenu légendaire et une petite star qui montait du nom de Charles Bronson. Après avoir vendu quelques autres histoires, il décide de sauter le pas en réalisant ses premiers films. Reprenant les leçons de son mentor spirituel Mario Bava, Argento accouchera successivement de L'Oiseau au Plumage de Cristal (1969), le Chat à Neuf Queues (1970) et Quatre mouches de Velours Gris (1971), qui le conduiront jusqu'à son giallo ultime, qui restera avec Suspiria le chef-d'oeuvre du réalisateur voire même du genre : les Frissons de l'Angoisse (Profondo Rosso) en 1975. Incrustant adroitement l'univers fantastique, les Frissons de l'Angoisse est un monument de part sa mise en scène, sa sauvagerie et ses ambiances. Film après film, Dario Argento issu d'une famille d'artistes, développe ce qui deviendra sa touche personnelle, ce qui fait qu'aujourd'hui encore un film d'Argento se distingue de toute autre production : son univers esthétique. Plus que de simples bobines, les films d'Argento évoquent des peintures qui prennent vie, où explosent des couleurs criardes. Jouant sur les contrastes, les éclairages, les images deviennent quasi-irréelles et se mettent au service de scénarios compliqués partant dans des méandres dont il est ardu de comprendre toutes les subtilités. Artiste de l'image, Argento s'impose en homme orchestre, allant jusqu'à prendre sous son aile un petit groupe, afin que la musique de ses films leur colle au mieux. Ainsi apparaîtront les fameux Goblins dont les accords étranges resteront à jamais ancrés dans les mémoires des cinéphiles. Suspira et Inferno, les deux volets de son inaboutie trilogie des Mères représentent l'aboutissement du style Argento. Bien qu'explorant des territoires bien plus fantastiques que d'accoutumé, le maître lâche deux films incontournables de l'horreur et du cinéma en général. La violence est barbare, sur Suspiria, les Goblins explosent leur propre discipline, les couleurs envahissent un univers où le spectateur surnage, à mi chemin entre le cauchemar et la réalité, s'accrochant tant bien que mal à des scénarios dont on ne voit pas le bout. Des expériences inoubliables, mêlant pur giallo et univers de l'épouvante, dans une sorte de flottement quasi-onirique. Envoûtantes, inquiétantes, ces deux pièces maîtresses de la filmographie d'Argento marqueront paradoxalement le début d'une période de remise en question, voire de crise d'identité pour le réalisateur. Après être revenu au polar avec Ténèbres (le public accueille Inferno plutôt froidement), très beau giallo en plein jour façon Hitchcock, Argento livre Phénoména, un de ses films les plus médiocres. Sur la base d'un scénario partant dans tous les sens sans aboutir nul part, Argento bombarde l'écran d'idées sans lendemain, de pistes foireuses, jusqu'à un dénouement qui certes laisse pantois, mais apparaît totalement incohérent. La bande son, assurée entre autre par Iron Maiden et Motorhead renforce le cachet années 80 mais peine à faire passer la pilule. Malgré la présence de la belle Jennifer Connelly ou de Donald Pleasance, un habitué du genre, Phénoména, en outre d'être généralement distribué en version charcutée, est un mic-mac hésitant entre plusieurs registres sans renouer avec l'alchimie d'un Inferno, parsemé d'éclairs de génie, mais d'un ensemble tout à fait oubliable.


Dès lors c'est une carrière en dents de scie que connaîtra Argento, jusqu'à lui coller à la peau une absurde étiquette de Has Been. A un Fantôme de l'Opéra de mauvaise réputation si ce n'est de facture succède Trauma, polar un peu bancal aux choix musicaux étranges, mais aussi le Syndrome de Stendhal, superbe thriller, glauque, violent, où le réalisateur fait pour la troisième fois tourner sa propre fille, la sculpturale et énigmatique Asia Argento, dans un film grandiose. L'ambiance est oppressante, les crises d'Anna Manni, inspectrice sujette au fameux syndrome, sont enivrantes, fabuleuses et le tout est une merveille de suspense, d'esthétisme et de malsain. Une sorte de polar mâtiné de vengeance, voire de rape and revenge, frôlant souvent le fantastique sans jamais y tomber. Argento sans se déchaîner, passionne et fascine de bout en bout. Asia n'a jamais été aussi bien filmée que par son père et Dario a rarement trouvé meilleure interprète pour ses délires que sa fille. Sans doute avec Inferno l'un de mes Argento préférés. Et pourtant, le Syndrome de Stendhal connaîtra une sorte de traversée du désert lors de sa distribution et ne doit sa subsistance sur le marché qu'à la pourtant très excentrique firme Troma. En 2000, Argento décide de reprendre son obsédante carrière en main, avec un film pour lequel il jouera son va-tout : Le Sang des innocents. Tourné en Italie et en italien, Le Sang des innocents, Non Ho Sonno en VO, est un pur giallo comme à la grande époque. Sur une intrigue policière un peu trouble, Argento tisse son univers habituel d'ambiance et de couleurs, re-embauche ses Goblins pour un accompagnement qui pénètre l'esprit pour ne plus le lâcher... et pourtant manquera le coche. De peu, certes. Après un début époustouflant, Le Sang des innocents accuse un sévère problème de rythme. Reste une histoire biscornue mais bien ficelée, des meurtres originaux et un sentiment de retour aux sources bien agréable. Pourtant rien à faire, Le Sang des Innocents ne peut s'élever plus haut que l'Argento de routine (ce qui n'est déjà pas mal, comprenons-nous bien). La faute à quoi ? L'esthétisme est là, les poncifs sont respectés, le début et la conclusion sont de toute beauté, la violence se fait crue, mais on sent le maître absent, comme si Argento jouait... à faire de l'Argento. Peut être est-ce celà qui manque à Non Ho Sonno, une personnalité propre et cette sorte de magie qui émanait de sa première période. Mais qu'on ne s'y méprenne pas, sorti de la filmographie d'Argento et passé outre le rythme pas toujours au beau fixe, c'est un giallo tout ce qu'il y a de plus honnête et hautement recommandable.

Au même titre que Bava, Argento devient réprésentatif de toute une catégorie de cinéma. On ne peut dire si son style créa d'école tant il lui fut propre, toutefois le réalisateur popularise le thriller horrifique, impose sa violence et son graphisme. Argento influença néanmoins toute une génération de cinéastes qui sans reprendre les tics du réalisateur, leur rend ici et là un hommage, un clin d'oeil ou une imagerie. Citons Lucky Mc Kee qui allait jusqu'à s'exorciser lui même de son idole dans May, Eric Valette dont le Maléfique reprend quelques clichés Argentesques, voire même Peter Jackson, dont le Créatures Célestes reprend au détour d'une scène les atmosphères verdâtres d'un Suspiria.

Pendant ce temps, dans le monde du cinéma se crée de petites révolutions. Quelque part sous le soleil de Miami, un certain Hershell Gordon Lewis invente le gore, et son Blood Feast (1963) fait l'effet d'une bombe. En Pennsylvanie, en 1968, un jeune gars armé d'une caméra pas chère, d'une poignée de dollars et d'une bande de potes, déclenche l'apocalypse. Il s'appelle George Romero et la Nuit des Morts Vivants est un choc dont le milieu peine toujours à se remettre et à s'affranchir. Quasiment dix ans plus tard, en 78, Romero remet le couvert avec Dawn of the Dead. Ce sera un peu l'explosion qui mettra le feu aux poudres. Quand il n'y a plus de place en enfer, les morts reviennent sur Terre et les écrans s'emplissent de productions zombiesques. Les transalpins du B, entre deux films de cannibales, suivront comme d'habitude le mouvement, d'autant plus que le Péplum est mort de sa belle mort et que le Western Spaghetti agonise (Trinita est passé par là, Leone a fait son deuil avec Mon Nom est personne, Castellari lâche Kéoma... il est temps de passer à autre chose). Désormais, le pays est à feu et à sang et sur les plateaux, petit à petit, on parle Morts Vivants et horreur à toutes les sauces. Et bien sûr, de gore... Dans cette atmosphère de folie émerge un nouveau nom qui décide de tirer partie de toutes ces crasseries. Un contemporain d'Argento qui roule sa bosse dans le circuit depuis de nombreuses années, s'illustrant dans le giallo, le western, le polar ou encore le film de mafia. Cet homme, c'est Lucio Fulci.


Quand en 1979 on propose à Fulci de faire Zombie Flesh Eaters, aka Zombie 2, aka l'Enfer des Zombies chez nous, vrai fausse suite de Zombie : Dawn of the Dead, le réalisateur a déjà une filmographie confortable derrière lui. Au fil de ses longs métrages émanent une sorte de goût pour le sadisme, le macabre et la violence, doublé d'une sorte d'obssession, de fascination pour les univers morbides. Pour son premier film de Zombie, Fulci a enfin l'occasion de se lâcher et il se déchaînera, par quatre longs métrages en forme d'apothéose. Ce sera ce Zombie 2, mais aussi Frayeurs (La Paura, souvent retitré City of Living Dead), l'Au Delà (l'Aldila) et la Maison près du Cimetière.

Zombie 2 commence la série des quatre relativement timidement. L'ambiance est poisseuse, les morts vivants sont d'un design des plus inédits : des cadavres décomposés, grouillant de vers. Le film est âpre, sec, sans une once d'ironie. Le style de Fulci est bien là et les scènes gores font très mal. Reste que Zombie 2 connaît un souci narratif certain et se révèle assez ennuyeux. La faute à un souci de rythme qu'on ne reconnaît pas au réalisateur et surtout une bonne partie du film où il ne se passe strictement rien. Original par certains points, doublé d'un ton pessimiste et d'une fin qui prend son spectateur à contre-pied, Zombie 2 est une déception aux vues des autres films du réalisateur. Toutefois à l'époque, le succès de la chose est monstrueux. A Zombie 2 succèdera Zombie 3, film de fin de carrière pour Fulci qui doit laisser la place à un certain Bruno Mattéi qui assure l'intérim comme il peut et surtout comme le veulent les producteurs. Monteur de formation, Mattéi, qui possède bien entendu quelques titres de gloire, est surtout connu comme un des nombreux tâcherons du Z transalpin, dont les deux armes sont le stock shot granuleux et le gore craspec. Pour la petite histoire et vous permettre de mieux cerner le personnage apprenez que le Sinore Bruno se fit deux spécialités où il passa maître : la repompe de film américain à succès (ainsi son Robowar, photocopie pas chère de Prédator) et le faux film de franchise distribué à la sauvette en Direct To Video. Il lâcha ainsi un Terminator 2 qui dura le temps que Cameron découvre le pot aux roses, un Alien 3 vite avorté ou encore un Dents de la Mer 5 qui se passe de commentaires. La plupart de ses films sont (involontairement) à mourir de rire et celui qui nous intéresse ici n'échappe pas à la règle. Zombie 3 ouvre la porte à toutes les fenêtres, mais également à un Zombie 4, qui donna ensuite... deux Zombie 5, respectivement de Joe D'Amato en Italie (monsieur films de fesse) et Jesus Franco (monsieur nanars fauchés), bizarrement aux USA. Le même D'Amato qui, pour mieux vendre, croit bon de retitrer son Anthropophageous 2... Zombie 6. Vous suivez ? La franchise Zombie est un bordel sans nom, le premier épisode de Romero, qui à la base devait rester orphelin et connaît en outre trois versions de distribution, s'inscrivant d'ailleurs déjà dans une trilogie à part entière dont il est le second volet. Vite, un aspro !

Mais trêve de méandres cinématographiques, sautons une ligne et revenons au sujet. Fulci a donc tenté le passage dans l'horreur sanglante et y impose un style qui lui deviendra indissociable. Une approche très gore et totalement dénuée d'humour. Le comico-gore, ça n'existe pas encore et Fulci, réputé comme un monsieur charmant dans la vie, n'est à l'écran pas là pour faire le rigolo. Son explicisme tétanise, ses audaces donnent le frisson. Il répugne autant qu'il fascine par l'aura si particulière de ses films. Le véritable style Fulci, c'est cela, sa violence est une symphonie, réglée comme du papier à musique et ne tombant jamais dans la vulgarité, mais au contraire dans une sorte de poésie noire où il règne en maître. Une ambiance qu'il privilégiera hélas souvent au détriment de ses scénarios. En témoigne Frayeurs, sorti en 80. Bombardant un prétexte repris l'année suivante dans l'Au Delà, Frayeurs nous conte l'ouverture d'une porte de l'enfer, provoquée par le suicide d'un prêtre. Là encore, Fulci n'y va pas de main morte et dissémine des séquences chocs. La plus célèbre et donc la plus inoubliable reste cette scène terrible où une jeune femme vomit tripes et boyaux. Littéralement. Implacable et spectaculaire, ce passage culte est marqué par une lenteur inéluctable et la musique obsédante de Fabio Frizzi, qui alors fut à Fulci ce que les Goblins sont à Argento. Pourtant, le scénario, bien que basé sur une histoire prenante, est des plus légers et certaines scènes font davantage office de meublage que d'un quelconque intérêt pour l'intrigue. Citons ce passage où un jeune infortuné se fait refaire le crâne à la perceuse industrielle, moment particulièrement barbare mais qui ne sert strictement à rien.

La quasi-perfection de cette série de films viendra tout naturellement du dernier. La Maison près du Cimetière (1981) allie un scénario en béton avec des scènes de violence dégénérées. Comme toujours sérieux comme un Pape, Fulci nous livre un film étrange, variation subtile sur le mythe du Zombie, où le dénouement, en outre d'être une fois de plus "à la Fulci" (comprenez brutal et complètement inattendu, voire nébuleux dans le cas de Frayeurs), montre une sorte de tendresse insoupçonnée. Comme pour Zombie 2, l'Au Dela et Frayeurs, Fulci reprend sa clique habituelle : le chef opérateur Sergio Salvati (qui signa la photo des Fulci jusqu'à ce film précis), Fabrizio de Angelis au tiroir caisse et surtout Catrionna Mc Coll, qui apporta sa chevelure blonde à Frayeurs et l'Au Delà (ainsi qu'à Saint Ange de Pascal Laugier) et signe là une de ses oeuvres phares. Aux partitions, ce n'est toutefois plus Frizzi mais Walter Rizzati. L'ambiance est lourde, l'ensemble est un quasi huis-clos renouant avec les codes du film de maison hantée. Ici une cervelle mise à nue, là une trachéotomie peu chirurgicale et cette musique de Rizzati envoûtante, obsédante, qui donne comme une sorte de mélancolie à ce film aux étranges relents de drame crépusculaire.


Il faut imaginer qu'à cette époque, soit le tout début des années 80, le public italien en mal de sensations fortes peut se régaler d'Inferno ou Frayeurs qui sortent environ au même moment. Deux des trois maîtres se partagent ainsi le marché de la peur, avec plus ou moins de bonheur. Entre Fulci et Argento se nouent en effet des relations ambigües dont on comprend encore mal la véritable nature. Fulci, sans être un artiste maudit, revendique être davantage qu'un simple cinéaste d'horreur, statut où il est ancré malgré lui, à la différence d'Argento qui par ses univers et se réclamant de Fritz Lang, bénéficie d'une bien meilleure image. Ainsi, Fulci ne manque pas une occasion de dénigrer l'auteur de Suspiria. "C'est un grand artisan qui se prend pour un artiste, à la différence d'Hitchcock qui est un grand artiste se considérant comme un artisan", déclarera-t-il (source : Toxic Hors Série n°1). Argento de son côté affichait un mutisme prudent, avouant tout bonnement... ne pas le connaître ! Pourtant lorsque Fulci, en fin de carrière, malade et ruiné, est au bord du gouffre, c'est Argento qui tentera de lui faire remonter la pente, en le faisant collaborer au Masque de Cire, film malheureusement qu'il n'eut pas le temps d'achever, emporté par un cancer qu'il combattra une bonne partie de sa vie. Ce même Argento qui, comble de tout, déblatère dans quelques interviews récentes son respect pour son contemporain et l'influence de ses films. Mais plus intéressant est de constater malgré tout l'influence d'Argento sur Fulci. Au premier abord, les deux maîtres ont un style radicalement opposé. Fulci est plus abrupt dans sa réalisation, moins fin qu'Argento, plus brutal. Techniquement parlant, il se placerait plus du côté de Bava, où l'on retrouve cette manie des zooms secs. Pourtant comme chez Argento, on retrouve chez Fulci ce souci de faire de son cinéma une expérience sensitive, la Maison près du cimetière et ses inquiétants bruitages étant le moindre des exemples. En outre, on retrouve éparses certaines musiques voire scènes faisant directement référence à Suspiria, les premiers giallos d'Argento ou aux Goblins. Visuellement, certains films développent des univers esthétiques peu communs avec ses autres réalisations. Ainsi l'Au Delà, jouant sur les clairs obscurs, le sépia, les ombres et lumières, qui reste par ailleurs avec la Maison du Cimetière LE chef-d'oeuvre de Fulci. Se basant sur le postulat de Frayeurs, où une porte de l'enfer ne trouve rien de mieux à faire que de s'ouvrir, l'Au Dela est un choc, excessif, violent, malsain et intrigant. Malgré des effets spéciaux qui ne sont pas toujours au beau fixe, Fulci livre là le film de toutes ses audaces et enchaîne des scènes à la limite du soutenable. Chairs rongées à la chaux ou à l'acide, énucléation, égorgement, jusqu'à cette séquence cauchemardesque où un homme se fait dévorer le visage par d'énormes araignées, passage atroce et terriblement gore, à rendre arachnophobe le moins fleur bleue des êtres. Le scénario est embrumé à souhait, la fin fascine autant qu'elle interloque... Fulci est le maestro de tout cet orchestre macabre et affirme tout un art qui hélas ne connaîtra plus que le déclin.
En effet, après la Maison près du Cimetière, Fulci enchaîne quelques autres films puis entame une longue déchéance dont il ne sortira jamais. Du chef-d'oeuvre, il tombe dans la série B, puis dans le nanar. Du cinéma il tombe dans le petit écran. Paradoxalement, les budgets ridicules qu'on daigne bien lui accorder n'entameront pas sa soif de tourner et il ne lâchera pour ainsi dire jamais sa caméra. Le Masque de Cire d'Argento aurait dû le remettre à flot, la vie en décidera autrement. Fulci laisse plus d'une soixantaine de films, explorant tous les genres possibles et imaginables, de la comédie au post-apocalyptique. Du cinéma de Fulci qui lui non plus ne créa pas véritablement d'école, on retiendra l'extraordinaire ton de ses films d'horreur, froids et sans humour, l'audace de son gore et cette sorte de poésie qui lui valut le surnom d'Edgar Poe du cinéma...

L'Italie a été un fabuleux vivier pour le cinéma fantastique et d'horreur, d'où émergèrent des noms incontournables portés par des visions propres, qui chacun apportèrent leurs pièces à l'édifice. Bava fut le précurseur d'un genre maintes fois remanié, voire parodié, mais toujours pratiqué. Argento restera sans doute le plus populaire et le plus symbolique de ce pays et de cette époque. Toujours en activité, on attend son El Cartario avec impatience. Mais le milieu du cinéma de genre italien est énormément vaste et ces trois noms prestigieux flottent parmi les Ruggero Deodato, Umberto Lenzi, Antonio Marghereti, Sergio Martino, Joe d'Amato (qui entre deux polissonneries aux seins nus a tout de même lâché Anthropophageous ou Blue Holocaust), voire Lamberto Bava (le fiston de Mario...) et bien d'autres qui mériteraient leurs dossiers également. Mais ça, c'est une autre histoire...

Filmographie sélective Mario Bava

La Maison de l'exorcisme (La Casa dell'esorcismo) (1975)
Semaforo rosso (1974)
Lisa et le diable (Lisa e il diavolo)(1972)
Baron vampire (Gli Orrori del castello di Norimberga) (1972)
Meurtres à la hache (Il Rosso segno della folia) (1969)
Danger, Diabolik! (Diabolik) (1968)
Operazione Paura (1966)
La Planète des vampires (Terrore nello spazio) (1965)
Duel au couteau (I Coltelli del vendicatore) (1965)
Six Femmes pour l'assassin (1964)
Les Trois visages de la peur (I Tre volti della paura) (1963)
La Fille qui en savait trop (La Ragazza che sapeva troppo) (1963)
Le Corps et le Fouet (La Frusta et il Corpo) (1963)
Hercule contre les vampires (Ercole al centro della terra) (1961)
La Ruée des Vikings (Invasori, Gli) (1961)
Le Masque du démon (1960)

Filmographie de Dario Argento

Il Cartairo (2005)
Le Sang des innocents (Non ho sonno) (2001)
Le Fantôme de l'Opéra (Il Fantasma dell'Opera) (1998)
Le Syndrome de Stendhal (1996)
Trauma (1993)
Deux Yeux maléfiques (1990), co-réalisé avec George Romero
Opera (1987)
Phenomena (1984)
Tenebres (Tenebrae) (1982)
Inferno (1979)
Suspiria (1976)
Les Frissons de l'angoisse (Profondo rosso) (1975)
Le Cinque Giornate (1973)
La Porta Sul Buio (1972)
Quatre mouches de velours gris (Quattro Mosche di Velluto Grigio) (1971)
Le Chat à neuf queues (Il Gatto a nove code) (1971)
L'Oiseau au plumage de cristal (L'Ucello dalle plume di cristallo) (1970)

Filmographie sélective de Lucio Fulci
Voix Profondes (Voices from Beyond) (1994)
Les portes du silence (1992)
Hansel et Gretel
Demonia
Nightmare Concert (1990 )
The House of clocks (TV)
The Sweet house of Horrors
Les fantômes de Sodome
Touch of the death
Zombi 3 (1988)
Aenigma( 1987)
Le miel du diable (Dangerous Obsession) (1986)
Murderock (1984)
2072, les mercenaires du futur (1983)
La Malédiction du Pharaon (Manhattan Baby)
L'éventreur de New York (The New York Ripper) (1982)
Le chat noir (Il gatto nero)
La maison près du cimetière (The House by the Cemetery)
L'au-delà (The Beyond) (1981)
L'Emmurée Vivante
Frayeurs (City of the living dead) (1980)
L'enfer des zombies (Zombie 2) (1979)
The Psychic ( 7 note in nero) (1977)
Les Quatre de l'Apocalypse (I quattro dell'apocalisse) (1975)
Croc Blanc
La longue nuit de l'exorcisme (Dont' torture a duckling) (1972)
Les Salopes vont en Enfer (Carole, Le venin de la peur) 1971
Beatrice Cenci, liens d'amour et de sang (1969)
Perversion Story (Una sull'altra) (1969)
Le Temps du Massacre (1966)
I Maniaci (1964)
I Ladri (1959)