6/10Ch@troom

/ Critique - écrit par Amiral, le 17/08/2010
Notre verdict : 6/10 - Chat out (Fiche technique)

Thématique à fort potentiel, mais sans adaptation parfaite, le rapport des adolescents avec le web demeure encore une nébuleuse. Ch@troom fait un pas en avant, mais ne déroge pas à la règle.

Avec aux commandes le réalisateur de Ring et de Dark Water, l'adaptation de la pièce de théâtre d'Enda Walsh à la sauce nippone avait de quoi donner l'eau à la bouche. Armé de quelques perles sur son CV filmographique, Hideo Nakata avait mis toutes les chances de son côté pour proposer un thriller de choix. Hélas, les redondances de l'intrigue et l'extrémisme du scénario décrédibilisent les initiatives détonantes.

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Les ados modèles ?
Et comment ! Combien de parents peuvent se vanter d'avoir au sein de leur foyer cinq adolescents aussi sains d'esprits que William (Aaron Johnson), Eva (Imogen Poots), Jim (Matthew Beard), Emily (Hannah Murray) et Mô (Daniel Kaluuya) ? Manipulateur-pervers poussé par des pulsions meurtrières, William décide de rassembler ses proies autour d'un chat dédié aux « Chelsea teens ! ». Il y fait la rencontre de Mô, jeune black découvrant sa sexualité à tendances pédophiles. Eva, mannequin moquée par ses rivales, espère secrètement être secourue par un Clyde Barrow qui viendra pimenter son quotidien bourgeois et ennuyeux. Emily, jeune fille inhibée et délaissée aux  rudiments d'une éducation exemplaire, est prête à tout pour retrouver l'attention et l'amour de ses parents. Enfin, Jim est hanté par des envies suicidaires depuis que son père l'a abandonné avec des pingouins dans un jardin public. Des cas d'écoles donc, qui donneraient du fil à retordre à Marcel Rufo si l'envie d'une seconde version de son mode d'emploi Les nouveaux ados : comment vivre avec ? lui effleurait l'esprit. Un beau livre qui serait ponctué en couverture d'un portrait photo avec une pose dont Rufo a le secret. C'est-à-dire les mains pédopsychiatriques croisées, la tête légèrement inclinée sur le côté et le regard profond du genre : « Tout ce qui se passe à Chelsea est très sérieux. »

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- Qui sera ma prochaine victime ?
D'accord. Reconnaissons que nous sommes mauvaise langue. Il est vrai que Ch@troom est servi par un casting post-pubère raffiné. A commencer par le génial Aaron Johnson qui a explosé sa carrière sur la scène mondiale depuis Kick-Ass et continue d'impressionner les spectateurs dans la peau d'un William en proie à ses démons. Les compagnons qui lui donnent la réplique ne sont pas moins dépourvus de talents, alors que le scénario original privilégie le mal-être d'Eva et de Jim. Au-delà des traits extrêmes illustrant les personnages, l'histoire parvient à exprimer le malaise silencieux et insaisissable d'une génération réfugiée dans le monde virtuel. Une barrière supplémentaire qui vient davantage creuser le fossé générationnel entre les parents et leurs progénitures. Internet : une utopie factice ? Peut-être... Dans l'esprit d'Hideo Nakata, certainement.
L'homme enchaîne avec un rythme discontinu les discussions chaleureuses dans cette caverne platonique pixellisée, les passages où chaque protagoniste fait face à ses démons individuels, les appels aux suicides collectifs qui soulignent tout au long du film une ambiance glauque et malsaine. Cet angle, Hideo Nakata l'assume parfaitement. Mais ses méthodes radicales ennuient parfois, déroutent souvent. Le public pouvait s'attendre, au vue de la bande-annonce, à visionner un thriller au format plus classique pour pimenter les vacances d'été. Et puis, soyons honnêtes, nous n'avons pas tous la joie d'avoir un William à la maison.

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Une bonne thérapie de groupe
avec une déco tendance
Techniquement, c'est là que le réalisateur joue ses meilleures cartes. Nakata propose un angle original pour matérialiser ce monde communautaire. La mise en scène sobre, fantomatique, lumineuse, colorée et légèrement décrépie du virtuel est la meilleure trouvaille du film. Elle matérialise uniquement les différentes fonctionnalités que peuvent proposer les chats classiques : chaises, sujets de discussion, illustration des différents membres de la communauté, configurations personnalisées des espaces, échanges de photos ou de vidéos, modérateurs... Aucun élément inutile ou superflu ne vient perturber l'imagination subtile de l'auteur. L'environnement contraste avec le ciel gris et l'architecture sans vie du monde réel dans lequel évoluent les cinq têtes d'affiches. L'onirisme terrifiant de certains personnages secondaires et de leurs pièces ramènent les spectateurs vers une esthétique nippone plus familière.

A défaut de proposer un scénario plus réaliste et équilibré, Nakata nous offre un mélange britano-asiatique intéressant mais à ne pas mettre entre toutes les mains. Thématique à fort potentiel, mais sans adaptation parfaite, le rapport des adolescents avec le web demeure encore une nébuleuse. Ch@troom fait un pas en avant, mais ne déroge pas à la règle.