Le Ballon rouge - Dossier Albert Lamorisse : un enchanteur méconnu

/ Dossier - écrit par Amiral, le 31/08/2007

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Le saviez-vous ? Un petit garçon répondant au nom de Renaud Séchan figura dans le film avec son frère jumeau, à l'âge de 4 ans. Son oncle, Edmond Séchan, était alors le chef opérateur ayant préalablement participé au tournage de Crin Blanc.

Le nom d'Albert Lamorisse n'a pas une grande résonance dans le 7ème Art. Pourtant, outre le fait qu’il soit le créateur du jeu de société Risk, le cinéma français lui doit des petits bijoux sous forme de moyens métrages, visibles aujourd’hui au détour d’une salle de classe. Les noms de ses films, tel que le Ballon Rouge ou encore Crin Blanc sont aujourd’hui des classiques connus par un large public, parfois sans en avoir vu les films eux-mêmes.

Albert Lamorisse
Albert Lamorisse
Né en 1922 à Paris, Albert Lamorisse passe sa jeunesse à l’école des Roches. Une fois les étapes scolaires habituelles franchis, il suit une formation cinématographique à l’I.D.H.E.C tout en travaillant son œil par le biais de la photographie. Une double expérience non négligeable puisque nous retrouverons toujours une certaine esthétisme dans le choix de la mise en scène et de la disposition des couleurs à travers ses films.

Sa première pellicule est un moyen métrage réalisé en 1949, où il rend hommage à l’Orient, en imaginant une fable pour enfant. Ainsi, Bim le petit Âne conte une tradition créée de toute pièce :
Sur une île imaginaire, chaque enfant avait pour compagnon un âne. Bim était le plus beau des ânes et avait pour maitre Abdallah, un jeune garçon très pauvre. Mais un jour, Messaoud, fils d’un puissant caïd, décida de se l’accaparer par la force. Abdallah fit alors tout pour récupérer son bien de cœur. A travers cette première réalisation, Lamorisse impose ses bases qui feront sa popularité : mettre en avant certaines valeurs qui lui sont chères comme l’amitié, l’acceptation des différences ou encore la lutte pour ses idéaux. Ses narrations se veulent à la fois enchanteresses et ludique, tout en conservant un certain regard sur la mise en scène. Bim le petit âne ne montre pas encore les performances de son auteur au niveau des cadrages, préférant ici privilégier l’intrigue. Une décision qui ne lui portera pas préjudice malgré la mine refroidi des producteurs qui ont peur de la non-rentabilité du film. Mais ce n’était pas sans compter sur l’aide inespérée de Jacques Prévert qui donnera un second souffle à Bim. Enchanté par la narration, le célèbre poète en fera un livre en utilisant des photographies du film. Puis viendra l’époque où il acceptera de donner sa voix pour introduire la séquence introductive du moyen-métrage, ainsi que la conclusion. lamorisse3_250
Crin Blanc

Malgré son essai avec Bim le petit âne, Albert Lamorisse connaîtra réellement le succès en 1952 avec son second moyen-métrage : Crin Blanc. L’histoire se déroule dans une Camargue encore préservée. Crin Blanc est un étalon sauvage convoité par les guardians et Falco, un jeune pêcheur des marais qui fera tout pour se lier d’amitié avec le cheval. Nous retrouvons ici aussi la même thématique que Bim, ponctuée cette fois ci par l’ivresse de la liberté.  Lamorisse  parvient à valoriser autant le scénario que les prises de vue. Il accumule les scènes cultes, de la détermination chez Falco à dompter ce cheval à la course poursuite finale. La force de sa thématique et la beauté des paysages inculquent une réelle atmosphère à sa pellicule, permettant à la Camargue d’en faire une terre de légende. Lamorisse semble plus à l’aise dans ses initiatives au vue des plans qu’il tourne. Il privilégie ainsi les plans fixes, quitte à faire des travellings pour conserver cette continuité dans le mouvement sans bâcler les scènes d'actions.  
Crin blanc connaîtra un certain engouement de la part des critiques. En 1953, Albert Lamorisse reçoit le prix Jean Vigo et rédigera un livre pour enfant évoquant la suite de cette farouche aventure.

Le réalisateur connaitra l’apogée filmographique avec sa troisième réalisation, celle qui fut la plus adulée dans le monde et où il mettra à jour toute la puissance de son talent. Serait-ce également l’apparition de la couleur qui lui permet de dévoiler ses facettes cachées ? Dans tous les cas, Lamorisse y jouera un plaisir certain avec ces colories dans Le ballon Rouge. L’homme pousse ici son amitié jusqu’à l’affection que peut ressentir un enfant face à un objet. Pascal (interprété par son fils Pascal Lamorisse), est un petit garçon vivant dans la banlieue de Paris. Un jour sur le chemin de l’école, le jeune écolier décroche un ballon rouge attaché à un lampadaire. Le ballon se lie alors d’amitié pour lui et veillera sur sa personne dans ses moindres déplacements. Le Ballon rouge est une fable qui a sans doute charmé un large public car elle touche la pureté de l’enfance même, mais aussi sa cruauté. Lamorisse nous plonge dans un Paris ternis par les ciels gris et les immeubles sans tons. Cette toile de fond fait alors contraste avec ce ballon d’un rouge vif, instaurant un peu de gaité dans ce paysage urbain et symbolisant le monde colorée de notre jeunesse. A l’instar de tous films précédemment réalisés, Lamorisse utilise très peu de dialogues, préférant  privilégier l’image et la gestuelle. L’auteur nous invite ainsi à observer avec attention ce miroir sur grand écran, reflet de notre propre enfance.

Le Ballon Rouge
Le Ballon Rouge
Le Ballon Rouge
recevra de nombreux prix à chaque apparition dans des manifestations. En 1956, il accumule les récompenses dont le Prix Louis Delluc, le prix spécial British Academy of Film and Television Arts (BAFTA) et la Palme d’Or au festival de Cannes… Il triomphera en 1957 en remportant un Oscar à Hollywood. Mais la consécration suprême arrivera en 1968 en étant déclaré Meilleur Film de la Décennie aux Educational Film Award. A l’image de Crin Blanc, Albert Lamorisse fera du Ballon Rouge, un livre de jeunesse et tournera une suite : Le voyage en Ballon, en 1960. Long métrage d’1 heure 25 où l’homme se familiarisera avec la technique de l’hélivision (les prises de vues par hélicoptère) qui lui vaudront plus tard la vie. 

L’apogée du Ballon Rouge verra par la suite le déclin du réalisateur. Albert Lamorisse se focalisera dans ses autres réalisations principalement sur l’aspect technique, toujours en quête d’innovations esthétiques afin de pouvoir y trouver une beauté visuelle. Ses derniers films sont sûrement les plus méconnus du public, alors qu’il utilise toujours le même type de décors (Le songe des chevaux sauvages) pour attirer les foules. Malgré une remise en question sur ses qualités scénaristiques avec Fifi la Plume, Lamorisse tentera une ultime expérience avec Le Vent des Amoureux qu’il tourne en Iran. Mais il ne reviendra jamais de ce tournage où il mourut dans un accident d’hélicoptère en 1970.

Même s’il n’a pas réalisé de longs métrages ayant marqué les esprits, Albert Lamorisse demeure un réalisateur honteusement méconnu. Certes il n'a jamais eu l'envergure d'un Godard ou Truffaut, mais demeure un artiste ayant su construire son propre univers ; une atmosphère instaurant avec finesse un goût particulier sur les bobines.  Il serait regrettable de négliger la qualité de ses films débordant de candeurs et de poésies. Pourtant, il est de nos jours difficile de trouver des informations sur ce réalisateur qui a su construire un univers enchanteur et envoutant. Tellement difficile qu’il est peu aisé de trouver sa filmographie en DVD. Heureusement, il arrive encore au détour d'une recherche Youtube de retrouver ces fables ayant bercé le coeur de nombreux enfants. Un internaute, Bloodydoisneau offre la possibilité de trouver l'intégralité du Ballon Rouge sous formes de parties. Profitons-en !