7/104 mois, 3 semaines, 2 jours

/ Critique - écrit par nazonfly, le 20/05/2011
Notre verdict : 7/10 - Munjoue à quoi ? (Fiche technique)

Tags : film jours semaines mungiu scene cristian realisateur

Cannes 2007 : Palme d'Or. Âpre, à la limite de l'ennui, 4 mois, 3 semaines et 2 jours est un film à voir... si possible sans connaître son thème principal, un sujet de société rarement vu au cinéma.

4 mois, 3 semaines et 2 jours est un film roumain, Palme d'Or au Festival de Cannes 2007 où il avait fait forte impression car s'intéressant à un sujet tabou, rarement vu au cinéma.

Roumanie grise et âpre

Le film surprend tout d'abord par son âpreté qui le rend difficilement abordable.
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Cristian Mungiu a, semble-t-il, décidé de délaisser tous les artifices cinématographiques pour se concentrer sur l'essentiel : les relations entre les personnages, des relations qui passent par les regards et les silences. Dans une Roumanie encore sous le régime communiste (l'histoire se déroule en 1987, le Mur de Berlin n'est pas encore tombé), tout est gris et uniforme. Les bâtiments monotones ne sont pas là pour l'apparence, ils sont censés être seulement fonctionnels et se dressent, de fait, gris sur un ciel gris. Cette impression de désespoir est renforcée par la lenteur de la réalisation : les scènes ne sont que de longs plans-séquences dans lesquels les acteurs ne font jamais le mouvement de trop, ne rient ou ne sourient jamais. Seules restent la tristesse, la peur et l'absence d'avenir. L'unique scène vraiment animée noie le spectateur sous un flot de paroles qui l'étourdissent, le lessivent et le laissent haletant, à la recherche de son souffle, entraîné dans un maelström
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étourdissant, comme l'héroïne principale est entraînée dans une situation qu'elle vit mal. C'est dans ce cadre épuré que Mungiu développe avec une économie de mouvements et de propos intéressante son sujet principal.

Effort national communiste

Si cette critique tente, tant bien que mal, d'éviter d'évoquer le sujet principal, c'est que la volonté du réalisateur est apparemment de faire tenir le suspense le plus longtemps possible en centrant le début du film sur deux étudiantes, Otilia (Anamaria Marinca) et Gabita (Laura Vasiliu), compagnes de chambrée et en les laissant évoluer dans une sphère de non-dits et d'évocations sibyllines. Mais c'est sans doute pour mieux faire exploser la force du sujet, et le dégoût et l'écœurement qui en résulte. Les deux femmes sont ainsi plongées dans un univers sordide, conséquence directe de l'effort national
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communiste. Par petites touches, Cristian Mungiu critique le régime de l'Europe de l'Est : les vivres sont rationnées, le marché noir est la règle, les cartes d'identité sont nécessaires à tout déplacement et tout le monde semble soupçonner tout le monde. En plus de ce double niveau de lecture (ce fameux sujet principal et la critique du communisme), Cristian Mungiu parvient à nous parler plus simplement des relations et sentiments humains. Les deux jeunes filles sont comme les deux bras d'une balance, l'une adulte et responsable, l'autre irréfléchie et négligente. Et le personnage de Monsieur Bebe (Vlad Ivanov) représente l'archétype du profiteur qui, sous couvert d'aider des personnes en difficulté, ne vise qu'un seul but : en tirer le maximum de profit.

Avec 4 mois, 3 semaines et 2 jours, Cristian Mungiu aborde un important sujet de société tout en l'inscrivant dans le quotidien parfois sordide de la Roumanie communiste. Sans doute le film pourra-t-il laisser au bord de la route une partie du public tant le réalisateur a choisi de laisser le temps s'étirer à la limite de l'ennui. Il n'en reste pas moins que 4 mois, 3 semaines et 2 jours est un film à découvrir... si possible sans connaître son thème principal.