6.5/10Le Cas 39

/ Critique - écrit par Lestat, le 08/07/2010
Notre verdict : 6.5/10 - Affaire classée (Fiche technique)

Emily est une working-woman comme les films n'en finissent plus d'en présenter. Jusqu'au jour où Lilith (héhé !) atterrit sur sa pile de dossiers. Lilith est le Cas 39, un amour de petite fille brune. Mais les apparences sont trompeuses...

"Seigneur Spoiler, mon Dieu, protégez ce lecteur qui traverse et affronte le texte  que vous avez voulu lui donner à assumer. Il le fait sans lâcheté et sans crainte, sans désespoir et sans refus..."

Emily (l'Enfant des Ténèbres ?) est une working-woman comme les films n'en finissent plus d'en présenter : cheville ouvrière à la protection de l'enfance, célibataire, sans enfant, au boulôt 24h/24, parlant à ses amis par répondeurs interposés et hésitante devant les avances de son beau collègue psy (qui en désespoir de cause ne trouve rien de mieux à faire que de lui proposer un plan-cul). Jusqu'au jour où Lilith (héhé!) atterrit sur sa pile de dossiers. Lilith est le Cas 39, un amour de petite fille brune. Mais les apparences sont trompeuses...

Petit direct-to-DVD arrivé en catimini, motivé probablement par la présence de Bradley Cooper à son casting (Futé dans l'adaptation de L'Agence tous risques), Le Cas 39 est en fait le nouveau film de Christian Alvart, sympathique teuton nous ayant livré le remarqué Antibodies en 2005. Le Cas 39 s'inscrit ainsi la continuité d'une oeuvre certes encore jeune -notons récemment le spatial Pandorum- mais marquée par la propagation du Mal sous toute ses formes, abordant ici un l'angle ésotérico-génétique, le film traitant au bout du compte d'un cas de possession héréditaire. Sujet passionnant s'il en est, qui aurait mérité une approche ambitieuse voire auteurisante. Péché d'humilité ? Christian Alvart ne nous sert finalement qu'une petite série B influencée par 30 ans de fantastique catéchiste, la Malédiction en tête. Fort bien, jugeons le film comme tel. Avec ses références assumées, sa construction efficace quoique sans surprises et son casting rafraîchissant, Le Cas 39 remplit plutôt bien sa fonction et se montre particulièrement réussi sur le terrain du suspense vénéneux, Christian Alvart n'ayant pas son pareil pour dénicher les angles les plus oppressants. Pas étrangères à la lourdeur ambiante, la gamine Jodelle Ferland étonne dans un rôle titre tout en dualité et s'impose sans mal comme une émule de Sissy Spacek. A ses côtés, Renée Zellweger et Ian McShane composent un binôme petite blonde / flic bourru qui fonctionne sans forcer.

Pensé comme un divertissement du samedi soir, Le Cas 39 n'oublie pas de se ménager quelques plages plus spectaculaires. Et c'est précisément là que le film se prend les pieds dans le tapi. Moment clé du film, une attaque de frelons, proprement glaçante sur le papier, s'avère ainsi bien fade à l'écran. Le tout CGI d'une part ne se fait pas sans dégâts et d'autres part, la scène évoque directement une similaire (mais avec des araignées) d'Urban Legend 3, à laquelle Mary Lambert avait su donner le potentiel gore et malsain qu'appelle ce genre de mésaventure. D'une extrême à l'autre, il est amusant de voir le réalisateur s'oublier le temps d'une poursuite très Z entre une Lilith en mode berserk et une Emily en mode slip, qui aurait pu être tournée par un Bruno Mattei ayant découvert la shaky-cam. D'une manière générale, constater que le démon de l'affaire, plutôt prompt à balancer des meubles, se trouve systématiquement bloqué par une paire de verrous ne manquera pas de laisser incrédule. De l'horreur à tendance gros sabots, qui  laisse presque déplorer l'absence de la  gerbe de dégueulis verdâtre et du curé en soutane qui aurait permis à l'ensemble de grossir les rangs des folkloriques rejetons de L'Exorciste... Ce qui, paradoxalement, permet de se rendre compte que Le Cas 39, malgré son statut, malgré sa déférence, malgré son humilité, évolue en terrain totalement athée. Une originalité qui a le mérite d'exister et confirme que derrière les présentes images se cache un autre film, plus intriguant, moins calibré. Lequel des deux est l'ange ou le démon, nous risquons malheureusement de ne jamais le savoir.

Le DVD

Edité par Paramount, le DVD est à l'image du film : simple, efficace et vecteur d'indulgence.  Image et son ne suscitent pas de remarques particulières -l'atmosphère dépressive et les tons froids du film sont formellement bien rendus-, côté bonus, c'est un peu la foire à la saucisse. Le premier module, pompeusement nommé Le Dossier Démon : les Secrets du cas 39 consiste en fait en un making of ultra promo où acteurs principaux, producteur et réalisateur participent à l'après-vente. Dans les faits, Renée Zellweger raconte comment le script l'a captivée, pendant que le producteur renchérit d'un implacable "c'est l'un des scripts les plus effrayants que j'ai lu". Wow. Un peu décalage avec l'autocongratulation générale, le réalisateur, visiblement pas dupe de l'exercice, lance quelques phrases toutes faites avant d'expliquer à demi-mot qu'il ne voulait plus faire d'horreur et que le Cas 39 est une pure commande. Finalement, l'acteur Ian Mc Shane reste le tenant de la classe, en tranchant dans les louanges pour cataloguer Le Cas 39 de croisement entre Graine de violence et L'Exorciste. Une définition difficile à contredire (et facile à compléter d'une poignée d'autres titres du genre "possession" et "enfant tueur"). Un maximum de frissons, Un essaim de frelons et Jouer avec le feu sont un peu du même tonneau, maquilleurs et techniciens devant jouer des coudes pour prendre la parole face à des acteurs définitivement sympathiques mais n'ayant définitivement rien d'intéressant à raconter. Bradley Cooper reste néanmoins ravi d'avoir dévasté une salle de bain pour les besoins de sa scène de frelons. Reste un morceau de choix, les scènes coupées, parfois simples extensions qui ont bien fait de choir, où se distinguent deux pépites. La mort alternative du détective Barron, paradoxalement assez hors-sujet par rapport à celle retenue, mais jouant la pleine carte de l'épouvante à l'ancienne pour ressembler... à une scène qu'on aurait coupé du Prince des Ténèbres de Carpenter. Et une fin alternative, beaucoup plus sombre, qu'il n'est pas interdit de préférer au choix final.