7/10Diamantes Negros, l’autre vie des footballeurs

/ Critique - écrit par Hugo Ruher, le 19/10/2013
Notre verdict : 7/10 - N'est pas Mahamadou Diarra qui veut (Fiche technique)

Le festival Cinespana s’est achevé à Toulouse. L’occasion pour Krinein de revenir sur quelques perles du cinéma espagnol découvertes à cette occasion. Car oui, en dehors de Pedro Almodovar et Alex de la Iglesia, il y a pléthore de cinéastes qui ne trouvent pas toujours le moyen de se faire connaître. Aujourd’hui, on va s’intéresser à un drame au cœur d’un trafic de footballeurs : Diamantes Negros.

Diamantes Negros parle d’un marché souterrain souvent méconnu : celui des footballeurs. Tout commence au Mali, avec Moussa et Amadou, deux amis réunis dans la pratique de leur sport préféré : le football. Leur rêve est bien sûr de devenir le nouveau Salif Keita en Europe pour pouvoir devenir une star et envoyer de l’argent à leurs familles. Leur rêve semble d’ailleurs se réaliser lorsqu’un Espagnol se présentant comme un agent leur offre l’opportunité de venir passer des essais en Europe pour peut-être jouer au Real ou au PSG, qui sait ?

Commence alors leur grand voyage vers leur future carrière. Seuls dans leur appartement d’une quelconque banlieue espagnole, ils découvrent la vie en Europe, les équipes locales et arrivent même à se faire remarquer par les sélectionneurs.

 

Un double itinéraire entre lumière et misère

 

On en arrive alors au point qui rend le film extrêmement fort. Il est facile de voir dès les premières minutes à quel point Moussa et Amadou se font escroquer. Pourtant, tout est perçu du point de vue des deux jeunes Maliens, naïfs et plein d’espoir, qui ne voient qu’une chose : le football. Le spectateur aurait envie de leur crier de ne pas se laisser manipuler ainsi mais à la fois, il comprend leurs motivations et leurs incompréhensions devant ce monde.

Moussa et Amadou ont parfois des doutes, mais leurs « agents » savent si bien les rassurer qu’il devient parfaitement compréhensible, de leur point de vue, qu’ils continuent comme ça. Même lorsqu’Amadou part passer des essais au Portugal pendant que Moussa, pas assez bon, quitte l’équipe.

 
Un futur footballeur avec son agent?.

 

Car bien sûr, tout dérape. Mais il est difficile de vraiment dire quand tant la construction du film, qui pourrait paraître extrêmement prévisible, nous surprend sans cesse. Je m’explique. Diamantes Negros est le genre de film qu’on croirait connaître par cœur. Deux types espèrent faire fortune. Ils se font avoir. Descente aux enfers. Fin. Mais ici, le scénariste à la bonne idée de faire faire à ses deux personnages des allers-retours sur l’échelle de la misère.

A un certain point du film, Moussa et Amadou se séparent et suivent des trajectoires très différentes que l’on ne peut pas qualifier de « parallèles ». L’un a l’air de s’en sortir mieux que l’autre, puis c’est l’inverse. Puis l’un replonge tandis que l’autre non, pour le moment. C’est difficile de décrire ce processus sans trop en dévoiler mais la construction du scénario est extrêmement intelligente et nous laisse complètement dans le flou concernant le devenir des personnages.

Le spectateur se retrouve alors tout autant incertain que les jeunes et leurs peurs face au futur, cette incertitude qui leur fait prendre parfois les pires décisions, devient aussi un peu la nôtre.

 

Un film très fort donc, qui adopte une photographie basique et une caméra souvent à l’épaule afin d’augmenter cet aspect brut et réaliste. La musique est quasiment absente sauf lors de certains moments où elle s’emballe et ajoute un peu de dynamisme à un ensemble parfois relativement (et volontairement) amorphe.

On pourrait juste regretter quelques passages un peu lourds qui apportent un certain lyrisme dans des scènes qui se suffisent pourtant à elles-mêmes. Mais pas d’inquiétude, ça reste extrêmement mineur et l’ensemble du film garde cette tonalité terre-à-terre qui le rend glaçant. Un sentiment de réalité qui s’accentue avec le message de fin : 20 000 jeunes dans cette situation sont aujourd’hui dans les rues à travers l’Europe.