En attendant Star Wars… Découvrez la Forteresse Cachée

/ Article - écrit par Hugo Ruher, le 04/04/2015

De nombreuses références ont été citées pour expliquer l’origine de la saga spatiale culte. Parmi elles, George Lucas met souvent en avant un film japonais des années 50 signé Akira Kurosawa. Mais qu’en est-il?

Encore presque un an à attendre avant Star Wars VII, mais que faire pour apaiser son impatience? Une fois qu’on a revu les six épisodes pour la millième fois, d’abord dans l’ordre de sortie puis dans l’ordre chronologique, on se retrouve bien embêté. Alors pour patienter, revenons aux sources de la saga mythique.

Deux paysans pauvres et lâches pris au milieu d’une guerre civile dans le Japon du XVIème siècle, se retrouvent mêlés à une affaire de princesse en exil accompagnée par son garde du corps. Voilà le synopsis de La Forteresse Cachée, film de 1958 réalisé par Akira Kurosawa, qui aurait fortement influencé la conception de la Guerre des Etoiles. Jusque-là, on ne peut pas dire que les points communs sont flagrants.

Regardez Kurosawa, c'est un ordre

Quelques mots avant tout sur le contexte. Si vous n’êtes pas familier des films de Kurosawa, je ne peux que vous conseiller de commencer par celui-ci. Si la lenteur inhérente aux productions de l’époque et au cinéma japonais dans son ensemble peut rebuter, La Forteresse Cachée est bourré d’humour et d’action. Un film relativement grand public bien plus facile à suivre pour un néophyte que d’autres oeuvres non moins extraordinaires du monsieur. Il faut dire que c'est le premier film que Kurosawa produisait lui-même, et il lui fallait donc engranger un maximum de bénéfices avant de pouvoir se lancer dans des projets plus personnels et plus risqués.


Nos héros!.

 

Et si jamais vous avez aimé La Forteresse Caché, direction Les Sept Samouraïs, Les salauds dorment en paix, Rashômon et tant que vous y êtes, toute la filmographie de Kurosawa, rien à jeter!

Il y a très longtemps, dans un pays très lointain...

Bref, revenons à ce film dont la paternité avec Star Wars est tout sauf évidente dans le scénario. On peut trouver aux deux paysans des airs de R2D2 et C3PO quand ils se disputent mais il faut vraiment extrapôler. La princesse en exil, elle, fait immanquablement penser à la princesse Leïa et son garde du corps pourrait être un genre d’Obi-Wan Kenobi bien que le jeu de Toshiro Mifune le rende bien plus extravagant et expressif. Si vous avez déjà vu des films avec Toshiro Mifune, vous savez de quoi je parle… Et si ce n’est pas le cas, là encore toute la filmographie de Kurosawa vous comblera!

Non, les ressemblances sont plus à chercher dans l’ambiance générale de l’oeuvre. Pour commencer, la première scène s’ouvre sur un paysage montagneux et désertique qui évoquera Tatooine à ceux qui sont à la recherche de la moindre référence. On a aussi souvent noté les transitions avec les panneaux défilants de la droite vers la gauche pour changer de scène. Mais c’est une pratique qui était courante à l’époque et que Kurosawa utilise dans de nombreux films à cette période. Si on doit voir un hommage de Lucas, ce n’est pas tant à La Forteresse Cachée qu’à l’ensemble du cinéma de cette époque.

De la même manière, les sabres lasers de Star Wars rappellent les katanas japonais et on trouve quelques très bons combats de sabres dans d’autres films de Kurosawa. Notamment Les 7 Samouraïs. Mais ce n’est pas vraiment le cas dans La Forteresse cachée.


Toshiro Mifune (bien droit au centre), un des plus grands acteurs japonais de tous les temps.

 

Le grand vu par les petits

Un mot sur l’esprit du film, on retrouve comme dans Star Wars, des personnages plongés dans une guerre qui les dépasse bien souvent. Mais si on pouvait trouver noble les motifs premiers de Luke Skywalker, qui part pour assouvir sa soif d’aventure, on est dans La Forteresse Cachée, face à des motivations bien plus triviales. Les deux paysans ne sont mus que par l’appât du gain, et c’est l’or qu’ils trouvent cachés dans des bouts de bois qui va les pousser à continuer dans cette aventure. Et puis ce sont les chantages et les menaces du garde du corps qui vont les forcer à  rester. C’est là peut-être la différence la plus flagrante entre les deux films. On se rend rapidement compte que Star Wars cherche à raconter quelque chose de grand.  La lutte des résistants contre l’Empire, toute une galaxie mobilisée dans une guerre… Même si au départ, on voit cette grandeur à travers les yeux des plus petits (des paysans, des droïdes...), ils deviennent peu à peu les personnages centraux de ce conflit.

Dans La Forteresse cachée, la guerre est finalement très secondaire. On peut voir dans son déroulement des points communs avec celle de Star Wars en cherchant bien. Mais le centre de l’histoire c’est finalement l’aventure de ces paysans perdus au milieu. C’est une constante d’ailleurs dans la filmographie de Kurosawa, un aspect très social et un vif intérêt pour les conditions de vie du petit peuple. Si Kurosawa avait réalisé Star Wars, on peut être sûr qu’il aurait consacré une bonne moitié du film à la vie des paysans de Tatooine pris entre les brigands et les soucis de mousson…


La princesse en exil.

 

Vous l’avez compris, si vous voulez vous plonger dans les méandres des débuts de Star Wars, il faut passer par La Forteresse cachée. Par contre, vous risquez d’être déçus si vous comptez voir une guerre des étoiles dans le Japon médiéval. Quoi qu’il en soit, La Forteresse cachée peut-être également apprécié pour ses qualités propres. C’est un film bien mené, bourré d’humour avec une réalisation exemplaire. Son rythme assez lent pourra en rebuter certains mais si vous l’acceptez, c’est une porte d’entrée idéale vers le reste de l’oeuvre d’Akira Kurosawa.