4/10Dans la brume électrique

/ Critique - écrit par nazonfly, le 22/04/2009
Notre verdict : 4/10 - Esprit embrumé (Fiche technique)

Tags : dans brume film electrique tavernier bertrand lee

Tommy Lee Jones à la recherche d'un tueur dans le bayou... ça donnait l'eau à la bouche. La pilule a finalement un goût amer de reviens-y pas.

Quelle curieuse idée a eu Bertrand Tavernier de réaliser un film en Louisiane,  tourné en anglais, financé en France,  et avec Tommy Lee Jones dans le rôle titre ? Peut-être une façon de coller plus fidèlement au roman de James Burke, Dans la brume électrique avec les morts confédérés, mais sans doute pas l'espoir de réussir aux Etats Unis, puisque Dans la brume électrique est sorti directement en DVD. C'est en tout cas servi par une bande-annonce alléchante et des critiques emballées (Grand prix du premier festival international du film policier de Beaune) que le film est sorti en France.

Dans la brume électrique commenceNon ce n'est pas Roseanne derrière...
Non ce n'est pas Roseanne derrière...
comme un classique du film de serial killer : un corps est découvert dans les bois des marais de Louisiane, le corps d'une prostituée affreusement mutilée (étonnant comme les trois quarts des tueurs en série s'attaquent à des prostituées, et que toutes les victimes sont affreusement mutilées). Le lieutenant Dave Robicheaux (Tommy Lee Jones) est affecté à l'enquête. A travers le bayou, il tentera de démêler les fils d'une affaire finalement bien compliquée, même si les soupçons de Robichaux se portent rapidement sur Julius "Baby feet" Balboni (John Goodman), mafieux en train de financer un film dans la région et  accessoirement ancienne connaissance du lieutenant.

Compréhensible comme le passage d'une tornade

Le passé est justementPas mal la version humaine de Droopy
Pas mal la version humaine de Droopy
l'un des éléments importants de Dans la brume électrique. Robicheaux est un peu hanté par son passé au Vietnam, très hanté par la mort d'un nègre en 1965, mais surtout hanté par un général de la Guerre de Sécession, sans oublier l'ouragan Katrina qui vient juste de sévir au moment du tournage. Mais là où ce mélange entre le passé et le présent pourrait être l'un des atouts du film, il se pose plutôt comme l'écueil majeur. Les scènes se succèdent sans relation entre elles : le général sudiste ne sert apparemment qu'à introduire quelques réflexions philosophiques qui n'amènent rien au reste du film, les scènes de famille s'intercalent au milieu de l'enquête comme un cheveu tombe dans la soupe... C'est d'ailleurs l'ensemble du film qui est mal foutu. Les enquêteurs semblent notamment être de fieffés idiots à peine capables de relever des indices sur une scène de crime, au contraire de l'omniprésent et omnipotent super-flic Robicheaux. Les dénouements de l'intrigue se font de manière totalement impromptue et les surprises du scénario sont prévisibles jusqu'au dernier plan (ah ce dernier plan... on le sentait venir). En plus d'être prévisible, Dans la brume électrique est aussi très brouillon. La galerie de personnages plus ou moins crédibles qu'on nous présente ne permet pas de s'attarder sur l'un d'entre eux : les personnalités sont rapidement brossées sans que l'on puisse s'intéresser aux protagonistes plus que quelques secondes. Certes ce flou nous permet de soupçonner à peu près tout le monde, du vieil assassin devenu chanteur au couple d'acteurs souvent bourrés, du shérif du comté voisin au plus innocent des sbires de Balboni. Les personnages paraissent, finalement, beaucoup trop lisses et sans saveur, en particulier ceux de Balboni ou de la femme de Robicheaux qui aurait aisément pu être effacée du tableau sans que cela nuise au film. Au contraire même.

Bayoublié

Mais la déception se focalise Tavernier se plante même sur les scènes de T-shirts mouillés
Tavernier se plante même sur
les scènes de T-shirts mouillés
finalement sur les deux éléments qui auraient dû faire de Dans la brume électrique un bon film : le bayou et Tommy Lee Jones. Bertrand Tavernier ne fait pas vraiment honneur à la Lousiane et à ses célèbres marais remplis de crocodiles. Ne croyez pas à baigner dans une atmosphère glauque, humide et poisseuse. Le bayou ne prend aucune part dans l'intrigue et reste à peine plus qu'un tableau accroché à un mur, et l'action aurait pu se dérouler en plein coeur de New York ou sur les plateaux mongols que ça n'aurait rien changé. Quant à Tommy Lee Jones, il n'y a rien à reprocher  à son jeu d'acteur : il a toujours la paupière qui tombe, l'accent traînant et le charisme qu'on lui connait. Mais son personnage souffre de nombreux défauts rédhibitoires. Pendant la majeure partie du film, il est le bon samaritain, toujours prêt à secourir son prochain, à recueillir des fillettes abandonnées chez lui, à fermer les yeux sur les petits délits. Bref, comme le dit Tavernier, un « homme qui a de grands principes moraux, mais qui est traversé par des éclats de rage ». Le seul problème est que l'on n'y croit pas du tout (et encore moins quand le vieux Robichaux met à l'amende les jeunes truands du coin). Du flic qui pêche le poisson à celui qui massacre un rabatteur dans les toilettes, le grand écart est vraiment trop grand.

Dans la brume électrique est un film maladroit et brouillon qui part dans toutes les directions, comme un chien fou à qui on aurait donné un bel os à ronger. Certes il nous sert un Tommy Lee Jones qui passe toujours bien à l'écran (même si nous sommes loin de Trois enterrements), un John Goodman ressorti des abysses tel un vulgaire Mickey Rourke et surtout un Pruitt Taylor Vince (Identity, Tueurs nés, X-Files) toujours aussi bon. Mais le film passe aussi largement à côté de son sujet qu'on aurait aimé l'aimer.