9/10Bubba Ho-Tep

/ Critique - écrit par Lestat, le 13/02/2006
Notre verdict : 9/10 - Don't Fuck with the King ! (Fiche technique)

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Don't Fuck with the King !

Si maintenant, tout de suite, je vous disais qu'Elvis Presley n'est pas mort. Que John Fitzgerald Kennedy, en plus d'être Noir, n'a pas été assassiné. Et que tout deux coulent leurs derniers jours dans une déprimante maison de retraite, rythmés par des repas immangeables, des digressions de comptoirs et des troubles de l'érection. Impensable, pensez-vous ? Et pourtant c'est bien le cas. Jusqu'au jour où une momie ancestrale sème la mort dans la bâtisse. Mais l'antiquité n'a qu'à bien se tenir : nos deux vieilles gloires ont sorti les déambulateurs et sont prêtes à lui botter les fesses !

On savait depuis Road to Graceland que le King n'était pas mort et n'avait fait que prendre un peu de bon temps en attendant l'ultime come-back. D'ailleurs, il est intéressant de regarder ce film de David Winkler, road-movie tragi-comique et décalé, avant ou après Bubba Ho-Tep, tant il pourrait en être une excellente préquelle. De 1998 à 2002, Bruce Campbell remplace Harvey Keitel, l'hospice les routes interminables de l'Ouest américain, mais les deux films semblent habités du même feu. A la différence que Road To Graceland était une petite histoire humaine, alors que Bubba Ho-Tep est une revanche camouflée sous les oripeaux d'une bisserie improbable. La revanche de deux papys ventripotents, qui soudain trouvent une raison de continuer à vivre, se découvrent une existence tournant autour d'autre chose qu'une paranoïa galopante ou qu'une excroissance au bout de la verge, et surtout, se découvrent une place dans le monde qu'ils avaient perdu sous le poids des rides. Bubba Ho-Tep est un film en demi-teinte, tout en nostalgie et alternant des plages comiques avec des instant bien plus graves. Le rythme est lent dans cette maison de retraite aux couleurs feutrées, posée sur un coin de verdure où l'on trépasse plus que l'on ne passe, où les dialogues impayables d'Elvis et JFK côtoient les interrogations douloureuses sur un probable cancer ou un statut d'oublié.

"La vieillesse est une Île entourée de Morts" - Juan Montalvo

Don Coscarelli est un réalisateur qui aime la Mort. Plus que l'aimer, il l'icônise, donnant au genre fantastique ce fabuleux personnage que le Tall Man de la tétralogie Phantasm. Un amour tendre du macabre qui n'est pas absent de Bubba Ho-Tep, où la Mort prend une beauté transfigurant des personnages déglingués, telle un ultime pied de nez où chacun retrouverait sa dignité voir son héroïsme dans le trépas, tel ce vieux cow boy, passant l'arme à gauche sans se débotter, faisant feu de toutes part avec ses revolvers en plastique. L'humour noir n'est pas exclue, véhiculé par deux croque-morts gaffeurs assez irrésistibles. Film complètement bicéphale, à cheval entre deux tonalités et jouant volontiers sur l'absurde, Bubba Ho-Tep acquiert une sorte de flottement, accentué par la voix off implacable d'un Elvis oubliant d'être une loque.

Réflexion subtile sur la vieillesse où débarque une momie suçant les âmes par l'anus, Bubba Ho-Tep est une sorte de miracle, alchimie parfaite d'un gros Z qu'un inconscient aurait oublier de rendre ridicule. Parsemé de passages destinés à devenir cultes -l'insulte hiéroglyphique de la Momie, la préparation au combat, le Kung Fu brinquebalant d'Elvis...- qui ne le deviendront probablement jamais, Bubba Ho-Tep semble débarquer d'on ne sait trop où, enfant terrible d'un réalisateur discret porté par deux stars qui ne le sont pas moins. Bruce Campbell, le Ash des Evil Dead, qui apporte tout son talent comique mais aussi dramatique à son personnage d'Elvis, soudain magnifié et rendu incandescent lors d'un flashback superbe revenant sur la genèse de l'histoire. Ce n'est ni plus ni moins que son meilleur rôle à ce jour. Face à lui, un acteur engagé, plutôt connu pour ses rôles au sein de la Blaxploitation, Ossie Davis. Presque ironiquement, il décèdera en 2005, jouant là un de ses derniers personnages, celui d'un homme un peu fou censé être mort. Un pas de deux extraordinaire à la démarche claudicante. Et comme toujours chez Coscarelli, c'est une musique étrange qui nous caresse les oreilles, mélancolique et douce, en phase parfaite avec le film.

Bubba Ho-Tep ne ressemble à rien de connu, un OVNI détraqué et étrange, camouflant son potentiel d'analyse sous des images d'une naïveté désarmante. On aura beau médire du cinéma fantastique actuel, Bubba Ho-Tep restera avec May et les délires de Rob Zombie parmi les perles à enfiler sur le cordon des années 2000, et par dessus tout, un membre de cette race de films étranges qui n'ont jamais les honneurs des encyclopédies, mais restent toujours quelque part dans une marge, tel un poil à gratter qui ne parvient pas à se faire oublier. Sorti en 2002 outre-Atlantique, Bubba Ho-Tep se sera évidemment fait attendre chez nous, obligeant le spectateur français à se rabattre sur un DVD anglais ou à attraper le film au cours de festivals locaux. Une sortie salle semble prévue, ce sera pour février 2006. L'occasion peut être de s'y plonger ou replonger, en attendant Bubba Nosferatu...