7/10Le Capital, le nouveau Costa-Gavras

/ Critique - écrit par Hugo Ruher, le 31/10/2012
Notre verdict : 7/10 - Un Corleone comme les autres (Fiche technique)

Tags : film gavras costa france capital gad elmaleh

Depuis le début de la crise économique, les films fictionnels ou documentaires pleuvent sur le monde de la finance et ses travers nombreux et facilement attaquables. Cette fois c’est au tour d’un grand nom du cinéma, Costa-Gavras, de se coller au sujet dans Le Capital.

Le cinéaste a choisi Gad Elmaleh dans le rôle principal, celui de Marc Tourneuil, un jeune banquier catapulté au sommet de sa hiérarchie par son boss gravement malade. Il devient alors la cible du comité exécutif et des représentants d’actionnaires qui cherchent tous à pousser ce petit jeunot hors de leur monde si profitable.

DR.

The world is mine

Vous l’aurez compris, le scénario ressemble à celui d’un film de mafieux avec seulement un changement dans les moyens d’actions. Les menaces se font ici à coup de gros billets, d’avocats et de produits financiers toxiques, qui ne sont rien d’autre que les flingues et les têtes de chevaux du monde civilisé. L’aspect criminel au premier degré n’apparaît alors que dans les fantasmes de Marc, sympathiques bien qu'assez peu exploités. Cette comparaison peut paraître extrêmement cynique mais, si on s’intéresse un peu plus au sujet, est loin d’être caricaturale, voire même parfois en-dessous de la réalité. Bien sûr, c’est un sujet tellement présent aujourd’hui que la critique paraît un peu facile, mais le traitement de Costa-Gavras apporte tout de même beaucoup.

La réalisation est dynamique et ne laisse pas de temps mort, malgré le sujet un peu technique et l’ennui que pourrait provoquer des combats à coups de magouilles actionnariales. La musique se fait discrète, au profit des dialogues très révélateurs. D’ailleurs, à ce compte-là, le réalisateur use et abuse un peu trop à mon goût des phrases choc censées vouloir dire beaucoup, tout en étant faciles à retenir, du style : « C’est la conjoncture qui dirige tout, c’est une grosse pute », « J’enrichis les riches et j’appauvris les pauvres, je suis un banquier normal », ou encore « L’argent est un maître, si tu le sers bien, il te donne beaucoup ». Le film en est émaillé et le principe devient un peu redondant à force d’utilisation, retirant la force du sujet au profit de slogans à consonance publicitaire.

DR.

Des biffetons et des hommes

En ce qui concerne les acteurs, les yeux sont bien sûr tournés vers Gad Elmaleh qui sort encore une fois de son registre comique et qui s’en sort plutôt pas mal. Les trois quarts de son jeu consistent souvent à garder un visage perpétuellement fermé face à tout ce qui se passe autour de lui, mais il est crédible en directeur de banque. Cependant, celui qui rehausse vraiment le niveau c’est Gabriel Byrne, dans le rôle de Dittmar, un représentant des actionnaires américains de la banque, cynique et cruel, qui amène beaucoup à l’aspect « mafia » du film. Chacune de ses apparitions est un vrai délice et il prend visiblement son pied dans le rôle du méchant classe et charismatique.

Par contre, en ce qui concerne les personnages féminins, que ce soit représentatif du milieu de la finance ou pas, ils sont vraiment en retrait. C’est simple, la plupart des personnages sont des hommes, à part la fille du patron incompétente, la femme au foyer sans envergure, la jeune idéaliste naïve et la prostituée. Avec ça, on a fait le tour du machisme environnant dans cet univers si particulier. Le pire dans tout ça étant que la réalité doit, encore une fois, être bien au-delà.

 

On ne rentrera pas précisément ici dans le thème du film, critique de ce monde de la finance, lourd de conséquences, mais qui est pourtant traité par ses membres comme un jeu duquel les citoyens et même les gouvernements sont exclus. Il y aurait beaucoup à dire mais le sujet est tellement rebattu et interprétable par tellement d’angles différents que je préfère m’en abstenir dans cette critique.

Au final, on passe un bon moment devant ce qui n’est pas un chef-d’œuvre, ni même un film emblématique de Costa-Gavras, mais qui permet de poser un œil nouveau sur la crise que nous vivons, sur ceux qui la provoquent et ceux qui la dirigent.