7.5/10Bons baisers de Bruges

/ Critique - écrit par Nicolas, le 27/06/2008
Notre verdict : 7.5/10 - Bruges tout puissant (Fiche technique)

Tags : film bruges bons baisers ray cinema ken

A Bruges, il n'y a pas que le chocolat qui est noir...

Une chose est sûre : le réalisateur a forcément dû regarder Harry Potter et la Coupe de Feu avant de boucler son casting, trois têtes d'affiche dudit opus se retrouvant au générique de ce Bons Baisers de Bruges. Le cinéma est finalement peu de choses, se dit-on alors. Et Bons Baisers de Bruges est finalement peu de choses, en apparence, avec sa petite médiatisation assez saugrenue, son affiche peu tape à l'œil, et son casting loin d'être affriolant. Pour sûr, cette semaine, on est tenté d'aller voir plus gros, plus commercial, et pour sûr, on est dans l'erreur.

Tout commence dans le décalage le plus total. Après une fin de contrat en eau de boudin, Ken (Brendan Gleeson) et Ray (Colin Farrell), deux tueurs à gages à la solde d'Harry Waters (Ralph Fiennes), se retrouvent contraints de se planquer à Bruges, en Belgique. Alors que Ken y voit une bonne occasion de découvrir le patrimoine historique de la ville, Ray se morfond et peste contre cette ville sans grand attrait. Tout deux n'attendent qu'une seule chose : des nouvelles instructions. Et ils sont encore loin de savoir où celles-ci vont les emmener...

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"Tu me fais flipper quand tu me regardes comme ça.
- Tu me fais flipper avec ta coupe de cheveux."
La grosse surprise du film, c'est Colin Farrell. Acteur plutôt moyen, habitué à des rôles de dur à cuire (si l'on excepte quelques petites encolures du genre d'Alexandre), il prouve ici qu'en lui donnant quelques libertés fantasques, il peut réaliser quelque chose de crédible et même d'attendrissant. Son personnage est de loin le moteur du film, à l'origine de son âme et de son humour. Ray est brisé par son dernier contrat, pétri de préjugés, et carrément susceptible. La ville représente pour lui l'enfer, le juste retour des choses, alors que le monde entier ne cesse d'en vanter les mérites, ce qui n'est pas pour arranger son humeur. Et c'est avec un certain délice que l'on suit ce jeune meurtrier terriblement attachant se prendre le chou avec son partenaire plus terre-à-terre, un acteur de petite taille raciste, une petite frappe sans grande ambition, et une nana bien moins clean qu'il n'y paraît. Le tout avec un humour assez corrosif qui nous rappelle certaines comédies anglaises.
Comédie, d'accord, mais comédie noire tout de même. Disons même que son pessimisme et sa violence en sont le cœur, l'arbre qui donnera les fruits de son humour si délicieux. Le film ne perd jamais de vue son sujet, assez poignant, mais se fait une joie de creuser un décalage absurde entre les personnages, leur condition, et leur terrain de jeu. Le film reste ambigu jusqu'à son dénouement, demeure multi-classes, cultive les bons mots et les obscénités soft, jusqu'à sa conclusion plutôt sanglante. Au final, on est plutôt désappointé de constater que le film n'est résolument pas un film d'action, mais bien un enchevêtrement de rapports humains et de remises en questions existentielles. Bernés, nous le sommes, adorablement surpris, nous le sommes également.

Drame et comédie noire, un mélange plutôt étonnant qui sied à merveille à la ville de Bruges. Colin Farrell tire une de ses plus belles compositions, et si le film conserve tout son long un rythme plutôt lent, les dialogues bien achalandés et l'humour coup de poing du film font défiler les minutes à toute vitesse.