8.5/10Avatar

/ Critique - écrit par Nicolas, le 12/12/2009
Notre verdict : 8.5/10 - Les yeux dans les bleus (Fiche technique)

Tags : avatar film cameron james pandora monde jake

Après douze ans d'attente, James Cameron revient enfin à la fiction, à travers un film qui fera date dans la chronologie des effets spéciaux. Et le réalisateur n'a rien perdu de sa superbe.

Faisons de la rhétorique. Connaissez-vous beaucoup de réalisateurs dont la James Cameron, bien épaulé.
James Cameron, bien épaulé.filmographie complète vous est totalement connue, à une ou deux exceptions près ? Assez rare, n'est ce pas, les réalisateurs ont parfois tendance à faire dans la sur-quantité ou à dériver dans des thèmes particuliers pour pondre un obscur long-métrage pas très médiatisé. Pourtant, James Cameron est compté dans ce cercle très restreint, avec moins de dix films à son actif. Incontestablement, il fait partie des sommités du septième art, s'autorisant un cinéma très bourrin sans pour autant négliger, dans une part moindre il est vrai, l'aspect sentimental. Citer ses œuvres en tant que réalisateur (le bougre écrit pas mal aussi pour les autres) n'a rien de très difficile : Terminator 1 et 2, Abyss, Aliens le Retour, Trues Lies et l'incontournable Titanic. Il y a bien également un Piranha 2 déjà moins connu, mais sinon, que du lourd, du titre qui fait des taches, de la grande réalisation qui en a dans le soutif, de la moulinette à dollars qui a fait de James Cameron un genre à part entière, et même un artiste que l'on est prêt à attendre des années.
Car depuis son Titanic de 1997, plus rien. Tout du moins pas dans le long-métrage, le monsieur sachant s'occuper avec la production, la scénarisation, et la réalisation de documentaires. Pourtant, l'idée d'Avatar lui trotte dans la tête depuis pas mal de temps, quinze ans parait-il. Le déclic, James l'obtient en constatant les progrès techniques effectués sur Les Deux Tours. Le petit Gollum numérique le séduit, et il se dit qu'il est temps de dépenser des millions de dollars pour réaliser son projet de rêve, histoire au moins de retrouver son statut de réalisateur le plus dépensier du cinéma. Avec Avatar, Cameron se ré-hausse en haut de la pyramide financière, autrefois propulsé par Titanic puis déstabilisé par moult œuvres comme le King Kong de Peter Jackson, les Pirates des Caraibes, ou Spider-Man 3. On parle de plus de 300 millions de dollars, hors budget de promotion (qui on l'imagine va être costaud également).
Fin octobre, la bande-annonce s'offre à nos yeux avides de savoir. Celle-ci fait la part belle à la partie technique du film, en mesure d'expliquer le budget pharaonique déployé, et esquisse quelques traits de réflexion derrière une armada d'effets visuels. Au premier abord, le thème a l'air d'être simple et assez convenu, et laisse quelque peu dubitatif quant à l'intérêt intellectuel du film. Avatar est-il un film qui jette de la poussière d'or aux yeux pour mieux nous aveugler du vide cosmique de son intérêt ? Cette question a-t-elle elle-même un intérêt ? Réponse maintenant. Et sans effet spécial.

Sam Worthington, quasi-bleu.
Sam Worthington, le bleu de la marine.
Au bout de 2h40 de film, hélas, notre principale crainte s'est déjà vérifiée depuis belle lurette : l'histoire ne sera pas le point fort d'Avatar. James Cameron revisite le mythe de Pocahontas et l'adapte à la science fiction avec un goût très prononcé pour les lieux communs. C'est ainsi que Jake Sully, militaire handicapé, apprend à découvrir une nouvelle forme de civilisation avant d'y adhérer totalement et de se rebeller contre son monde d'origine. Je n'évente aucun secret, c'est plus ou moins ce qui était présenté dans la bande-annonce, qui fait du coup office de résumé assez exhaustif du film. Certains penseront donc, en voyant le film de Cameron, à des œuvres plébiscitées comme Le Dernier Samouraï avec Tom Cruise, ou bien encore Danse avec les Loups de et avec Kevin Costner. Bref, nous évoluons en terrain connu, et pouvons facilement deviner les évènements principaux les uns après les autres, sans rencontrer de grandes surprises. Le réalisateur s'autorise même à quelques facilités scénaristiques pour éviter les grosses embrouilles sociales et politiques, et n'hésite pas à se débarrasser des protagonistes plutôt encombrants avec un peu de négligence pour simplifier son récit.
Constat un peu similaire pour les personnages, qui sonnent tous un peu creux. Jake Sully a beau nous assaillir de ses états d'âmes en voix-off, nous restons constamment en surface et personne ne viendra nous indiquer comment descendre pour regarder plus au fond. Cameron se caricature lui-même en échafaudant deux rôles de femmes fortes et indépendantes, comme il les aime, mais qui n'auront malheureusement pas grand-chose à se mettre sous la dent. Et si le vilain militaire balafré en a dans le pantalon et sait se montrer "séduisant" dans ses excès de violence, son intérêt intellectuel est proche du néant. Néanmoins et dans l'ensemble, avec aussi peu de matière, les acteurs savent se montrer convaincants et communiquent convenablement leurs émotions, même les plus primaires.

Les Na'vi, le bleu.
Les Na'vi, en bleu.
L'apport ne sera donc pas cérébral, il sera indéniablement visuel. L'aspect le plus séduisant du film tient véritablement dans la plongée de Jake Sully au cœur de l'univers imaginé par James Cameron, un environnement hostile à la fois très proche du nôtre mais fondamentalement très différent. Tout a été pensé pour dépayser totalement le spectateur, Avatar allant même jusqu'à s'inventer ses propres faune et flore. Avec un gros soupçon d'émerveillement, nous découvrons donc le monde de Pandora, planète à la végétation luxuriante où tout a été passé à l'engrais surpuissant. Il n'y a qu'à admirer l'arbre-maison gigantesque de la population locale pour se dire que Cameron a vu grand, très grand. L'écosystème entier a été repensé, et l'on se dit que le temps que le réalisateur n'a pas passé sur le scénario, il l'a dépensé à créer chaque détail de sa planète imaginaire. Les décors, pour la plupart numérique donc, appartiennent au domaine du fabuleux, magnifiquement rendus par les effets visuels, mis en valeur par la caméra de Cameron qui n'en finit pas de la contempler. Le vrai sujet du film est ici : un monde totalement nouveau, avec ses dangers et ses beautés, théâtre d'une rencontre inter-espèce plutôt commune qui n'est finalement qu'une anecdote au regard du travail déployé pour donner vie à Pandora.
Aussi, Avatar est bien la claque graphique que l'on attendait, le nouveau jalon qui servira de référence aux prochaines œuvres de science fiction. L'équipe des effets spéciaux, Weta Digitals (Le Seigneur des Anneaux), a utilisé de nouveaux procédés de Motion Capture pour porter l'exercice au-delà de ce qui avait été fait par le passé, synthétisant jusqu'au moindre petit mouvement d'oeil des acteurs. Le rendu est tout simplement bluffant, et si l'aspect bleuté de la population de Pandora leur donne un petit côté synthétique, nul doute que leur animation (peut-on encore parler d'animation ?) et leur modélisation globale en épatera plus d'un. Les avatars Na'vi des personnages principaux ressemblent physiquement à leurs homologues humains, jusqu'à complètement singer leurs expressions. Normal, me direz-vous, puisque la nouvelle technologie utilisé par Cameron sert surtout à reproduire les plus infimes mouvements de visage. L'acteur est là, derrière cet amas de pixels, il n'est pas remplacé par un avatar numérique, il est l'avatar numérique, offrant sa gestuelle et son jeu, ceux-ci étant renforcés par le travail des animateurs (mouvements de queue, des oreilles).
Tout ce travail est renforcé par le procédé de relief déjà devenu plus commun de nos jours. Celui-ci apporte véritablement une valeur ajoutée au film, et même s'il n'est pas indispensable, il va de soi qu'il fait partie de l'expérience Avatar.

Les montagnes flottantes.
Les montagnes flottantes.
James Cameron est un type qui énerve. Oui, qui énerve. Parce que le type peut rester 12 ans à l'arrière-plan cinématographiquement, en ne réalisant quasiment rien, il est capable de revenir sur le devant de la scène avec une réalisation parmi les plus efficaces de l'année. Il n'appartient pas à la catégorie des Emmerich ou des Bay, Cameron a un style limpide, lisible au possible, dans tous les aspects de sa réalisation. C'est en soi ce qui est le plus bluffant : au-delà du défi numérique, Cameron n'oublie pas qu'il est réalisateur et balade sa caméra comme personne, parvenant à insuffler de la clarté à des affrontements gigantesques, à repérer ses personnages entre mille, à se rendre là où le spectateur veut aller. Des réalisateurs comme ça, il en reste encore très peu, et ils sont à préserver, tellement leur manière de faire donne du sens au terme "spectacle". L'action se taille évidemment une grande part du gâteau, comme on pouvait s'y attendre, mais Cameron y ajoute quelques grains de romance qui, s'ils n'ont rien d'original, donnent un peu de douceur à ce produit brut.
James Horner retrouve Cameron pour signer la bande originale d'Avatar, qui malheureusement n'a rien de très distinctif. Peut-être celle-ci se fait-elle manger par le visuel du film ? On repère quelques accents tribaux du plus bel effet, on se surprend à penser parfois que la musique accompagne vachement bien une scène de destruction massive, mais l'on en reste là. Une écoute à part vaudra peut-être le coup, oui, peut-être. La musique du générique, I See You de Leona Lewis, apparaît comme parfaitement identique, malgré son lien direct avec le film.

Avatar est réellement une avancée technologique, et il s'agit d'être bien conscient de ce que l'on va aller voir. A l'instar de Titanic, Cameron a souhaité associer une histoire plutôt bateau à un contexte très particulier, sur lequel il a focalisé la plus grande partie de son attention. Pandora est réellement une planète de rêves, issu de son imagination, où évolue une faune, une flore, une population très différente de la notre. Ce qui fait d'Avatar une œuvre très solide science-fiction, de divertissement, où le réalisateur montre encore une fois sa très grande maîtrise et son sens de l'image.