9/10La cité des monstres

/ Critique - écrit par riffhifi, le 26/05/2008
Notre verdict : 9/10 - Le freak, c’est chic (Fiche technique)

Pavé burlesque dans la mare du cinéma d'horreur furieusement indépendant, La cité des monstres est un condensé frénétique d'idées, de gags et de maquillages monstrueux. Comme si la série des Y a-t-il ... ? rencontrait Braindead.

A l'origine du projet, il y a Alex Winter, interprète de deux films crétinoïdes où il partageait l'affiche avec le tout jeune Keanu Reeves : Bill and Ted's excellent adventures et Bill and Ted's Bogus journey. Au cours d'un trip qu'on imagine mémorable, il écrit avec ses amis Tom Stern et Tim Burns un scénario dément à base de gags inacceptables et d'hommage aux classiques du cinéma fantastique. Contre toute attente, le film trouve un financement et se tourne dans la plus complète indépendance, Alex Winter occupant le devant et le derrière de la caméra, secondé par Tom Stern pour le derrière (vous voyez ça comme vous voulez). Le résultat, appelé Freaked ou Hideous mutant Freekz, est complètement barré, inclassable, et acheté (probablement par erreur) par la 20th Century Fox, qui réalise soudain qu'elle ne sait pas trop comment le diffuser. Elle le sort dans quelques salles en 1993, puis l'expédie sur le marché de la vidéo. En France, la VHS atteint les bacs en 1995 sous le titre La cité des monstres ; un DVD américain verra le jour dans les années 2000 (sous une jaquette constituée de photos du film, où n'apparaît aucun texte - pas même le titre !), mais la France ne se résout pas à sortir un zone 2. Quel dommage, une telle perle.

Ricky Coogan (Alex Winter) est un acteur sans scrupules, prêt à promouvoir un produit toxique appelé le Zygrot 24 pour la société EES (Everything Except Shoes)
contre une grosse poignée de dollars. Le jour où il tombe dans les griffes du savant fou Elijah C. Skuggs (Randy Quaid) qui utilise le Zygrot 24 pour transformer les gens en monstres, Ricky se demande s'il a bien agi. Non, en réalité, il se demande juste comment il va s'évader du spectacle de bêtes de foire dont il fait désormais partie, et s'il va de nouveau pouvoir s'intégrer dans la société avec son visage pustuleux à faire fuir Double-Face lui-même...

Dès le générique, Freaked annonce la couleur : l'hystérie est de mise. Hard rock teigneux, morphing psychédélique bricolo à la limite du pop art, on est épuisé avant même que le film commence. Tenez bon la barre, vous n'êtes pas au bout de vos peines. Le scénario est clairement inspiré de L'île du docteur Moreau (plus que du Freaks de Tod Browning, même si la référence est explicite), et paie son hommage aux classiques, notamment à l'occasion d'un clin d'œil au maître des effets spéciaux fifties Ray Harryhausen. Pourtant, nul besoin d'être fan de cinéma fantastique rétro pour apprécier la tornade comique déchaînée par Alex Winter et Tom Stern : le film contient plus d'idées dans chaque scène que la plupart des comédies dans leur intégralité, allant du simple humour slapstick (assaisonné de gore ou de trash) au jeu de mots le plus sophistiqué, en passant par le gag en arrière-plan qu'on ne repère qu'à la quatrième vision. Fonctionnant à plein régime sur le registre de l'absurde, Freaked propose par exemple parmi ses monstres un homme-grenouille qui n'est rien d'autre... qu'un gars en combinaison de plongeur ; bien entendu, ce dernier est français (Frogman).

Horror Picture Show 7
Horror Picture Show 7
De l'aveu d'un des scénaristes (interviewé pour le DVD zone 1), ni lui ni ses comparses ne pensaient que le film se ferait, en tout cas pas tel qu'ils l'avaient écrit. Mais tout arrive, et le délire des trois compères eut la chance de ne subir aucune censure du type « non mais là c'est n'importe quoi, vous ne pouvez pas faire ça. » A l'arrivée, on trouve une fraîcheur de ton inégalable, et une production underground utilisant au mieux ses ressources inespérées : un budget correct, quelques guests prestigieuses et des maquillages impeccables signés Screaming Mad George (Freddy 3 et 4, Society). Pour toutes ces raisons, on pardonnera aisément les quelques faiblesses du film, comme la finesse parfois toute relative de ses blagues.

Tant que vous n'aurez pas vu Mr. T en femme à barbe, Keanu Reeves en homme-chien (promis, c'est bien lui), une chaussette qui parle, un marteau déguisé en laitier ou des globes oculaires rastas armés de flingues, il manquera un petit quelque chose à votre vie. Donc si vous n'êtes pas anglophone et que vous avez jeté votre magnétoscope, il ne vous reste plus qu'à militer pour une sortie DVD Zone 2.