8/10Basic Instinct

/ Critique - écrit par Nicolas, le 02/05/2008
Notre verdict : 8/10 - Stone Age (Fiche technique)

Tags : film basic instinct stone sharon nick verhoeven

Loving Stone.

Vous êtes vous déjà demandés comment débutaient une réputation et une gloire ? Pour Sharon Stone, actrice maintenant emblématique de l'échoppe hollywoodienne et accessoirement fantasme immortel d'un certain nombre de libidos, le virage est clairement identifiable : amorcée par son rôle de blondasse dans Total Recall (1990), la renommée viendra avec son autre rôle de blondasse dans Basic Instinct (1992), un croisement de jambes suffisant à faire d'elle le sex-symbol ultime des années 1990. Ce qu'il y a derrière ce croisement de jambes, nous le savons tous, la scène est suffisamment explicite. Mais qu'il y-a-t-il encore derrière ce qu'il y a derrière le croisement de jambes ? Qu'est ce qui a fait de Basic Instinct, derrière son allure de thriller érotique, ce qu'il est aujourd'hui, c'est-à-dire une œuvre majeure du septième art demeurée dans les annales cinématographiques comme le chef-d'œuvre de son réalisateur, Paul Verhoeven ?

Attention, cette critique est susceptible de révéler certains détails importants de l'intrigue.


"(Est-ce que j'ai pensé à mettre
une culotte ?)"
Comme vous avez pu le remarquer dans cette introduction, et comme n'importe quel article sur Basic Instinct, nous avons parlé de jambes qui se croisent. Rien n'est innocent, ces gambettes appartiennent à la scène la plus connue et la plus représentative du film par ce qu'elle montre, et par ce qu'elle implique. Elle construit à elle seule un personnage haut en couleur à défaut de l'être en culotte, l'écrivaine Catherine Tramell, incarnée évidemment par Sharon Stone. L'actrice et le personnage partage non seulement le physique, mais aussi une intelligence hors du commun, ces deux aspects étant largement mis en avant lorsque la demoiselle se retrouve face à quelques inspecteurs de police incapables de prendre le dessus face à leur accusée. Cette opposition, apparemment désavantageuse pour la demoiselle, est la preuve même du génie de Tramell et de sa perversion absolue, s'amusant à confondre son auditoire en usant de tous les sous-entendus possibles et imaginables, et conservant un sang-froid à faire froid dans le dos. Elle pousse même le vice jusqu'à dépeindre à l'avance dans ses romans les crimes perpétrés, suggérant sans nul doute une volonté propre de maîtriser la réalité, d'y exercer un pouvoir. Il est important de remarquer d'ailleurs que les seules faiblesses affichées de Catherine n'apparaissent que lorsque ce contrôle lui échappe (les frasques de Roxy, les réactions inattendues de Nick).


"(Est-ce que j'ai pensé à mettre
un caleçon ?)"
Le personnage fascine, attire et repousse à la fois, et entraîne dans son sillage l'inspecteur Nick Curran. Le personnage de Michael Douglas est très certainement celui qui évolue le plus dans le film, et pourtant se montre indubitablement moins intéressant que la Catherine de Sharon Stone. Fadasse, Nick Curran est complètement obnubilé et manipulé par son amante psychotique, un simple jouet qui semble maîtriser le jeu et qui n'est pourtant qu'un pantin entre des mains très habiles. Plus intéressante, Jeanne Tripplehorn incarne Elizabeth Garner, autre figure de la psychologie qui semble elle-aussi chercher le pouvoir, ou tout du moins un certain contrôle de son environnement. Le triangle qu'elle forme avec Catherine et Nick émet un certain nombre de questions qui resteront sans réponses, mais qui ont le mérite à la fois de complexifier l'intrigue et de lui offrir une porte de sortie un peu facile (toutes proportions gardées évidemment, le film a fêté ces 16 bougies cette année). Au final, le casting féminin se montre nettement plus dangereux que l'homologue masculin, même si chacun cache une part d'ombre au plus profond de lui-même : la vérité sur l'accident de Nick trouvera-t-elle un chemin jusqu'à nous ? Rien n'est moins sûr, et c'est ce qui rend le personnage moins sympathique qu'il ne devrait l'être, aux antipodes du traditionnel héros américain.

L'explication du titre nous est plus ou moins remise d'entrée de jeu, à travers une scène de sexe explicite se soldant par la mort violente du partenaire masculin. Graduellement, l'intensité de la séquence grimpe en flèche, alors que la tension (sexuelle, en grande partie) des deux protagonistes décolle parallèlement, jusqu'à ce que le point culminant soit atteint et que « l'instinct basique » soit libéré. Le schéma sera répété maintes fois dans le film, chaque scène un peu sexuelle se voyant contrebalancer par une tension dramatique importante rendant le spectateur mal à l'aise, voyeur jusqu'au bout des yeux, maintenu par un suspense pointu et une fascination malodorante. Là est toute la force de l'œuvre de Verhoeven, cette coalition entre l'aspect sexuel très développé dans le film (les symboles s'y rapportant sont assez fréquents) et l'aspect thriller qui y est irrépressiblement attaché.

Au-delà du sexe et de la violence, Basic Instinct affiche donc de sérieuses qualités psychologiques et s'affiche comme l'un des thrillers références de ces vingt dernières années. Avec le recul, pourtant, certains points du scénario pourront s'avérer discutables, à commencer par un dénouement d'une facilité déconcertante, et une propension pour le sexe qui rend parfois le propos nébuleux. En brisant un certain nombre de tabous, Paul Verhoeven parvient à manipuler dans une certaine mesure le spectateur, en attirant son regard au moyen d'un cocktail sexe/violence sulfureux qui l'amène à faire comme tout le monde : regarder derrière le croisement de jambes...