7.5/103h10 pour Yuma - 1957

/ Critique - écrit par riffhifi, le 04/03/2008
Notre verdict : 7.5/10 - Yumanisme (Fiche technique)

Tags : pour yuma film ray blu western dvd

Western intimiste en scope noir et blanc, 3h10 pour Yuma première cuvée vaut le coup d'œil en attendant son remake imminent.

Dans quelques semaines, Christian Bale et Russell Crowe seront réunis à l'écran sous le titre 3h10 pour Yuma, un film dont la sortie française a été bizarrement attendue pendant de nombreux mois. Peut-être parce que de ce côté de l'Atlantique, on ne se souvient que très peu du film d'origine, désormais âgé de 50 ans. La sortie imminente du remake est l'occasion idéale de se repencher sur ce western atypique et précieux.

Ben Wade (Glenn Ford) est à la tête d'une bande de hors-la-loi sans scrupules ; Dan Evans (Van Heflin) est un père de famille dont le principal souci est de sauver sa famille de la ruine causée par la sécheresse. Le deuxième est loin de se douter qu'il va devoir escorter le premier jusqu'au train de 3h10 pour Yuma, où la justice est supposée prendre en charge le bandit. Atteindront-ils seulement ce train, malgré la présence des complices de Wade bien décidés à le faire évader ?...

Le western, contrairement à ce que l'on croit parfois, est loin d'être un genre limité. On y distingue une vaste palette de sous-genres et le nombre de ses intrigues-type est suffisamment élevé pour varier les plaisirs. Entre l'histoire type "conquête de l'ouest" (avec l'inévitable évocation du massacre des Indiens) et le western crépusculaire signant la fin des mythes et le passage à l'ère moderne, on trouve les récits d'attaques de banques ou de diligences, les convois de bétail, les règlements de compte (déclinable en mode vengeance ou chasse de primes), etc. 3h10 pour Yuma appartient à une espèce relativement rare : le western psychologique. Axé presque exclusivement sur la confrontation de deux caractères, le film se déroule en grande partie dans une chambre d'hôtel, où les protagonistes se jaugent et s'affrontent verbalement, sans qu'un coup de feu soit tiré. Les fusillades restent limitées au strict minimum, et constituent presque une formalité tant elles se situent en marge de l'intrigue. Car l'essentiel ici, c'est de savoir quelle décision Dan Evans prendra : escortera-t-il son prisonnier jusqu'au train, symbole de la civilisation qui
"Balance une Van, ça me Glenn pas !"
l'emmènera vers le jugement des hommes, ou cèdera-t-il à la facilité en échangeant la liberté de cet homme (contre qui il n'a aucun grief personnel, après tout) contre de l'argent facilement gagné pour sa famille ? Comme dans la quasi-totalité des westerns, finalement, le duel qui se joue a lieu entre l'état sauvage et la civilisation, entre la violence et la paix, entre l'instinct et la réflexion. Une problématique clé pour un genre intrinsèquement américain : la nation telle qu'on la connaît aujourd'hui s'est bâtie sur une violence qu'elle peine aujourd'hui encore à pondérer.

Filmé dans un noir et blanc particulièrement esthétique, 3h10 pour Yuma en profite pour se démarquer formellement de la plupart de ses confrères, optant pour une ambiance à la limite du surnaturel, instaurée dès le générique de début par les chœurs aériens qui remplacent totalement le bruit des chevaux de la diligence. Par la suite, l'attention se focalise sur les deux personnages principaux, Glenn Ford utilisant sa jovialité bien connue à contre-emploi, tandis que Van Heflin campe à merveille l'homme "normal" habité d'un feu intérieur visible dans ses yeux. Les deux acteurs sont parfaits, et permettent d'oublier les quelques longueurs du scénario. On remarquera que celui-ci est adapté d'une histoire de Elmore Leonard, celui-là même qui inspirera des années plus tard le Get Shorty de Barry Sonnenfeld, le Hors d'atteinte de Steven Soderbergh et le Jackie Brown de Quentin Tarantino.

Dans la carrière essentiellement westernienne de Delmer Daves, 3h10 pour Yuma se situe entre The Last wagon (avec Richard Widmark) et Cowboy (avec Glenn Ford et Jack Lemmon). Malgré son côté anti-spectaculaire, il restera avec La flèche brisée (1950) le seul mini-classique de son auteur. Reste à savoir ce que le petit malin James Mangold en a fait dans son remake...