5/10Sympathy for Mr. Vengeance

/ Critique - écrit par orioto, le 14/09/2003
Notre verdict : 5/10 - Tant de talent pour un but si peu légitime... (Fiche technique)

Tags : vengeance park film chan wook for sympathy

Il y a de ces films sacrément déstabilisants. Non pas parce qu'ils montrent des choses troublantes au possible, mais de par leur ambition générale. Ce film parle donc de vengeance, comme son nom l'indique. Il dépeint l'histoire initialement touchante d'un homme sourd/muet, lunaire et calme, dont la soeur a besoin d'une greffe de rein, qu'il ne peut bien sur pas financer. Une histoire vaine de trafic d'organes vient se rajouter à la précarité de la situation, la petite amie du jeune décoloré le pousse alors à enlever la fille de son ex patron.

Voilà ce qu'on appelle un film excellemment réalisé, brillant dans sa façon de s'attarder sur les détails, juste comme pas permis, obsédant par son rythme, par ses couleurs, par la composition de ses plans. Un film légitime en somme. Un film qu'on déguste, qui nous promène avec un confort royal. Sympathy for mr. Vengeance débute comme une oeuvre intelligente qui nous offre un festival de bonnes idées formelles sur le mode burlesque et lyrique. Il nous expose avec un style assumé et audacieux le monde à part d'un homme décalé, mais doux.

Puis on comprend que ce n'est qu'un préambule. Nous sommes, en fait, tombés dans un traquenard vieux comme le monde, le coup du quotidien amusant et léger de quelques naïfs qui va virer à l'horreur. C'est une première déception car aujourd'hui, peut-être que le plus grand des courages pour certains cinémas seraient de s'abandonner au non-drame, à la non-intensité. Fut un temps où une telle démarche pouvait être vue comme audacieuse, anti-conformiste ou même rafraîchissante et pourquoi pas drôle. De nos jours elle parait plus comme une facilité, non pire que cela, une sorte de tic maladif de trop nombreux réalisateurs.

Qu'y a-t-il comme intérêt, après tout, à montrer la violence, à s'y complaire, à la faire durer, à en faire une poésie grinçante pour le spectateur... La mettre en situation, s'en servir pour garder une emprise sur le réel, pourquoi pas, mais le film en fait une sorte de fin en soi. Ici, elle finit par se substituer à toute autre ambition. Elle s'y incruste subtilement pour le diaboliser définitivement. On est alors en droit de se demander, pourquoi cette persistance dans le sang et les lacérations sans fins.

Si Audition de Takashi Miike se complaisait douloureusement dans une scène de torture finale destinée à tester l'endurance du spectateur, le caractère horrifiant, expérimental, ludique et comique du film aidait à accepter le petit jeu. Ici, c'est une histoire humaine et touchante qui tourne en bain de sang stylisée dont les personnages sont les acteurs volontaires. Ici, même le plus gentil des naïfs se transforme en boucher avide de sang, et l'on se demande décidément... pourquoi.

La frustration est plus pénible encore quand il s'agit d'un film si beau. Pourquoi en 2003, la beauté ne pourrait exister que comme faire valoir cynique de l'horreur outrancière? Irréversible, qu'on a tant critiqué, avait l'intelligence d'aller dans l'autre sens, lui. La sincérité du réalisateur est, quant à elle, mise en doute lorsqu'il ne peut s'empêcher de sombrer dans le fantastique à base de petite fille dégoulinante. La scène est pourtant si belle, si juste, si intelligente quelque part, mais son intention finit par se perdre dans ce que l'on pourrait appeler, peut-être, la défaillance de sens d'un auteur sans réelle idée à défendre.