Doit-on craindre la suite de Blade Runner ?

/ Critique - écrit par Hugo Ruher, le 04/05/2016

Tags : film blade runner scott deckard ridley replicants

La date de sortie de la suite du film culte a été avancée. Blade Runner 2 sortira en octobre 2017 aux Etats-Unis et probablement autour de cette même date chez nous. Mais que peut-on attendre de cette suite ? Un étron voguant sur la popularité du premier épisode ou une extension enrichissante d’un univers si travaillé ? On fait le point sur les attentes et les peurs que suscite un tel projet.

Tout d’abord, un point d’histoire. Blade Runner sorti en 1982 est l’adaptation libre par Ridley Scott d’un roman futuriste de Philp K. Dick, “Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?” On y suit le lieutenant Deckard incarné par Harrisson Ford dans le Los Angeles de 2019 (oui, à l’époque c’était vachement futuriste), il doit traquer des Replicants, des robots à apparence humaine qui n’ont pas le droit de circuler sur Terre après une révolte dont on ne sait pas grand chose.

Voilà pour la toile de fond, mais le film surprend par un rythme lent et pesant, et nombre de réflexions sur l’identité, l’humanité et les dangers de l’intelligence artificielle.

Avec un nombre incalculable de versions et des soucis dans le tournage et la post-production, Blade Runner n’a pas connu un succès foudroyant et n’a pas été adulé par les critiques du monde entier. C’est au fil des années qu’il a développé un statut de film-culte et une version final cut est sortie en 2007, représentant au mieux ce que voulait le réalisateur à l’époque. Au vu de l’aura qui se dégage aujourd’hui du film, l’idée d’une suite peut donner des sueurs froides. Mais comme dit le proverbe “Quand tu vois le verre à moitié vide, remplis-le”. Oui, j’écris cet article à l’heure de l’apéro.


Comme je ne sais pas quoi mettre en légende, je vous conseille la chronique de Nexus VI sur Youtube, pour tous les amateurs de SF... Je vous laisse chercher.

 

Pourquoi on attend Blade Runner 2 avec impatience?

Pour le réalisateur

Aux commandes de ce deuxième opus, on aura Denis Villeneuve. Et c’est la meilleure chose qui puisse arriver au film. Il faut dire que depuis une dizaine d’années, Ridley Scott a enchaîné les désastres. Son meilleur film récent étant le dernier Seul sur Mars, sympathique mais plat. A part ça on a eu les bouses immondes que sont Prometheus, Exodus, Robin des Bois et j’en passe. Villeneuve, de son côté, s’est illustré dans le cinéma indépendant canadien avant de faire ses armes chez les “grands”. Même si Sicario était un poil en-dessous de ses précédentes oeuvres, notamment Incendies et Prisoners, il a un vrai sens du récit et de l’image. Un des réalisateurs actuels les plus talentueux sans aucun doute. Au-delà d’un univers esthétique très soigné, il devrait arriver à produire quelque chose de neuf sans tomber dans l’hommage stérile et la copie conforme qu’on attendrait d’un autre réalisateur. Rien que cette nouvelle suscite un réel intérêt pour le projet. Sérieusement, regardez Villeneuve, c'est la meilleure chose qui soit arrivé au Canada depuis Cronenberg. Et les VF des films téléchargés illégalement. C'est bien ça aussi.

Pour découvrir davantage cet univers

J’ai dit au début de cet article que les Replicants avaient été chassés après une révolte dont on ne sait pas grand chose. Et c’est ça qui peut faire espérer une bonne suite. Si l’univers développé dans le premier film est fascinant, il reste énormément de zones d’ombre. Assez pour qu’un nouveau récit puisse s’étendre en restant cohérent et en nous faisant découvrir de nouvelles facettes de ce monde. Comment sont créés les Replicants ? Pour répondre à quel besoin ? Pourquoi se sont-ils révoltés ? Y’a-t-il eu des rebelles pro-Replicants ? Qui est au pouvoir ? Peut-on sortir de cette ville sombre et polluée ? Est-ce que le dernier tome de Game of Thrones est sorti ? Autant de questions sans réponse qui peuvent en trouver et soulever d’autres interrogations dans un nouveau film. Aucun détail du scénario n’est connu pour l’instant à part cette phrase de Ridley Scott : “A l’horizon on aperçoit une moissonneuse-batteuse futuriste avec des lampes à arc, parce que c’est l’aube. La moissonneuse est aussi grande que six maisons. Au premier plan, il y a une petite cabane de bois blanche avec un porche, comme si on était dans Les Raisins de la colère. Une voiture arrive de la droite, à deux mètres environ au-dessus du sol, poursuivie par un chien.” Donc autant dire qu’on ne sait rien.

Pour les questions irrésolues

J’aime les mystères, j’aime les ombre, j’aime les doutes (...) on va s’occuper de ce mystère” C’est ce que répond Denis Villeneuve quand on lui demande si Deckard était un Replicant. Un des plus grands mystères du film. Deckard est présenté comme un humain mais plusieurs indices peuvent laisser penser le contraire. Des théories folles circulent parmi les fans, et elles ne se sont pas calmées après 2007 quand Ridley Scott avait déclaré que Deckard était bien un Replicant. Et puis Harrisson Ford assurait que c’était un humain donc… Le mystère reste entier et c’est ce qui fait la force de Blade Runner. Alors on ne peut espérer qu’une chose de Denis Villeneuve: qu’il ne réponde pas clairement à cette question. C’est le meilleur cadeau qu’il puisse faire aux fans et ça semble être son intention.


Ca c'est un film avec une VRAIE fin ouverte, pas comme cette imposture d'Inception.

 



Pourquoi on a quand même peur du résultat ?

Parce que Blade Runner, ça a mal vieilli

Attention, une précision: encore aujourd'hui, au niveau graphique le film tient la route. Largement. Mais cette ville sombre et oppressante qui a complètement renouvelé le mouvement cyberpunk, est devenu vraiment commune. Malheureusement, il y a eu tellement de copies que ce concept est devenu cliché. C’est un peu comme quand on regarde Star Wars avec la scène du “Luke, je suis ton père.” On ne peut s’empêcher de ricaner en se disant que c’est un cliché, mais oui ! Et c’est de là que vient le cliché justement. Et si Blade Runner a été novateur à sa sortie, le style esthétique qu’il a réussi à imposer est finalement devenu le degré 0 de la créativité pour les films suivants. A tel point que si on pense “ville du futur qui fait peur” c’est tout de suite cette image qui vient en tête. Même le film Super Mario Bros reprend cette esthétique. Et je viens de citer Super Mario Bros, c’est pas cool. Pas cool du tout.


OK, à l'époque c'était super original, mais depuis tout le monde l'a fait.

 

Parce que quand même un peu Ridley Scott

J’ai dit tout à l’heure que c’était une bonne chose que tonton Ridley laisse sa place à un petit jeune. Mais à 78 ans il est encore un peu présent. A la production pour le coup. Et on peut craindre l’emprise qu’il risque d’avoir sur le film. Comme tout géniteur trop attaché à son bébé, il risque d’imposer certaines décisions qui fermeraient la porte à des idées nouvelles. Là encore, ce ne sont que des craintes, mais quand on voit l’avis très tranché qu’il a sur l’identité de Deckard comparé aux nuances appportées par Villeneuve, on peut avoir peur.

Pour un casting "meh"

Ok, je l’ai mis dans les points négatifs mais mon avis est un peu plus mitigé que ça. Sans être fan du perpétuel regard de chien battu de Ryan Gosling, ce n’est pas non plus le dernier des crétins, et il a su montrer dans ces différentes prestations un grand talent d’acteur. Même chose pour Robin Wright qui alterne entre moyenne et parfaite. En revanche, j’ai un peu plus peur en entendant parler du retour d’Harrisson Ford, vieillissant et je-m’en-foutiste. Ça passe dans le dernier Star Wars où il s'éclate comme un petit fou, mais dans une oeuvre aussi exigeante que Blade Runner, c'est autre chose. Dans le reste des acteurs connus actuellement, Dave Bautista qui jouait Drax dans les Gardiens de la Galaxie,  et Ana de Armas vue dans Knock Knock avec Keanu Reeves. Deux acteurs qui m’évoquent un grand “Meh…”. Cela dit, avec la direction de Denis Villeneuve, tout est possible. Même si comme le dit si bien un autre rédacteur de Krinein: “La barre est trop haute et je vois mal Ryan déclamer de la philosophie en slip, sous la pluie, en haut d'un gratte ciel.” Bien résumé Guillom.


La classe du slip.

 




Beaucoup de craintes donc, mais aussi beaucoup de raisons d’espérer. Il faut surtout réussir à passer outre l’idée fausse qu’une suite est forcément mauvaise. C’est en effet souvent le cas mais Hollywood peut nous réserver de bonnes surprises, comme ce fut le cas avec le dernier Mad Max. L’important est surtout d’avoir les bonnes personnes derrière le bon projet. Et avec un réalisateur de talent au service d’un univers fascinant, on peut croire à un miracle. Verdict donc dans un peu plus d’un an: Blade Runner 2 sera-t-il un nouveau classique ou une suite superflue qui dessert le matériau de base?